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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 21:21

hebergement d'imageLu par Thierry Vagne.

 

Il y a quelque chose de jouissif à se plonger dans "Orgies et bacchanales", ouvrage le plus récent de l'écrivain et essayiste Jean-Noël von der Weid. Face au sujet traité, l'auteur sait trouver le ton juste, tout en faisant montre de sa vaste érudition. Il sera question, ici, de Bacchus, des bacchanales et des métamorphoses de leur approche par les artistes au fil des âges. Et il sera aussi question de l'entourage de Bacchus, entre autres d'Ariane, abandonnée par Thésée à Naxos (à travers "Ariane à Naxos" de Richard Strauss, entre autres), ou de Séléné, mère du dieu - certes né de la cuisse de Jupiter...

 

L'approche rappelle "Le Flux et le fixe", ouvrage où Jean-Noël von der Weid explorait les points de contact entre la musique, art du flux, et la peinture, art du fixe. Le lecteur est renvoyé à un site Internet (ici) pour voir les oeuvres d'art décrites - un petit inconfort, puisqu'il faut passer un livre sur papier à l'univers de l'internet. Le lecteur retrouve par ailleurs, plus affirmée, la volonté d'une approche chronologique.

 

Il y a dans "Orgies et bacchanales" la richesse que peut offrir un regard tous azimuts, et l'on ne peut que s'en réjouir. L'auteur évoque dès le début les musiques antiques, dressant l'instrumentaire de l'ère gréco-romaine et rappelant qu'il ne nous reste guère qu'une minute de musique datant du temps des Romains. Dans la foulée, il oppose la violence bachique, musicalement rendue par la percussion et les vents (à l'exemple de la diaule), à l'ordre apollinien, associé aux cordes, et à la lyre en particulier. En une belle évocation du boeuf gras - il n'y manque que celui de Verdi, dans "La Traviata"... - il rappelle aussi le lien entre les fêtes bachiques païennes et le carnaval.

 

L'auteur navigue à travers les âges avec aisance, rappelant que des oeuvres d'aujourd'hui rappellent le passé, à l'instar du "Grand Macabre" de György Ligeti. Certains monuments artistiques font l'objet d'un encadré qui explique leur importance et leur particularité. Démarche pertinente qui permet au lecteur de s'arrêter plus longuement sur une composition musicale, une oeuvre d'art exemplaire, etc. Les contemporains ne sont pas oubliés, à l'instar de figures telles que Thomas Hirschhorn pour les arts ou Wolfgang Rihm pour la musique.

 

A travers les âges, l'auteur énumère et analyse d'innombrables oeuvres et coutumes connues et méconnues. Observateur tous azimuts, son regard est critique, et il ne se gêne pas de partager ses impressions, qu'il porte aux nues ou voue aux gémonies telle oeuvre, tel courant. Ainsi n'est-il guère tendre envers certains éléments modernes tels que les Techno Parades ou le binge drinking, qu'il perçoit comme des dégénérescences des bacchanales. Un point de vue déjà annoncé dans "Le Flux et le Fixe", mais plus affirmé dans "Orgies et bacchanales".

 

Erudit, solidement étayé par une imposante bibliographie, "Orgies et bacchanales" est une lecture exigeante mais excitante: l'auteur a su trouver le ton qui sied à son sujet, fait de familiarités, de traits passionnés et flamboyants, de belles phrases copieuses et chantournées, et d'un vocabulaire précis et opulent à la fois. L'auteur signe ici un bel ouvrage d'histoire de l'art, qui est aussi une fête des mots - à l'image de la considérable fête des sens à laquelle l'on pense dès qu'il est question de Bacchus et des bacchanales.

 

Jean-Noël von der Weid, Orgies et bacchanales - Triomphe de l'excès, Paris, Berg International, 2014.

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8 novembre 2014 6 08 /11 /novembre /2014 20:09

partage photo gratuitEntendre une couleur. Voir un son. Avec "Le Flux et le Fixe", paru chez Fayard, le musicologue Jean-Noël von der Weid (que je remercie ici pour l'envoi du livre) explore les points de contact entre deux arts que tout semble opposer: la peinture, art du fixe, et la musique, art du flux. Au fil des 189 pages de texte de ce livre érudit au style soigné voire précieux, le lecteur sera frappé par une évidence: ces deux arts sont plus proches qu'on ne le croit généralement. Les mots permettent certes ce rapprochement, par la grâce de la poésie. Mais l'auteur, une fois cela posé, va plus loin.

 

Commençons par signaler que l'exposé évoque les cas de compositeurs qui ont également pratiqué les arts picturaux, et des peintres qui se sont mis à la musique. On songe à Ingres, bien sûr, mais aussi à Arnold Schoenberg, qui hésita longtemps entre la musique et les beaux-arts avant de devenir définitivement, pour la postérité, l'homme de la deuxième école de Vienne. L'auteur va jusqu'à nommer ces compositeurs contemporains, avant-gardistes, qui font de leurs partitions des objets qu'on regarde, au moins autant qu'on écoute la musique qu'elles transcrivent.

 

D'innombrables descriptions de tableaux émaillent "Le Flux et le Fixe", montrant comment la musique et sa pratique sont perçues par les artistes d'hier et d'aujourd'hui. Le choix est fouillé, tous azimuts: certains tableaux sont fameux (on verra "Le Cri" d'Edvard Munch), d'autres sont méconnus. Les références de chaque tableau sont indiquées en fin d'ouvrage, permettant au lecteur d'aller les retrouver sur Internet ou dans les musées. Une démarche fastidieuse pour le lecteur si elle est systématique, certes (même si tout est là). Mais elle est captivante si l'on se concentre sur les oeuvres citées qui titillent la curiosité. C'est que l'auteur intrigue... par exemple lorsqu'il relève, avec un clin d'oeil, quelque détail coquin d'une oeuvre du XVIIIe siècle.

 

Réciproquement, l'auteur souligne la volonté des compositeurs de créer des couleurs par la musique - il évoque entre autres la "Klangfarbenmelodie" de la seconde école de Vienne et aux recherches sonores qui sont les siennes, notamment avec Anton Webern. Les recherches sonores des futuristes italiens (tel l'"intonarumori", orgue à bruits) ont aussi leur place dans "Le Flux et le Fixe"; l'auteur expose de manière synthétique les objectifs de compositeurs tels que Luigi Russolo, mais aussi les limites d'une démarche artistique consistant à faire de la musique avec du bruit.

 

Familier des musiques et des arts les plus contemporains, l'auteur n'hésite pas à citer des compositeurs rares et actuels. Il évoque les démarches de certains d'entre eux, désireux de montrer la couleur d'un son, quitte à l'isoler dans des compositions éclatées. Celles-ci font écho aux idées de musique des sphères, mentionnées en début d'ouvrage, et qui, si elles paraissent vaines au lecteur actuel, ont inspiré les artistes de tout poil.

 

Ainsi se dessine, au fil de pages denses qui tiennent tantôt de la juxtaposition d'exemples, tantôt de l'analyse fine et savante, une frontière pour le moins floue et poreuse: celle que l'on a bien voulu mettre entre la peinture et la musique, et que les artistes n'ont eu de cesse d'essayer de franchir, de transgresser. Le voyage est fascinant, instructif: "Le Flux et le Fixe" est l'ouvrage d'un auteur attentif, curieux de tout ce qui se passe autour de lui.

 

Jean-Noël von der Weid, Le Flux et le Fixe, Paris, Fayard, 2012.

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