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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 22:04

Pingault MaisonsLu par Goliath, Mina Merteuil.

 

Il y a eu Joy Sorman et "Gros oeuvre". Et, plus expérimental, "L'Immobilier" d'Hélèna Villovitch. Autant dire que le thème du logis et des maisons occupe les auteurs de nouvelles de ces dernières années. C'est que c'est un thème porteur, puisqu'il nous concerne tous. Véronique Pingault vient, si j'ose dire, ajouter sa pierre à l'édifice. Paru chez Quadrature, son recueil tout personnel affectionne l'intrigue. Et comme les autres auteurs, il ne dédaigne pas l'évocation de demeures auxquelles on n'aurait pas pensé a priori.

 

Compacte, la nouvelle initiale "Les herbes folles" évoque en germe ce qui sera présent, de façon développée, tout au long du livre: souvenirs de vie liés à un édifice, disparition, végétation, négociation même. C'est une nouvelle dense et brève, qui constitue un accès abrupt au recueil. Mais elle constitue une parfaite ouverture à un ouvrage plein de textes adroits et plus porteurs.

 

La nouvelliste a le sens de l'intrigue. Et lorsqu'elle exploite ce talent, le lecteur va immanquablement sourire et marcher dans sa combine. Cela fonctionne particulièrement dans "Avec terrasse", où un personnage, avec ses forces et ses faiblesses, ne rêve que d'une chose: loger dans un lieu avec terrasse. Est-ce trop demander? L'auteure multiplie les obstacles à plaisir. Dans un esprit similaire, "En terre potagère" se plaît à confronter les âmes. C'est une nouvelle finaude: faut-il détester cette vieille dame qui, parce qu'elle a certains droits sur tel terrain, se montre intrusive, presque malgré elle? L'issue s'avère plutôt amère que douce... de même que celle de "Tintamarre et cacahuètes", construite sur les bruits du voisinage.

 

L'auteure aime à jouer avec les mots à l'occasion. De ce point de vue, "Marée haute, marée basse", opportunément située en Bretagne, s'avère magistrale dans l'exploration exhaustive d'un champ lexical, par-delà son intrigue. Son issue tragique fait un contraste inattendu avec l'idée amusante et imagée des verres vides, à marée basse: pour un peu, l'on penserait à "Marée basse", chanson doucement subversive des "Amis de ta femme"... De même, le lecteur aimera dérouler la "Pelote de Phil", mais pas trop souvent - le titre est tout un programme, annonciateur d'une vengeance conjugale habilement construite!

 

Des logements de standing aux ponts sur la Seine en passant par un bateau à l'image de Pen Duick, l'auteure aborde plusieurs types d'habitat et dessine les humains qui les hantent. Elle va jusqu'à évoquer la dernière demeure de chaque être humain, dans la nouvelle "Les talons d'Adeline" qui arrive pertinemment, presque en fin de recueil. Mais est-ce un final idéal? Non: la nouvelliste va encore plus loin, montrant dans "Where you live" un personnage qui va jusqu'à renoncer à son logis, à son identité même. L'auteure lui a donné un titre en anglais, ce qui n'est pas innocent: pour sa sortie de recueil, elle va jusqu'à prendre ses distances avec une langue française qui est sa propre maison.

 

A sa manière, adoptant à l'occasion et avec justesse les voix de ses personnages, Véronique Pingault aborde le thème riche de l'habitat. Et c'est à sa manière qu'elle apporte une belle pierre à cet édifice éminemment divers qu'est le genre littéraire de la nouvelle.

 

Véronique Pingault, Les maisons ont aussi leur jardin secret, Louvain-la-Neuve, Quadrature.2015.

 

Autres titres cités:

Joy Sorman, Gros oeuvre, Paris, Gallimard, 2009.

Hélèna Villovitch, L'Immobilier, Paris, Verticales, 2013.

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