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6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 20:37

Feissli EauDéfi Thrillers et polars.

Le site de l'éditeur.

 

"Ca étonne souvent, mais oui, il y a bien une marine en Suisse. Depuis la deuxième guerre mondiale pour être exact. Et pour répondre à votre question, nous ne naviguons pas sur le Léman, mais sur tous les océans. Nous transportons des marchandises de port en port." En quelques mots, l'écrivain suisse Fabien Feissli rappelle une vérité méconnue: loin d'être une tarte à la crème, la marine suisse existe vraiment. Il en a fait le sujet original de son deuxième roman, "En eau salée", qui fait suite à un premier opus, "Séance fatale", dont il a été question sur ce blog il y a quelque temps.

 

Avec "En eau salée", le lecteur se trouve en présence d'un huis clos habile et aéré. Aéré parce que si l'ensemble de l'intrigue policière proprement dite se déroule dans l'espace confiné d'un porte-conteneurs qui sillonne l'Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande, Indonésie...), l'auteur concède aussi des bouffées d'oxygène en évoquant le passé de certains personnages: une attaque par des pirates qui donne à "En eau salée" les accents aventureux d'une robinsonnade, et une soirée de beuverie qui finit mal à Leysin, avec une morte: Fanny. Victime de Florent, soudain accusé de meurtre et de viol? Jusqu'au bout, l'auteur entretient le doute...

 

L'auteur, justement, se livre à un bel exercice d'équilibriste pour balader les soupçons sur certains de ses personnages. Personne ne veut croire à la culpabilité de Florent, mais les apparences sont contre lui; dès lors, le lecteur va douter durant toute sa lecture, jusqu'à l'issue, complexe mais claire et difficilement attaquable, comme il se doit.

 

Fabien Feissli ne s'attarde guère sur la description réaliste et précise du porte-conteneurs où se passe son intrigue. Le lecteur se contentera d'infographies (signées Ricardo Moreira) pour se repérer. L'auteur se concentre sur certains aspects parfois insoupçonnés du mode de vie à bord: repeindre sans cesse le bateau pour qu'il ne rouille pas, jouer avec les fuseaux horaires jusqu'à ce que cela devienne une seconde nature, gérer les tensions entre personnes tout en vivant des liens particuliers dans un contexte international, jouer au poker et se raconter des histoires pour tromper l'ennui. Cela, sans oublier les longs mois d'absence et les proches qui attendent, anxieux, sur la terre ferme - un classique lorsqu'on évoque la navigation. L'auteur recrée de manière crédible la vie à bord du porte-conteneurs, en se concentrant sur les interactions entre de nombreux personnages bien dessinés.

 

Et si ce roman emmène ses lecteurs en haute mer, la petite Suisse est présente - et en particulier Lausanne. Cela passe par le nom du bateau où tout se passe (SO Lausanne), mais aussi par l'évocation de la police chargée d'enquêter. Celle-ci est dépeinte avec ses limites: si Florent échappe à la prison au terme d'un procès médiatisé aux couleurs américaines ("Objection!", entend-on crier à plus d'une reprise dans ce tribunal vaudois...), c'est parce que l'enquête paraît avoir été bâclée - et plus tard, les policiers dépêchés sur le "SO Lausanne" paraissent longtemps piétiner. Enfin, j'ai le vague souvenir d'avoir vu passer discrètement, dans "En eau salée", un policier nommé Dardet; ainsi s'établit le lien avec "Séance fatale", où cet agent apparaît déjà.

 

Fabien Feissli confirme avec "En eau salée" qu'il est un écrivain qui sait écrire une histoire policière solide. Il s'avère également capable, avec une économie certaine de moyens, de recréer un monde à la manière d'un reporter, en faisant usage d'un style sobre qui donne toute la place à certaines choses bien observées, qui suffisent à recréer un monde original: à ma connaissance, c'est la première fois qu'on écrit un polar sur la marine suisse. Embarquez...

 

Fabien Feissli, En eau salée, Genève, Cousu Mouche, 2015.

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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 20:27

hebergeur imageLu dans le cadre des défis Premier roman et Thriller et polars.

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Un nouvel écrivain, ça se surveille. Un nouvel auteur suisse, ça attire l'attention. Et quand il est question d'un polar lausannois, on ouvre l'oeil. Le Lausannois Fabien Feissli est un jeune romancier, fraîchement émoulu de ses études de journalisme à Neuchâtel. Avec "Séance fatale", il signe un premier polar prometteur.

 

Une trame qui fonctionne...

Sa construction tient debout dans les grandes lignes, en effet, ce qui n'est pas donné: le lecteur est placé face à deux homicides survenus en 2012. Etonnant: les victimes étaient allées voir "Basic Instinct" vingt ans auparavant au cinéma "Palace". Or, ce soir-là, un gars avait décidé de mitrailler le public, entraînant un décès... Sur cette base, la police lausannoise enquête - plus précisément un agent, l'inspecteur principal Julien Dardet, qui devra en outre convaincre sa hiérarchie et ses collègues du bien-fondé de ses démarches. C'est que la police municipale de Lausanne se fiche un peu des deux meurtres qui lancent ce roman. Etonnant? Ma foi, il y a des restrictions budgétaires...

 

La construction globale de ce roman est bonne. L'essentiel des questions que le lecteur est amené à se poser va trouver une réponse: qui a étranglé Clara pour de faux? Qui a tué les deux donzelles? Pourquoi? Et que se passe-t-il, surtout, dans la maison Seiwert? Cela, sans oublier le personnage d'André Masson, qui vient de sortir de prison et constitue le suspect numéro un puisqu'il est justement l'auteur de la tuerie du Palace. L'auteur parvient à balader les soupçons sur quatre ou cinq personnages, plus ou moins prévisibles; et à la fin du roman, les responsabilités sont réparties d'une manière satisfaisante, pour ne pas dire surprenante, pour le lecteur.

 

... avec quelques faiblesses

Le lecteur actuel peut-il cependant se satisfaire d'une trame, d'un simple "squelette de roman", qui fonctionne? Alors que bon nombre de romans exploitent la structure d'un polar pour explorer un univers particulier (l'orchestre du camp de concentration d'Auschwitz dans "L'Orchestre de Ombres" de Tom Topor, les employés des Postes et Dominique Strauss-Kahn dans "Poste mortem" de Jean-Jacques Reboux), le lecteur de "Séance fatale" sera peut-être un peu déçu de voir que l'auteur n'explore pas suffisamment certains domaines qui se trouvent à sa portée.

 

Il ne sera finalement guère question de la ville de Lausanne. Certes, le roman mentionne le quartier du Flon, le cinéma où a eu lieu la fusillade (qui existe vraiment) et l'appartement de l'inspecteur principal (qui a une vue sur le Léman), mais on n'en saura guère plus: où se trouvent les bureaux de la police? Dans quel quartier vivent Thomas Seiwert et son intrigante famille? Enfin, un personnage, Bertrand, est présenté comme un amateur de bons restaurants; pourquoi ne pas lui donner ne serait-ce qu'un peu d'éclat en décrivant de plus près, ne serait-ce qu'en nommant les plats dégustés, un repas pris dans un restaurant lausannois? Cela peut se faire de façon simple et directe, à la manière de Michel Bory, au début de son roman "L'assassinat du président Bush": sans façon, il campe un repas arrosé au Saint-Saphorin, pris au Comptoir suisse.

 

Dès lors, on peut se demander si Lausanne n'est pas un décor interchangeable. Cela, d'autant plus que les noms des personnages ne fleurent pas particulièrement bon le canton de Vaud (Seiwert, Wagner, Dardet - qui offre cependant l'occasion d'un jeu de mots sympathique). Certes, certains ressorts de l'intrigue sont originaux, à l'instar de la version imprimée d'une page Wikipedia ou d'un abonnement de bus qui permet à l'enquête d'avancer; mais cela aurait pu arriver partout ailleurs.

 

Le lecteur aurait donc envie, parfois, de connaître d'un peu plus près certains éléments de l'intrigue, essentiels ou anecdotiques, et de plonger davantage dans les arcanes de Lausanne, cette "belle paysanne qui a fait ses humanités" - pour reprendre des mots attribués tantôt à Jean Villard-Gilles, tantôt à Charles-Ferdinand Ramuz. Il se laissera cependant embarquer par un style des plus fluides et discrets, journalistique pour ainsi dire, qui s'abstient de juger et accroche à coup sûr - d'autant plus que l'écriture et l'intrigue sont fondamentalement maîtrisées. Gageons que l'auteur va prendre de la bouteille - de Saint-Saph' ou autre - et réjouissons-nous de découvrir ses prochains ouvrages.

 

Fabien Feissli, Séance fatale, Broc, La Plume Noire, 2013.

 

Ouvrages cités:

Michel Bory, L'assassinat du président Bush, Lausanne, Favre, 2006.

Jean-Jacques Reboux, Poste Mortem, Paris, Baleine, 1998.

Tom Topor, L'orchestre des ombres, Paris, Gallimard, 1986.

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