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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 20:16

hebergement imagesDéfis Premier roman et Thrillers et polars.

Le site de l'éditeur.

 

Une fillasse de trente ans, "la Petite", qu'on retrouve morte au pied des ruines historiques d'un site médiéval près de Marmande. Le suspect présumé et quasi désigné, "L'Emile", claque aussi. En plus, quelques histoires familiales pour faire bon poids. Généreuse compoisition que celle du polar "Le Maistre des Ruines", premier roman de l'écrivain Dominique Bousquet.

 

Généreux, en effet... L'auteur se plaît à relater de longues histoires qui ont trait au passé des personnages. Ces histoires sont le signe d'une inventivité certaine, et exploitent dans un souci consommé du détail le passé de certains personnages, remontant parfois les générations. Elles s'étendent en longs paragraphes, ce qui nuit au rythme de l'histoire, en dépit d'une écriture fluide et parfois ironique: l'auteur aurait gagné beaucoup à dramatiser ces récits, au moyen de dialogues, de rythmes, ou en étant plus proche des personnages décrits. C'est que chacune de ces histoires familiales, couple stérile qui adopte dans des conditions opaques ou passé trouble du policier qui mène l'enquête, aurait mérité un roman!

 

Ces longs paragraphes s'inscrivent en contrepoint avec des dialogues souvent rapides, parfois marqués par des traits d'esprit qui dénotent une complicité entre les personnages. Ces dialogues ont le goût de respirations bienvenues, voire attendues - même si l'alternance entre dialogues rapides et longs paragraphes installe un rythme binaire qui finit par devenir monotone.

 

L'auteur installe sans tarder le contexte de son récit. Le premier chapitre met en présence "La Petite" et "L'Emile", personnages clés du roman. L'Emile, dit "Le Bourru", a droit à un portrait pas piqué des vers, et l'on sent que l'auteur s'amuse à caricaturer une figure de misanthrope invétéré. Les autres personnages se révèlent peu à peu. Le policier Karnaukhov, quant à lui, a une belle épaisseur: l'auteur joue avec ses origines russes et son physique hors norme d'ancien rugbyman et d'ancienne petite (enfin, pas tant que ça) frappe: voitures trop petites, portes étroites...

 

Quelques maladresses de plume, enfin, laissent au lecteur l'impression d'un ouvrage brut de décoffrage, qui aurait mérité un dernier coup de lime, une dernière séance de travail qui aurait été l'occasion de nourrir encore le mystère médiéval des ruines où tout se trame. Reste que l'auteur a ses qualités, en particulier une inventivité qui ne manque jamais de surprendre, et une manière bien à lui de rendre ses personnages attachants et proches en explorant leur passé. Le personnage de Vladimir Karnaukhov est d'ailleurs riche, suffisamment pour que l'auteur lui consacre un deuxième roman, "Vulnérables" (à découvrir ici).

 

Dominique Bousquet, Le Maistre des ruines, Broc, La Plume Noire, 2008.

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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 19:53

partage photo gratuit"J'aime raconter les histoires de gens qui n'existent pas", confie Arnaud Dudek en fin de son nouveau roman "Une plage au Pôle Nord", à paraître ce mois-ci. Ce bonheur de confronter les êtres, si ordinaires et (ir)réels qu'ils soient, est palpable dans ce nouveau roman, paru aux éditions Alma - merci à elles et à l'auteur pour l'envoi. Et l'on s'en délecte, au fil d'un roman qui se présente comme une tranche de vie à la fin ouverte, comme peut l'être une balade qui aboutit au sommet d'une côte.

 

"Une plage au Pôle Nord", c'est d'abord un titre construit comme un oxymore: s'il y a de la mer au Pôle Nord, il n'y a pas vraiment de plage, les plus proches se trouvant au nord du Canada et de la Russie - ce qui ne les rend pas très amènes. C'est avec cette image choc que l'auteur illustre la relation improbable qu'il installe entre deux de ses personnages: un jeune photographe et une vieille dame qui se trouve avoir retrouvé l'appareil photo de l'autre. L'informatique va les rapprocher: plantages involontaires, errances sur les sites de rencontre et impondérables au moment de la rencontre "pour de vrai", tout est très bien vu.

 

Cela permet à Françoise Vitelli, la vieille dame, de prendre ses distances avec un passé pas forcément glorieux: son mari, ouvrier modèle, a succombé à la tentation du vol. Cet aspect fait l'objet de chapitres insérés comme des flash-back à suspens, qui donnent un supplément de profondeur à l'univers que l'auteur dépeint. Suspens? La livraison de l'arme du crime, bel exemple de rétention de l'information de la part de l'auteur, crée un joli contraste avec une histoire présente fort commune. Le lecteur se demande ce qui se passe... tout en le devinant.

 

C'est que l'auteur aime jouer avec son lecteur, en lui indiquant régulièrement ce qu'il fait - ce qui n'interdit jamais la surprise. Il souligne à traits marqués les évidences du roman actuel, et rappelle qu'en creusant le passé de ses personnages, il n'invente pas grand-chose - et que toute sa créativité réside dans la teneur de ce passé (le lecteur est mis en présence de prestidigitateurs, entre autres). De manière plus subtile, il glisse quelques tableaux Excel qui théorisent ce qui se passe et forment un récapitulatif intéressant et un point de départ vers, peut-être, de nouvelles péripéties.

 

Enfin, le lecteur percevra une pointe de vécu à travers le personnage de Pierre Lacaze. Celui-ci est présenté comme un auteur de bandes dessinées méconnu, reçu dans une librairie qui ne l'attendait pas vraiment pour une séance de dédicaces et joue malgré lui un rôle de passeur entre Mme Vitelli et le photographe. Le lecteur peut y voir sans peine l'image de l'auteur lui-même, auquel incombe la mission pas toujours évidente de transmettre au lecteur une histoire particulière. Mise en abyme? Il y a de ça - ou en tout cas, il est permis d'y croire.

 

Des personnages qui n'existent pas mais qui sonnent vrai, des actions imaginaires et bien construites, et un petit grain de folie. Il n'en faut pas plus pour donner corps à "Une plage au Pôle Nord". Un roman qui n'a rien à voir, ou si peu, avec le réchauffement climatique, mais tout à voir avec le réchauffement relationnel entre personnages qui, le plus souvent, n'ont pas grand chose à faire entre eux et que seuls les aléas de la vie rapprochent. Le tout est souligné par une prise de distance ironique de la part de l'auteur. Celle-ci s'exprime dès les premiers mots d'un incipit qui inscrit le livre dans le cadre d'une fiction qui renonce à se prétendre vraie pour être, en définitive, plus réaliste: "Au début de l'histoire,...".

 

Arnaud Dudek, Une plage au Pôle Nord, Paris, Alma, 2014.

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2 janvier 2015 5 02 /01 /janvier /2015 20:42

partage photo gratuitDéfis Rentrée littéraire et Thrillers et polars.

Le site de l'éditeur.

 

Ils s'y sont mis a deux, et le résultat est unique: "Duellistes" est un thriller à quatre mains, rédigé "sans concertation" à partir d'un point de départ convenu. Les auteurs stéphanois Chrystel Duchamp et Sébastien Bouchery s'y glissent chacun dans la peau d'un tueur professionnel chargé de viser une seule et même cible: un certain Daniel F. Poursot, présenté comme un politicien discret mais véreux. Autant dire que dans leur roman "Duellistes", le Trakker et Betty Monroe sont placés en concurrence directe. Le développement s'avère inattendu... et trépidant.

 

L'idée de départ est bonne. Dans "Duellistes", elle offre aux auteurs l'occasion de faire se confronter deux personnages et deux points de vue fort différents, en alternance. Dès lors, tout l'intérêt de ce thriller réside dans les interactions entre ces deux-là. Ils sont présentés dès les deux premiers chapitres, et le lecteur les "sent" et les adopte d'emblée: le Trakker est un professionnel froid et méthodique, qui ne vit que pour son métier, alors que Betty Monroe, personnage complexe et original - original parce que complexe, dirai-je - mène une double, voire une triple vie: employée dans un grand magasin le jour, épouse et mère de famille, elle se mue en tueuse la nuit.

 

A part un métier et un objectif communs, tout les sépare donc. Les auteurs vont s'amuser à les rapprocher, au fil de contacts discrets qui débouchent sur une venimeuse intrigue sentimentale qui prend sa source, et c'est important, dans un bar louche. Ces rapprochements permettent aux auteurs de creuser deux personnages confrontés à une situation nouvelle pour eux: si Betty Monroe est à deux pas de céder à l'infidélité et de compromettre une vie familiale sans histoire, le Trakker découvre, lui, qu'il a un coeur.

 

Mais foin de romance: nous sommes bien dans un thriller, et la cible n'est jamais perdue de vue. La violence est présente, et dans les pages qu'il écrit, Sébastien Bouchery se montre cruel, d'une manière jouissive. Et si la confrontation entre les personnages a bien lieu - Eros et Thanatos, l'amour et la mort, rôdent de concert - elle intervient aussi entre les auteurs, qui glissent volontiers quelques pièges à l'attention de leur comparse. En effet, l'écriture des chapitres s'est déroulée de façon successive, chaque auteur rédigeant sur la base d'une livraison en principe hebdomadaire.

 

L'écriture à quatre mains permet un enrichissement mutuel, né de regards divers sur les personnages et aussi sur les lieux. Cela se remarque aussi avec les descriptions successives du bar Braquo B. de Mille, chacun des auteurs prêtant son attention à des détails différents qui deviennent complémentaires.

 

Enfin, l'objectif nommé Daniel F. Poursot s'avère assez secondaire au fil des pages: serait-il un McGuffin? Les auteurs omettent en tout cas de dire ce que cet homme de pouvoir a de si terrible. Le fin mot de l'affaire survient en fin de roman, comme il se doit. Dans l'intervalle, les auteurs ne manquent pas de s'amuser à filer la métaphore du "pourceau", facilement induite par le patronyme du personnage.

 

Une telle démarche est-elle une première, comme le suggèrent les auteurs? Pas sûr - on pense par exemple aux "Meurtres exquis", collectif irlandais rédigé à la manière d'un cadavre exquis. Mais au fond, peu importe. En effet, Chrystel Duchamp et Sébastien Bouchery signent ensemble un thriller efficace et captivant dès les premières pages, rythmé qu plus est. Pour ne rien gâcher, il est baigné de plus d'une référence cinématographique - la patte de Sébastien Bouchery est là. Autant dire que le lecteur est accroché d'emblée! Et au fil des pages, on sent que l'émulation fonctionne... ce qui est tout bénéfice pour cet impeccable "Duellistes"!

 

Chrystel Duchamp et Sébastien Bouchery, Duellistes, Veauche, Eastern Edition, 2014. Avis aux bibliophiles: l'ouvrage a paru sous deux couvertures différentes.

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1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 17:26

partage photo gratuitC'est la dernière lecture de mon année 2014 - et sans doute pas la plus amusante, malgré quelques lueurs d'espoir çà et là. Avec son recueil de nouvelles "La vie par effraction", l'écrivaine belge Jacinthe Mazzocchetti dresse les portraits d'un certain nombre de jeunes au parcours perturbé, surprenant, qui les oblige à trouver une voie bien à eux. Cela, à partir de drames et de difficultés bien connues: la misère humaine et sociale n'est jamais loin.

 

"Jessica", la première nouvelle, donne le ton. Le lecteur découvre une voix particulière, qui se fond dans les personnages mis en scène sans perdre de sa personnalité. Les phrases sont courtes et font mouche: un seul mot suffit parfois pour dire quelque chose d'important. L'auteure choisit d'ailleurs de placer en tête de son recueil cette nouvelle de Noël, aux antipodes de ce que pourrait être un "joyeux Noël": jeune fille en fuite et en rupture, fauchée, encore une enfant à bien des égards, proie de toutes les adversités - celles que tout le monde connaît, la cherté des bistrots par exemple, et celles qu'on ne souhaite à personne, à l'instar de l'individu louche qu'elle rencontre.

 

Nombreux sont les aspects abordés, et qui agitent l'adolescence des personnages mis en scène: le rapport au corps, le suicide, la grossesse non désirée, les premières amours, l'exil, les relations problématiques avec des parents pas forcément présents. Les amours, c'est "Louis", un jeune passionné qui va jusqu'à voler un bijou de famille pour l'offrir à celle qu'il préfère dans la cour de récréation. Superbe peinture, ici, de la difficulté à assumer des sentiments naissants, possiblement honteux ("Je ne veux pas de petit ami, jamais"), sur fond de vie de famille difficile; la nouvelle touche également à la question des rapports que la jeunesse entretient avec les outils informatiques - une thématique qui trouve un écho dans "Anonymes", dernière nouvelle du recueil. Quant à "Samira et Julien", comment ne pas y voir une relecture moderne de l'enlèvement de la jeune fille aimée, souvent vu dans des romans d'aventures d'autrefois: si le coursier a changé (le Thalys remplace le cheval...), les sentiments sont de toujours.

 

Le lecteur note sans peine que chaque nouvelle porte comme titre le prénom de son protagoniste principal. L'idée est de donner à chacun des personnages une personnalité, à travers ce signe distinctif. Le choix d'intituler "Anonymes" la dernière nouvelle du recueil n'est pas innocent: ce sont des personnages présentés comme invisibles, inconnus, qui - pour le personnage féminin - se montre par morceaux à travers des photos osées, mais sans visage, publiées sur un blog en vue d'attraper de précieux "likes". Dérive souvent dénoncée...

 

"La vie par effraction" est un recueil d'une grande cohérence, riche en échos internes. C'est aussi une lecture sur le mode sombre, parsemée d'éclairs, qui montre comment la vie s'impose, se déroule et se poursuit dans les circonstances les plus diverses. Ce livre, porté par une voix d'une grande personnalité et par un regard juste et précis, sait interpeller le lecteur. Et, peut-être, creuser en lui le terreau de souvenirs enfouis.

 

Jacinthe Mazzocchetti, La vie par effraction, Louvain-la-Neuve, Quadrature, 2014.

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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 20:58

partage photo gratuitLu par Amandine, Francis Richard, Julien Sansonnens.

Défi Polars et thrillers.

 

Il n'est pas facile de savoir qui est vraiment Matteo di Genaro - que ce soit l'auteur ou le narrateur, puisque l'un et l'autre revendiquent ce nom. Il paraît que c'est un jeune monégasque immensément riche, héritier d'un empire immobilier, qui mène l'enquête à la façon d'un flic après avoir fait un peu de droit. Mais cela a tout d'un masque - et, probablement, d'un pseudonyme. Reste que son roman "Une brute au grand coeur" réserve de beaux instants de lecture. Et en promet de meilleurs encore, puisqu'il s'achève sur les mots énigmatiques: "A suivre..."

 

Sur 67 pages, l'auteur développe avec efficacité une intrigue policière standard: un gars se fait tuer, il y a des fausses pistes, et le narrateur finit par trouver le coupable. Derrière cette structure fort simple, finalement peu nourrissante pour le lecteur, l'auteur laisse deviner qu'il y a autre chose. Nombreuses sont en effet les portes qu'il laisse ouvertes: un mystère chez tel personnage, des liens mal définis avec les îles Fidji, etc. Cela, sans compter la fameuse "brute au grand coeur": un personne qui intrigue, même mort et découpé en morceaux, ne serait-ce que pour l'oxymore...

 

Le lecteur sera séduit par la musique de ce récit. Gouailleuse, elle rappelle un certain San-Antonio. Argotique, canaille, la langue de l'auteur est parfaite pour dépeindre les bas-fonds explorés - des lieux où la prostitution se donne libre cours. Elle peut surprendre dans la bouche du personnage qui parle, et qui est un héritier milliardaire; en particulier, on sera étonné de l'entendre disserter sur l'architecture, ou sur la religion, qu'il semble honnir, pour des raisons qui secouent le lecteur. Un lecteur pris à partie plus souvent qu'à son tour, de manière souvent peu amène - là encore, on retrouve une manière de voir les gens à la San-Antonio.

 

Alors? Un petit roman, c'est peu pour tout dire, et ce tout petit livre paraîtra court et sec à plus d'un lecteur coutumier de polars plus fournis. Mais comme ça s'achève avec "A suivre", la salive monte déjà à la bouche: puisque la musique est bonne et que le dispositif fonctionne, on a envie d'en savoir plus. Alors... à quand la suite?

 

Matteo di Genaro, Une brute au grand coeur, Lausanne, BSN Press, 2014.

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16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 21:53

hebergement d'imageLu par Alain, Caro, Cécile, Ingannmic, Miss Orchidée.

 

Je n'ai pas encore suffisamment lu Serge Joncour, bien que nos chemins se croisent régulièrement à la Fête du Livre de Saint-Etienne. Mais il n'est jamais trop tard! C'est donc avec beaucoup de curiosité et d'intérêt que je me suis plongé dans "U. V.". Un rayon de soleil au plus fort de l'hiver? C'est surtout un roman où le soleil cogne fort. Un roman aux apparences d'une photo surexposée, aux couleurs trop claires qui dérangent. Pour le plus grand bonheur du lecteur.

 

Dès le début, l'auteur a le souci d'éblouir, de mettre du soleil partout. Boris, l'étranger aux airs de rastaquouère qui s'incruste dans la famille de son ami Philip en attendant son arrivée, est vêtu de blanc - autant dire de lumière, une lumière qui pourrait faire écho aux feux d'artifice du 14 juillet. Au début du roman, Boris a le soleil en face. C'est à nouveau le cas plus tard, lors du tennis avec André-Pierre: Boris est à l'aise partout, et a suffisamment de culot pour tout envisager. Et charmer tout le monde. Rien ou presque ne paraît atteindre son vêtement blanc - sauf peut-être quelques péripéties à bord d'un bateau.

 

Boris excelle à se faire apprécier de la famille qui l'accueille. Une appréciation qui va jusqu'à la sensualité, grâce à la présence de deux soeurs jumelles, jeunes encore, Julie et Vanessa, et souvent court vêtues, voire dénudées, presque impudiques. Il n'en faut pas plus pour que l'ambiance devienne explosive. Là, c'est à André-Pierre de jouer... il joue une partition à contretemps: celle du mari veule et jaloux, peut-être détestable, mais en aucun cas dupe. Indispensable détonateur, il agace comme une griffe sur une vitre par ailleurs immaculée.

 

Un détonateur qui intervient dans une ambiance faussement calme, faite de cordialités de circonstance, de scènes de vie bourgeoise (tel cet échange d'impressions autour d'un fusil de chasse) et de manipulations douces, comme on peut en connaître dans certains films - la quatrième de couverture mentionne Claude Chabrol. Ce côté serein est accentué par le lyrisme avec lequel l'auteur évoque la nature et la mer - réservant quelques pages superbes à ces sujets.

 

Roman lumineux, écrit dans une langue fine, "U. V." dévoile peu à peu les relations interpersonnelles, par touches ou par allusions. Le dispositif choisi met en place un petit nombre de personnages, et explore les tempéraments, les frotte jusqu'à l'explosion finale - j'allais dire "le feu d'artifice", très attendu: en retardant autant que possible l'arrivée de Philip, l'auteur crée une attente qui va amener précisément le lecteur là où l'auteur veut le conduire. Comment? En le rendant curieux et en le poussant à tourner les pages. Tout simplement.

 

Serge Joncour, U. V., Paris, Le Dilettante/Folio, 2003/2007.

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 21:32

partage photo gratuitLu par Biblimi, Nadia Coste, Sytra.

Le site de l'éditeur (salutations à Marilyn Stellini!), le blog de l'auteur.

 

Deux voix, ou deux points de vue. Il n'en faut pas moins pour créer un monde littéraire, qui trouve son cadre dans l'île de la Réunion. Marie-Catherine Daniel offre avec "Rose-thé et gris-souris" un roman aux couleurs souvent douces et parfois amères, où l'amour et les affinités électives jouent un rôle clé. Le lecteur sourira sans doute à l'idée qu'une écrivaine installée à la Réunion depuis 1993 soit éditée en Suisse, et songera fugacement aux bienfaits inattendus de la mondialisation. Mais voyons le roman proprement dit...

 

L'auteure sait de quoi elle parle dès lors qu'il s'agit de planter le décor réunionnais. Elle a cependant le mérite de ne pas basculer dans un exotisme facile. La Réunion est une donnée présente dans ce roman, discrète, qui affleure à travers l'un ou l'autre terme ou usage local, mentionné sans lourdeur. Cela rappelle la couverture du livre, signée Maïwenn: le palmier qu'on y voit fait "couleur locale", mais il apparaît en arrière-plan, en gris - et l'auteur donne la première place à ses personnages. C'est là qu'est l'enjeu.

 

"Chacun cherche son chef", ai-je eu envie de dire en lisant "Rose-thé et gris-souris". Au départ, en effet, deux personnages émergent - et l'écriture le suggère fortement: "Elle, c'est Gertrude" et "Lui, c'est Dégage", lit-on au début de deux ensembles de paragraphes qui imposent, d'emblée, deux points de vue: celui de l'humain et celui du chien. Page après page, l'auteure expose des recherches relationnelles dominant/dominé librement acceptées, voire transcendées. Ainsi trouve-t-on un jeune chien, Dégage, qui cherche un chef de meute et courtise Gertrude à sa manière. Lui-même est charmé par un chaton dont il va se sentir rapidement responsable. Gertrude, quant à elle, joue le chassé-croisé amoureux parfait avec son propre chef, François. Dès lors, par moments, une ambiance de comédie romantique s'installe: comment ces deux-là vont-ils se rapprocher et arriver au happy end de rigueur? Ce rapprochement complexe fait écho à l'évidence des relations entre Maîtresse, le chaton, et Dégage.

 

Gertrude et Dégage, euh... c'est un peu plus compliqué que ça. En effet, l'auteur jongle adroitement avec les noms de ses personnages. Il y a un côté génial à avoir nommé "Dégage" un chien dont personne ne veut: au fond, il obéit à son nom et, à l'instar du chien de Jean de Nivelle, il ne vient jamais quand on l'appelle. Quant à Gertrude, alias Mademoiselle Tarrier, elle aimerait qu'on l'appelle Cunégonde... Les appellations évoluent avec finesse au fil du roman, en fonction des situations, des regards portés par autrui, etc., et les personnages les plus en vue se voient affublés de trois ou quatre noms et surnoms. On peut voir là le reflet d'identités multiples, ou celui du regard que l'un ou l'autre porte sur eux. Voire, dans le cas de Gertrude dite Cunégonde, un caprice personnel fondé sur un sens de l'humour particulier.

 

L'écriture, quant à elle, s'avère alerte, parfois canaille, et trahit un certain recul par rapport à son sujet - ne serait-ce que par le choix de parler à la troisième personne. Structurée en chapitres courts aux allures de faux journal, elle invite à une lecture très rapide: "Rose-thé et gris-souris" est un roman que l'on dévore. Ses ambiances sont en demi-teinte, volontiers discrètes comme le suggère un titre savamment exploité tout un long de l'ouvrage. Elles sont empreintes aussi de sentiments et d'émotions fortes, peintes avec pudeur. Quelques éléments plus durs, tel le personnage de Tao malade du sida, empêchent ce roman, et c'est un atout, de basculer dans la guimauve. Au final, "Rose-thé et gris-souris" s'avère un livre "bonne mine" en demi-teintes, subtil, bien construit et adroitement pensé, que l'on dévore d'une traite.

 

Marie-Catherine Daniel, Rose-thé et gris-souris, La Roche, Les Roses Bleues, 2012.

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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 20:01

partage photo gratuitLu par Christophe, Corentine Rebaudet, Géraldine, Jimpee, Marque-pages, Mélusine, MLC, Naddie, Nicole Volle, Onee, Philippe Infarnet, Sabine.

Challenge Thrillers et polars et Premier roman.

 

Le Prix du Quai des Orfèvres 2012 confronte deux univers que tout ne rapproche pas: la police et le milieu judiciaire - qu'on appelle volontiers la basoche. Démarche peu évidente que Pierre Borromée, lui-même actif dans le monde judiciaire, réussit globalement en signant son premier roman, "L'hermine était pourpre".

 

Un point fort pour ce roman policier: l'auteur met en scène, avec justesse et crédibilité, certains éléments du quotidien des avocats et du barreau. Il y a les notes de frais consignées dans un cahier qui peut servir d'indice, les relations entre avocats plus ou moins chevronnés, le soutien entre professionnels. Il y a les descriptions des bureaux aussi, qui trahissent la personnalité de ceux qui y travaillent. Le lecteur perçoit une confrérie qui se tient les coudes, ce que renforcent encore les liens créés hors travail, par exemple à travers les équipées à vélo.

 

Sachant que les relations entre policiers et avocats n'ont rien d'évident, l'auteur compose une ligne de tension entre les deux éléments. Une ligne de tension lisible pour le lecteur: le policier et le procureur cherchent à condamner, l'avocat cherche à blanchir. La frontière entre les deux univers est tracée par les contacts entre des acteurs, et matérialisée par le restaurant "Chez George", où les policiers et les acteurs du barreau se retrouvent et fraternisent.

 

Mais de quoi s'agit-il? La femme d'un avocat est retrouvée morte dans son lit. Il n'en faut pas moins (tiens donc!) pour qu'une enquête démarre, mettant au jour quelques éléments étonnants - dont la virginité de ladite épouse au moment du décès (!) ou le déroulement problématique du crime. L'auteur excelle à balader les soupçons d'un personnage à l'autre, sur un peu moins de 400 pages. Et le lecteur joue volontiers le jeu. Le système a cependant ses limites: on ne croit guère à la culpabilité possible de Johnny, le gitan. Comme son seul rôle dans le roman est celui de fausse piste, sa présence paraît plaquée, artificielle - un détour narratif superflu. Cela, même si cela vaut quelques épisodes flamboyants...

 

... partant de là, l'histoire du mot "souhaitable", véritable leitmotiv, et de la conférence de presse foireuse qui l'entoure est une pure merveille, même si elle ne faut guère avancer l'action: l'auteur fait exploser un faux pas du procureur autour de ce mot et, l'espace de quelques pages, on se croit dans un roman de Tonino Benacquista, capable de tirer quelque chose d'énorme, de mondial, d'un élément a priori insignifiant.

 

"L'hermine était pourpre" plonge son lectorat dans la province française la plus profonde: l'action se passe du côté de Nancy. L'écriture est pour le moins standard, efficace à défaut de révéler un style. Preuve en sont, entre autres, les titres de chapitres, circonstanciels et minimaux. Ce style acratopège se révèle un atout: il offre au lecteur l'occasion de se concentrer sur l'action - et de dévorer ce roman policier, classique dans sa construction: le légiste intervient au début, et le coupable est connu à la fin, à l'occasion d'un dernier coup de théâtre. Comme il se doit.

 

Pierre Borromée, L'hermine était pourpre, Paris, Fayard, 2011.

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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 20:50

Lu par Carozine, Chiwi, Delcyfaro, Elizabeth Bennet, Erine6, Goliath, JMP, Lavinia, Léa, Lydia, Psylook, Pulco, Tous les livres, Umac.

 

L'écrivain belge Jean-Pierre Bours invite ses lecteurs à plonger dans un univers qui peu des sentiers battus, mais qui n'en est pas moins captivant. "Indulgences", son dernier roman, puise en effet son inspiration dans l'Allemagne du début du seizième siècle. Tout se passe entre 1500 et 1521, pour ainsi dire; et il suffit de penser que la Réforme a vu le jour durant cette période pour admettre qu'une révolution est contenue dans ce roman.

 

L'auteur excelle à brosser l'arrière-plan historique de son roman. Il se fonde sur des sources sûres, qu'il énumère dans une "note de l'auteur" finale qui, érudite, prend les allures d'un "making of". Le lecteur comprend assez vite que l'écrivain mêle la fiction et le réel dans "Indulgences", et relève entre autres que la figure de Mathias Grunewald, artiste-peintre méconnu auquel on doit le retable d'Issenheim (oeuvre célèbre, visible au musée d'Unterlinden à Colmar), fait figure de pivot entre le réel et la fiction. Pour cet aspect, et pour d'autres encore, la note conclusive trace en quelque sorte les frontières entre réel et imaginaire.

 

Du réel, l'auteur capte quelques éléments qui font vrai. Il y a les épidémies, décrites avec précision au plus près des victimes: les symptômes de la lèpre sont par exemple dépeints avec précision. Il y a la Réforme, je l'ai dit; l'auteur met dès lors en scène, de manière assez crédible, la figure de Martin Luther. Ses 95 thèses, épinglées sur le portail de l'église de Wittemberg, font figure de leitmotiv dans "Indulgences" - et s'opposent justement aux indulgences papales et aux dérives de cet outil religieux, défendues par l'opulent ecclésiastique Johann Tetzel. Cela, sans oublier l'invention de l'imprimerie, les artistes-peintres de l'époque (Cranach, Grunewald, Léonard de Vinci...) et, surtout, l'Inquisition. Chacun de ces éléments est abordé de près, et trouve une place prépondérante dans le récit. Il arrive que certains éléments explicatifs prennent beaucoup de place, donnant à "Indulgences" un côté parfois raide et didactique.

 

Ce côté sérieux et scolaire est contrebalancé par une intrigue parfaitement construite, traversée par les élans bachiques et désordonnés de quelques soudards et lansquenets ivrognes et vicieux. C'est dans les pages d'action romanesque que le lecteur se sent le plus à l'aise, le plus heureux. Il y a un bonheur certain, en effet, à dépêtrer, au fil des pages, les affaires de famille des deux femmes mises en scène, Eva et Gretchen - avec la scène de reconnaissance obligée, en fin de roman. Les aventures et péripéties de la destinée des deux femmes réservent quelques frissons au lecteur: placée face à ses juges de l'Inquisition, Eva fascine dans un rôle de prévenue qui ne s'en laisse pas compter. Cela, sans oublier, pour faire bon poids et amener une touche bienvenue de fantastique, la présence du diable Méphistophélès, qui renvoie immanquablement à une paternité fameuse: celle du "Faust" de Goethe. Faust fait d'ailleurs quelques apparitions dans "Indulgences". C'est un médecin compétent et habile; est-il aidé par le diable? Et qu'en est-il des femmes, instruites en un temps où l'on était souvent analphabète, qui mènent ce roman?

 

C'est donc avec beaucoup de science et de talent que l'auteur d'"Indulgences" mêle réalité et fiction, à tel point que la limite entre ces deux pôles devient difficile à percevoir: Gretchen et Ulrika ont-elles vraiment été les modèles de Lucas Cranach? Le lecteur curieux se surprendra à vérifier... Certes, quelques pages paraissent longues, et "plaquées" sur le récit. Mais sur la longueur, "Indulgences" fonctionne à merveille, et c'est cela qu'il faut retenir de cet ample roman, situé à un moment fascinant de l'histoire: celui où le Moyen Age cède la place à la Renaissance.

 

Jean-Pierre Bours, Indulgences, Paris, HC Editions, 2014.

 

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12 novembre 2014 3 12 /11 /novembre /2014 22:03

partage photo gratuitLu par Calypso, Caroline Doudet, Jostein, McChipie, Mina Merteuil.

Défi Rentrée littéraire.

Le site de l'éditeur.

 

"Manoir des mélancolies" fait partie des publications atypiques de la rentrée littéraire 2014. Signé du poète alsacien Jean-Paul Klée (rien à voir avec l'artiste Paul Klee), cet ouvrage recèle une cinquantaine de brèves proses poétiques qui évoquent les petits riens de la vie - et aussi de la mort. Si l'on en croit certains indices disséminés dans le texte, elles évoquent les années 2003, telles que l'auteur les a vécues et perçues; peut-être ont-elles été écrites à ce moment.

 

Petits riens... il est vrai que le propos s'avère fort secondaire, et qu'on oublie vite de quoi il s'agit, concrètement, au fil des pages. Même s'il fait preuve d'un certain humour, d'un détachement et d'un souci de fulgurance incontestables, l'auteur omet de raconter des choses vraiment marquantes afin de laisser une trace, si modeste qu'elle soit, dans la mémoire du lecteur.

 

Tout au plus se souvient-on d'un ancrage alsacien assumé (il est question de Strasbourg, d'Obernai...) et de la figure d'Olivier Larizza, auteur de "Le Best-seller de la rentrée littéraire" - paru chez le même éditeur que "Manoir des mélancolies".

 

L'impression d'inconsistance est cependant rattrapée, un peu, par les choix stylistiques et formels de l'auteur, qui ne manqueront pas d'interpeller le lecteur: l'auteur crée une musique des mots et, en ce sens, il fait oeuvre (formelle) de poète.

 

Dès les premières phrases, on sent l'option de l'archaïsme, marqué par l'usage de l'esperluette. La langue est malmenée: les mots secondaires du discours, tels que certaines conjonctions, disparaissent. Cela, sans compter le jeu sur la ponctuation, où l'auteur privilégie systématiquement le rythme au détriment du sens. Allant à l'essentiel, par exemple, il n'hésite pas à faire disparaître les points et à n'écrire que les majuscules au début des phrases. Au diable la redondance typographique... Enfin, l'orthographe est parfois bousculée, afin de dévoiler les sens potentiels de certaines homophonies (fait/fée).

 

Le lecteur sera surpris, en fin de recueil, par une lettre sans doute fantaisiste signée Adelaide von Pulferstein, figure sans doute fictive qui loue les qualités de l'ouvrage (cette occurrence de son nom, sur le présent blog, devrait être la seule si vous exécutez une recherche sur Google...). Etait-ce bien nécessaire? Cela laisse l'impression désagréable que l'auteur, peu sûr de lui, cherche à se mettre en valeur par le biais d'un argument d'autorité créé de toutes pièces.

 

"Manoir des mélancolies" laisse donc une impression mitigée: on sera certes charmé ou étonné par les choix formels de l'auteur, qui forgent une langue unique, qu'on sent travaillée malgré la présence de quelques procédés récurrents. Mais, mise au service de récits trop peu consistants, elle fait figure, et c'est dommage, de coquille vide.

 

Jean-Paul Klée, Manoir des mélancolies, Paris, Andersen, 2014.

 

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