Lu par Amaury, Bouquinbourg, Clara, Grelinettes, Irrégulière, Majanissa, Pascale, Pause livre, Pierre Assouline, Toujours à la page, 1001 classiques.
Lu dans le cadre du défi Nouvelles.
L'idée de rapprocher littérature et nourritures terrestres est bonne. Bonne aussi, l'envie de faire ressortir les plaisirs minuscules qui s'en dégagent. Bonne également, l'idée de rappeler qu'un livre se dévore, comme un plat. Et puis, tout est dans le titre: "Dickens, barbe à papa", c'est la littérature et la nourriture rapprochées. Enfin, l'auteur, Philippe Delerm a eu l'élégance de faire court.
Pourtant, que ce fut inutilement bavard...
L'auteur de "Dickens, barbe à papa" joue son coup à la façon d'un quitte ou double: soit le lecteur est immédiatement ferré, soit il ne l'est pas du tout. Pour mettre toutes les chances de son côté, toutefois, il ratisse large en évoquant, au gré de textes courts, de petits plaisirs littéraires et culinaires très divers. On a l'impression qu'il a dû se dire que sur le nombre, ce serait quand même le diable s'il ne touchait pas au moins une fois le coeur de son lectorat: il y en a même pour les Suisses! Une telle approche tous azimuts est un signe de lucidité, certes: à chacun son vécu. Mais aveu d'une limite, aussi, à son projet littéraire: tout le monde n'a pas goûté aux Mistral gagnants, tout le monde n'a pas lu les mêmes bandes dessinées dans les magazines, tout le monde n'a pas connu le "faï petit", qui trahit un souvenir d'un âge certain, qui sent donc le vieux...
Odeur de vieux, en effet... accentuée par une écriture au passé. Le lecteur comprend vite qu'on cherche à le flatter, comme dans certains restaurants, en essayant de retrouver les goûts de l'enfance. Le procédé est donc classique et usuel. Mais hélas, avec "Dickens, barbe à papa", la sauce, trop simple voire simpliste, ne prend pas, comme si l'auteur n'avait pas suffisamment essayé d'intéresser son lecteur. Cela, en dépit de quelques tournures bien trouvées: "On sent qu'Haddock ne peut rester prostré ainsi: comment admettre qu'un capitaine de bateau soit une épave?", dit-il par exemple au sujet d'un passage de l'album de Tintin "Le Crabe aux pinces d'or".
On peut aussi regretter une certaine mise à l'écart des littératures populaires, chick lit ou livres Harlequin (alors que personne, dans la blogosphère, n'a boudé le plaisir des Harlequinades... il y aurait eu quelque chose à faire!). Cela aurait créé un contrepoint intéressant à des textes tels que "Hopper sucré", sur le fast-food - vu, du reste d'une façon romantique qui crée une poésie alternative à celle du marketing, dont l'auteur est conscient. L'évocation des livres relève du reste plus d'une fois de la paraphrase ou de l'évocation d'éléments marquants (cf. "Lecteur entre deux peurs"), impuissantes à dire l'essence des chefs-d'oeuvre évoqués et l'émerveillement qu'ils suscitent - l'original est, ici, indiscutablement meilleur que la copie.
La lecteur de "Dickens, barbe à papa" laisse l'impression d'une littérature populiste au moins bon sens du terme (celle qui ne mériterait pas le Prix Populiste, justement), qui cherche à flatter par tous les moyens. Le lecteur pourra penser parfois à un Francis Ponge pour le grand public. Pour ma part, j'en garderai le souvenir d'un livre qui cherche à rassurer... ce qui aurait plutôt tendance à m'inquiéter.
Philippe Delerm, Dickens, barbe à papa, Paris, Folio, 2008.
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