Lu par Francis Richard, Inma Abbet,
Le blog de l'auteur, le site de l'éditeur.
Le lecteur qui se plonge dans "Escales" après avoir goûté le sensible et esthétisant récit "Journal de la haine et autres douleurs" va se retrouver en terrain connu. En effet, l'écrivain romand Frédéric Vallotton creuse à nouveau son propre personnage. "Escales" est un récit; c'est aussi la collection de chroniques courtes notées en voyage à l'aide d'un stylo-plume polonais dans un carnet Moleskine, gage d'esthétisme.
Esthétisme? Indéniablement, on retrouve dans "Escales" un narrateur esthète, attaché aux objets qui ont un parcours de vie aussi sinueux que possible. Le narrateur ne recule par exemple dans devant l'achat d'un souvenir fabriqué en Chine et vendu en Europe du nord: dans son esprit, l'idée d'imaginer le voyage d'un objet - une tasse à thé, par exemple - entre plusieurs continents, avant d'arriver dans son méconnu canton de Vaud, suffit à lui donner une attachante valeur sentimentale.
Si les objets voyagent, l'auteur n'en fait pas moins - donnant à "Escales" l'impression d'une mobilité tous azimuts. Articulé en deux parties, ce livre relate de manière lâche deux croisières, l'une dans le nord de l'Europe, l'autre en Méditerranée. On se souvient qu'à l'issue du livre "Journal de la haine et autres douleurs", il était aisé de penser au "Odio profanum pecus et arceo" d'Horace. "Escales" va un peu plus loin. Certes, ce n'est pas forcément à sa propre initiative que l'auteur est parti en croisière: c'est plutôt Cy., son compagnon, qui joue le rôle de moteur. Mais force est de constater que le narrateur joue parfaitement le jeu. La narration pointe certaines surprises du voyage et offre une réflexion sur cette manière particulière, strictement cadrée et confinée, de voir le monde. Mais, et c'est important aussi, l'écrivain assume parfaitement le fait d'être l'un de ces "blaireaux de luxe" qui voyagent de port en port en bateau pour découvrir quelques merveilles du monde.
Et si le narrateur embarque sur les chemins balisés des croisières commerciales, son esprit ne peut s'empêcher de voyager plus loin encore, en particulier dans les souvenirs. Il sera donc aussi question d'une expédition homérique en bus Greyhound vers les chutes du Niagara, ou, tant qu'à faire, vers New York et la statue de la Liberté. Cela, sans oublier quelques notes acerbes sur la construction problématique de l'aéroport de Berlin Schoenefeld. Berlin, élément pivot de la vie et des livres de Frédéric Vallotton...
Avec "Escales", l'auteur romand Frédéric Vallotton montre un talent d'écrivain voyageur. Certes ancré dans son terroir morgien (l'auteur y est actif en politique), "Escales" emprunte les sentiers hyper-balisés de deux croisières et s'offre ce prétexte pour faire errer les esprits des lecteurs. Une pointe de misanthropie, attendue certes, affleure au détour de certaines phrases. Mais cela n'empêche pas de s'embarquer dans "Escales", qui se rèvèle une suite à "Journal de haine et autres douleurs", narrée dans une écriture certes travaillée, mais moins esthétisante et donc plus flatteuse pour tout lecteur.
Frédéric Vallotton, Escales, La Chaux-de-Fonds, Olivier Morattel Editeur, 2016.
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