Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Armande, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire,
Caro[line], Celsmoon, Chrestomanci, Chrys, Claudia, Edelwe,
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II.
Qu'est-ce qui est perdu lorsque tu
n'es pas là
qu'est ce
qui seulement sommeille et fait que je touche
à la terre
pense à toi
caresse les pierres
m'enfonce dans la forêt comme un bâillon
les pieds dans la vase les aiguilles les
ronces les feuilles
tout ce
grouillement d'insectes seulement pour
approcher le Grand Tronc d'arbre abattu
ses écorces à côté comme des vêtements comme
des mains paumes ouvertes encore le cri mais moi
bâillon
et le Tronc d'arbre nu extraordinairement nu
ma main le long des courbes fermes et douces
non pas froides Si je fermais les yeux Toi
longuement toi
et cependant si j'ôte ma main si je la reprends
cette brûlure d'absence et même pas
le désir
seulement la Différence.
Ma main inutile.
Et toute mémoire d'eau de pierre heurese
de bois nu
inutile
si ce n'est
pour limiter cerner réaffirmer l'absence.
Même les yeux fermés un bandeau sur les yeux
si j'avance dans la forêt fabuleuse
- et tu sais quelle jubilation venait des feuilles
et le soleil dans les feuilles comme de l'huile
et ce temps suspendu (que tu sais lire) à la
course du soleil de feuille à feuille Tu sais
la douceur sous les pieds de cette terre
tapissée de mousses et d'aiguilles
les troncs debout entre regard et regard Mais
Je tiens ma main dans la tienne et cette
solennité peut-être ne chante qu'en moi
seulement
en moi
C'est moi peut-être qui suis Cette cathédrale ce
carillon cette animale avance mesurée heureuse
et guetteuse Tous sens dehors dans l'odeur
les arbres et les baumes les balsamiques
résines et les fleurs et
toute mêlée à cela ton odeur d'homme ta peau
sueur force
qui chante?
- si j'avance dans la forêt désormais
fabuleuse parce que ce n'est pas elle plus elle
qui porte l'empreinte de ton corps mais
toi tout entier où je m'avance et tout d'elle
n'est que mémoire de toi
j'avance et ce n'est plus l'obscurité plus le
chemin à tâtons plus la chaleur incertaine
mais
ces lianes ces rondeurs douces qui sommeillent et
lentement se mettent en mouvement circulent et
se touchent et me frôlent
et ma peau tout se met au-dehors attirée par tous
ses sens et mélanges confondus comme
par une musique où je
t'entends.
(Ne jamais s'éveiller tant que tu n'es pas là.
Ne plus jamais ouvrir les yeux ni la main sur
autre chose que la mémoire de toi par ce chant fabuleux
Ne plus quêter réelle une baie au goût fade
et que le Tronc tombé jambe où tu fus
mais n'es plus
Que seulement je t'aie ce Corps porté en moi
sous ma peau de tous sens recréé
Que seulement je garde chantant en moi ce chant
d'extase et de fureur où tu n'es pas
Ces cris qui ne sont pas criés et pourtant qui
rappellent
la dure et douce violence de nos corps
Que seulement je ne bouge pas Je
me laisse labourer au-dedans par cette violence
par toi mémoire et ce chant fabuleux
Que j'erre dans ce passé forêt Que mes mains
chantent
le regard désappris de toutes les différences
lentement rapprenant réaffirmant
la Différence)
Monique Laederach (1938-2004), Poésie complète, Lausanne, L'Age d'Homme, 2003.