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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 15:38

Stagoll ToitDéfi Premier roman (au pluriel, pour le coup).

 

Souvenons-nous un instant: "Par-dessus le toit" fait partie des quatre premiers romans de Joëlle Stagoll (1939-2016), publiés simultanément par les éditions de L'Hèbe en 2004. Une folie que l'éditeur assume pleinement, et qui a permis à Joëlle Stagoll, romancière et slameuse, d'entrer par la grande porte dans le monde des lettres romandes. Le mois dernier, elle a quitté ce monde, laissant le souvenir d'une écrivaine à la prose travaillée, puisée au tréfonds d'elle-même. Une solidité d'écriture qui contraste avec son apparence fragile!

 

C'est à un sacré voyage humain que "Par-dessus le toit" invite son lectorat. Pensez: nous avons un homme, migrant venu s'établir en des terres plus calmes que celle de ses origines - on peut penser à l'ex-Yougoslavie - et amnésique. Face à lui, un fils, Thomas, trop jeune pour comprendre, et une fille, Sarah, qui, pour le préserver, évite soigneusement toute allusion à son passé. Si ce n'est, peut-être, pour le magnifier envers les tiers. Du coup, il y a une prise en charge, assurée par une assistante mariée et qui a un amant.

 

Poésie il y a, d'emblée, et fallacieuse, dans la manière dont la fille recrée et masque le passé pour le remodeler à sa manière. Elle cache une photo de famille où apparaît sa mère morte, imagine ce que peut être le métier de son père (transitaire, transitoire? C'est bien abstrait!). Cela va jusqu'à un petit côté manipulateur, qui s'exprime entre autres lorsque Sarah dialogue avec Thomas, son petit frère - on les imagine au lit, côte à côte, alors qu'ils devraient dormir... Tout cela, pour préserver le père du souvenir d'un passé qu'on devine difficile.

 

La romancière fait aussi oeuvre de poète en donnant à voir des personnages bien caractérisés par leur expression. On goûte à la jeunesse de la voix de Sarah, on sourit au français brut et rythmé, de Thomas. Et l'on relève aussi que plus que tout autre, le père raconte un récit ancré dans le présent et ses aspects concrets - une narration sans racines lointaines, qui donne à voir ce que pourrait être un amnésique.

 

Cela fait contrepoint avec le jeu des souvenirs de l'assistante, qui se rappelle des sorties en forêt et de la cueillette des champignons - et jongle avec une organisation quotidienne complexe qui donne aussi un rythme au récit. Autour d'elle, deux hommes, je l'ai dit: ceux que tout devrait éloigner finissent par se rapprocher autour de cette assistante, soudain disparue. La romancière agence son récit de manière à ce que ce rapprochement soit crédible, si surprenant qu'il soit: rivaux, deux hommes se découvrent alliés.

 

"Par-dessus le toit" est un roman splendide et dense sur la mémoire, qui ose le sourire à l'occasion. Son écriture est marquée par un travail extrême qui donne la part belle au rythme et aux voix. Et au fil des pages, un seul rappel: la vie continue, dans les petites choses comme dans les grandes: retrouver la mémoire, agencer un repas pour son amante, garder jalousement une photo de famille.

 

Joëlle Stagoll, Par-dessus le toit, Charmey, L'Hèbe, 2004.

 

La Société fribourgeoise des écrivains organise une soirée autour de Joëlle Stagoll jeudi 17 mars 2016 à l'Espace Phénix de Fribourg, à 20h30. La poétesse Jacqueline Sudan-Trehern lira des textes de Joëlle Stagoll; Pierre-Bernard Sudan ponctuera ces lectures d'interventions musicales au violoncelle.

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