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9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 21:46

MalatestaLu par Au détour d'un livre, Goliath.

Le site de l'éditeur.

 

Puissant pavé que "L'Or des Malatesta"! Le romancier Laurent Ladouari y poursuit l'ample récit de la destinée des personnages qui hantaient "Cosplay". Joie d'abord: l'esprit baroque de ce premier ouvrage est maintenu dans "L'Or des Malatesta". Visuellement d'abord, avec des jeux sur les polices de caractères. Et au niveau du récit lui-même, qui met en scène des personnages hénaurmes.

 

... et c'est le mot: "L'Or des Malatesta" donne au lecteur l'impression d'assister à des combats entre humains augmentés aux airs de demi-dieux déguisés. Ils sont souvent très forts, volontiers très intelligents (à l'exemple des "Polymathes" et de ceux qui sortent de l'école bien nommée de "Nonpareil") et, pour certains d'entre eux, aussi riches qu'un pays. Cela, quitte à ce que cela paraisse un peu too much au lecteur, qui doit accepter le principe de cette confrontation entre titans d'essence humaine, gens de pouvoir respectés ou honnis.

 

De ce point de vue, c'est Tancrède Malatesta, flambeur et fantasque, qui occupe le devant de la scène, éclipsant son frère jumeau Julien qui, malgré son talent de maître d'armes, paraît bien discret. L'auteur excelle à faire de Tancrède un richard qui ne sait que faire de son argent, et crée avec brio un personnage aux mille ruses, Ulysse d'un monde post-apocalyptique où tant de choses sont à reconstruire.

 

La générosité de l'auteur s'exprime aussi dans la vastitude des thèmes abordés. Il dessine les travers d'un monde profondément inégalitaire, où les privilégiés qui vivent en ville sont riches et puissants alors que les exclus, ceux qui vivent dans la zone, doivent se contenter de peu et s'inventer une vie d'expédients, pas toujours triste d'ailleurs. Passant d'un monde à l'autre, l'auteur crée ici un contraste net. Et, illustrant les rivalités qui s'installent entre les deux mondes, suggère une réflexion sur l'égoïsme plus ou moins avoué des privilégiés.

 

Il est aussi question, mine de rien, de l'intrusion de l'information, partout, et c'est là un sujet d'une brûlante actualité. Dans "L'Or des Malatesta", cet aspect prend la forme de nombreux paragraphes intercalaires citant des extraits d'interviews ou des dépêches de presse. Plus encore, il y a toujours un journaliste pour parler de ce qui se passe, même si c'est insignifiant, ou pour commenter - on pense à la belle Livie Holström. Cela, sans oublier les orientations de médias qui diffusent partout, officiellement plus ou moins indépendants mais officieusement aux ordres de la main qui les nourrit.

 

Cette générosité a cependant ses limites, l'impression étant que le roman, fort long, se perd parfois dans des détails dont l'utilité narrative ne saute pas aux yeux. On peut penser aux cadeaux que tel personnage va acheter dans une énigmatique boutique japonaise: certes, cet épisode a quelque chose de pittoresque qui peut rappeler le début de "La Peau de Chagrin" d'Honoré de Balzac; mais les cadeaux achetés ne resservent guère dans "L'Or des Malatesta". A moins que l'auteur ne s'ouvre d'ores et déjà des portes pour une suite? Quant au lecteur, il pourra facilement se perdre dans la grande quantité de personnages qui se côtoient dans ce roman. Fort heureusement, celui-ci inclut un récapitulatif en annexe.

 

Le lecteur sort donc repu de "L'Or des Malatesta", un ouvrage certes solide et généreux, mais qui cède facilement au plaisir de l'errance. La suite? On l'attend quand même, ne serait-ce que pour savoir où l'auteur entend conduire les personnages qu'il a créés, et qui semblent manipulés par quelques entités énigmatiques, quasi divines, qui jouent au go dans un jardin japonais.

 

Laurent Ladouari, L'Or des Malatesta, Paris, HC Editions, 2016.

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25 décembre 2013 3 25 /12 /décembre /2013 20:48

hebergeur imageLu pour le défi "Premier roman".

 

"Cosplay", c'est, pour le commun des mortels, un certain art japonais de se déguiser. Pour Laurent Ladouari, auteur du roman "Cosplay" (justement!), c'est une méthode managériale comme une autre, mise en scène dans un roman d'anticipation. "Cela n'a aucun sens", suggère le prière d'insérer... voire! En l'occurrence, le lecteur va être happé dans un jeu de masques tourbillonnant et non exempt de coups de théâtre - comme il se doit.

 

Précisons le contexte: vers la fin du vingt et unième siècle, l'entreprise 1T, vieille gloire de la production de processeurs, est au bord de la faillite. Son repreneur, Zoran Adamas, lance un grand jeu de rôles massivement multijoueurs, "Cosplay", dans cette entreprise. Les joueurs? C'est le personnel. Comme son nom l'indique, ce jeu se déroule masqué, ce qui permet tous les coups. Et si le début ressemble à un joyeux chaos, l'issue pourrait être fructueuse... ou pas. Là-dedans, l'auteur lâche une petite nouvelle, Katie...

 

La mascarade de tous les paradoxes

Ainsi naît une foisonnante comédie du management et des restructurations. A priori, le sujet aurait pu être tragique, sur fond de détresse sociale. L'auteur choisit un tout autre point de vue. Le Cosplay pousse au départ les personnes à la motivation chancelante et galvanise ceux qui sont passionnés. La narration suit une série de collaborateurs masqués, de tous niveaux hiérarchiques, bons et méchants. Le jeu de masques autorise tous les décalages: on trouve ainsi un Robespierre au discours un peu mou, et aussi un Gandhi armé d'un bazooka, qui a une "vision pour le moins musclée du pacifisme" (p. 394).

 

Chaque personnage réel est d'ailleurs invité à choisir son avatar dans un catalogue de personnages historiques réels ou mythiques, ce qui donne lieu à des présentations parfois cocasses. Qui se cache, par exemple, derrière la présentation "Vedette des guérillas, vendeur de T-shirts" (1)? Il va de soi que ces avatars puisent à toutes les époques, ce qui génère des rencontres pour le moins improbables entre figures du présent et du passé - un anachronisme organisé, donc.

 

Erudition et vision du management

Derrière l'esprit joyeusement carnavalesque de ce vaste roman, porté par l'énervante ritournelle "Mexico" de Luis Mariano, se cache une solide érudition. Les nombreuses références à l'Antiquité, à son histoire et à ses mythes rappellent certaines pages d'"Ilium" de Dan Simmons, en nettement moins ennuyeux malgré quelques longueurs: se croiseront ici Jules César et Cléopâtre, mais aussi Cincinnatus et d'autres. Les références à Alexandre Dumas sont aussi présentes. En particulier, le lien entre Katie Dûma (Dumas) et Athos (ce dernier étant une créature de Dumas) ne saurait échapper au lecteur. Cela, sans parler d'allusions répétées au comte de Monte-Cristo. Enfin, plus d'un personnage lit beaucoup, de Thomas Hobbes à Hector Malot en passant par Ayn Rand et quelques autres.

 

Et puis, il y a aussi une certaine conception du fonctionnement des entreprises qui transpire de ce roman. Une conception idéalisée et un poil manichéenne, opposant les entreprises à l'ancienne, pourries par le copinage et les malversations (voire, avec le personnage de Jenna Briggs, les progressions de carrière basées sur l'opulence d'une poitrine), et un nouveau système purement démocratique et méritocratique. Cela peut aller, entre les lignes, jusqu'à suggérer au lecteur qu'il peut aussi arriver, dans son entreprise, rien que par son talent - et ce, de manière fulgurante. Un point de vue qui mérite d'être nuancé...

 

Un roman d'aventures costaud

Si cette vision peut faire débat, force est quand même de constater qu'en bon écrivain de romans d'aventures, l'auteur sait faire rebondir son intrigue de façon captivante et efficace, après un début lent qui prend le temps de se mettre en place et, mine de rien, d'intriguer le lecteur. La fin met en scène ceux qui tirent les ficelles, jouant aux échecs. Elle laisse aussi le lecteur... sur sa faim, concernant un ou deux éléments: qu'advient-il de l'idylle entre Hélène et Tancrède? Que va-t-il advenir du projet de cerveau artificiel qui devrait faire renaître 1T de ses cendres (comme un phénix - tiens, c'est comme par hasard le nom du groupe auquel 1T appartient...)? Que sont les "volutions", en définitive? Ce roman se présente comme la première de celles-ci. Il devrait y en avoir d'autres, qui devraient apporter des réponses à ces questions au fil de romans successifs.

 

"Cosplay" laisse donc l'impression d'un récit aux fondements solides, qui pourraient être plus subtils parfois; c'est aussi un roman d'anticipation captivant, exubérant voire baroque dans le propos sinon dans le style, et qui se dévore. L'anticipation s'avère essentiellement géographique et technologique; elle donne à voir une ville qui pourrait être Paris, séparée du reste du monde par un mur de 12 mètres de haut. Et elle est contrebalancée par une playlist qui fait la part belle aux chansons que tout le monde connaît - et qui, pour une bonne part, ont été des succès du vingtième siècle ("Money" de Pink Floyd, "Like A Virgin" de Madonna, "Revolution" des Beatles, etc.). Sans rien perdre d'un rythme qui fait écho à l'écriture rapide et alerte de l'auteur, elles seront donc devenues, pour ainsi dire, de la banale musique classique ou d'ascenseur à la fin du vingt et unième siècle...

 

(1) C'est Che Guevara (p. 123).

 

Laurent Ladouari, Cosplay, Paris, HC Editions, 2014.

 

Merci aux éditions HC et à Babelio pour le partenariat et l'envoi.

 

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