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3 février 2015 2 03 /02 /février /2015 21:07

hebergement d'imageLu par Alice, Cryssilda, Yv.

 

On ne connaît pas suffisamment la fin du fascisme en Italie, et encore moins ce qui s'est passé après que Benito Mussolini a été pendu avec, entre autres, sa maîtresse Clara Petacci. Lire "Un bel avenir", premier roman de Marco Videtta traduit en français (beau travail de François Rosso) permet de découvrir une époque à travers le destin de deux frères. Le regard est celui de Fulvio, qui mène l'enquête pour savoir comment son frère Lucio a fini.

 

Le contexte historique de "Un bel avenir" est bien cerné, quitte à ce que le lecteur s'y perde un peu. Qu'il prenne son mal en patience: après tout, nous sommes en mars 1948 dans le nord de l'Italie, et l'enquête de Fulvio plonge aussi dans le passé. Il sera donc question de fascisme, mais aussi de factions post-fascistes ou autres, aux noms parfois sibyllins et peu différenciés, ainsi que des troubles inhérents à une période de relatif désordre d'après-guerre. Les "partisans", figures de la résistance, sont aussi présents. Tout cela fait écho à la corruption ambiante, au truandage et aux difficultés de vivre des gens d'alors, soulignées sans lourdeur. Et structuré comme un jeu de piste, "Un bel avenir" fait figure de visite guidée de l'Italie de l'immédiat après-guerre, et en particulier de Milan.

 

La figure de Lucio - traître, idéaliste sans compromis, fasciste - se précise au fur et à mesure que l'enquête de Fulvio avance. Son parcours est complexe et donc fascinant, mais n'a rien de glorieux. L'auteur est habile: li y a comme un crescendo dans ce que l'on découvre sur Lucio. Force est de relever par ailleurs que la figure de Lucio, tête brûlée prête à mourir pour des idéaux dépassés, figure inquiétante d'ascète, trouve aujourd'hui un écho dans les figures d'autres extrémistes à l'existence et à la violence bien trop réelles.

 

"Un bel avenir" est un leitmotiv dans le roman de Marco Videtta, en plus d'être son titre. Chacun pense à un bel avenir, pour soi ou pour d'autres - encore que... Tout au long du roman, se pose la question de savoir s'il y aura même un avenir pour certaines gens: les fascistes défaits et désillusionnés, les communistes qui ont survécu, les pauvres gens qui ont souffert de la guerre, ceux qui ont des projets pour "quand tout cela sera fini"... Certains personnages ont abdiqué cette idée de "bel avenir" et vivent comme s'ils devaient mourir demain. D'autres, à l'instar du leader militaire fasciste Pietro Koch (qui a vraiment existé), ont mis un trésor de côté. Leur servira-t-il?

 

"Un bel avenir" est un roman d'une lecture aisée, peuplé de personnages roublards qui n'hésitent pas à faire usage de la ruse, voire de retournements de veste odieux, pour survivre en fonction du contexte. Un prêtre apparaît par exemple détestable: engagé malgré lui dans tel groupuscule violent, il finit par s'investir à fond dans la torture, avant de se recycler dans l'enseignement de la musique - et, mais c'est un cliché - de céder à ses basses pulsions pour ses élèves mineures. Le lecteur garde à l'esprit qu'il jouait du piano pour couvrir les cris des suppliciés...

 

Et si le récit est indéniablement captivant, le lecteur ne peut que constater qu'il est embarqué par un auteur qui finit par lui rendre attachants deux personnages bien engagés dans la cause fasciste. Il y parvient en mettant avant tout en avant leur côté humain, leurs gloires et leurs zones d'ombre.

 

Marco Videtta, Un bel avenir, Paris, Robert Laffont, 2010, traduit de l'italien par François Rosso.

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