Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Armande, Azilis, BénédicteBookwormCagire, Caro[line], Celsmoon, Chrestomanci, Chrys, ClaudiaEdelwe, Emma, Emmyne, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Hambre, Herisson08, Hilde, Julien, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, Mariel, MyrtilleD, Naolou, Restling, Roseau, Saphoo, Schlabaya, Séverine, Soie, Sophie57, Tinusia, Violette, Yueyin, Zik

 

Pour faire le portrait d'un oiseau

 

Peindre d'abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite

quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d'utile

pour l'oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l'arbre

sans rien dire

sans bouger...

Parfois l'oiseau arrive vite

mais il peut aussi mettre de longues années

avant de se décider

Ne pas se décourager

attendre

attendre s'il le faut pendant des années

la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau

n'ayant aucun rapport

avec la réussite du tableau

Quand l'oiseau arrive

s'il arrive

observer le plus profond silence

attendre que l'oiseau entre dans la cage

et quand il est entré

fermer doucement la porte avec le pinceau

puis

effacer un à un tous les barreaux

en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau

Faire ensuite le portrait de l'arbre

en choisissant la plus belle de ses branches

pour l'oiseau

peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

la poussière du soleil

et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été

et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter

Si l'oiseau ne chante pas

C'est mauvais signe

signe que le tableau est mauvais

mais s'il chante c'est bon signe

signe que vous pouvez signer

Alors vous arrachez tout doucment

une des plumes de l'oiseau

et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

Jacques Prévert (1900-1977).

Partager cet article
Repost0
29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 20:45

hebergeur imageCe livre-là, ça fait un moment qu'il hantait ma pile à lire. Allais-je oser l'ouvrir, en parler ensuite sur mon blog? Le décès récent de Roger Garaudy aura été pour moi l'occasion de le feuilleter, de le lire. Et force m'est de constater que sur un sujet sensible et sulfureux (au sens fort du terme), "Roger Garaudy, itinéraire d'une négation" est un très bon ouvrage sur le sujet, fouillé, détaillé et globalement soucieux d'équilibre. Il mériterait une refonte à présent, vu les circonstances; mais d'ores et déjà, Michaël Prazan et Adrien Minard ont réalisé un travail d'une grande honnêteté intellectuelle avec cet ouvrage, paru en 2007 chez Calmann-Lévy.

 

Deux lignes fortes traversent cet ouvrage: la biographie de Roger Garaudy d'une part, et d'autre part l'énorme onde de choc générée par la publication de son livre, "Les mythes fondateurs de la politique israélienne", en deux temps, dans les années 1990. D'une manière journalistique assumée qui permet une dramatisation sensée, les auteurs évitent la rédaction d'un livre purement chronologique et attaquent leur sujet par un élément clé de l'histoire: le soutien apporté par l'abbé Pierre aux "Mythes fondateurs de la politique israélienne", ouvrage qui relève du négationnisme tel qu'on le connaît dès lors qu'on parle du génocide perpétré par le régime nazi et, en particulier, des chambres à gaz. Un soutien piètrement éclairé, dans la mesure où l'abbé Pierre a avoué assez vite n'avoir pas lu le livre en question...

 

Roger Garaudy, la girouette

Le chapitre le plus biographique de ce livre, et peut-être le plus long aussi, est intitulé "L'homme des conversions", et à juste titre. Les auteurs y atteignent deux objectifs, avec talent: montrer le parcours idéologique pour le moins sinueux de Roger Garaudy, et exposer, progressivement, certains éléments et constantes de la "méthode Garaudy".

 

Le mot de "girouette" est cité (p. 174) pour qualifier Roger Garaudy. Le lecteur n'aura pas attendu jusque-là pour se formuler ainsi cette impression: les auteurs montrent un personnage qui, né dans la tradition protestante, devient stalinien, se fait expulser du parti communiste français par une nouvelle génération qui conteste ses méthodes intellectuelles, puis passe à l'islam, entre autres parce que c'est la mode dans certains milieux (Maurice Béjart, par exemple, s'est converti en 1973 selon cet ouvrage), et est satellisé par certaine extrême-droite. Roger Garaudy, une anguille idéologique? Le lecteur conserve cette impression. Les détails sont nombreux et créent une riche mise en contexte; à ce titre, le lecteur découvre en arrière-plan l'évolution idéologique du communisme à la française.

 

Les auteurs montrent aussi Roger Garaudy en train d'écrire et de penser. Assez vite, ils dévoilent de manière argumentée les faiblesses du système: des sources discutables (par exemple des documents de propagande provenant de Moscou pour étayer une de ses deux thèses de doctorat, dont le sérieux est mis à mal), un usage contrefait des citations, le plagiat, le recours à une phraséologie tonitruante mais creuse, et la méthode hypercritique qu'on retrouve dans la rhétorique négationniste. A ce titre, les auteurs démontrent que Roger Garaudy exprimait déjà un certain déni de la réalité lorsqu'il accusait des rescapés du goulag d'être des propagandistes opposés au régime stalinien; une telle manière de nier reviendra dès lors qu'il s'agira, pour Roger Garaudy, de prendre position sur les attentats du 11 septembre 2001. 

 

Détaillée, argumentée, la réflexion des auteurs de cet ouvrage constitue donc une déconstruction méthodique du système de pensée d'un homme longtemps considéré, en France et ailleurs, comme un intellectuel de premier plan.

 

Une déconstruction des "Mythes fondateurs de la politique israélienne"

Servi d'abord aux abonnés de la revue "La Vieille Taupe" avant d'être publié dans une version grand public vendue à tous, "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" est ici présenté comme l'ouvrage pivot du parcours intellectuel de Roger Garaudy.

 

Les auteurs de "Roger Garaudy, itinéraire d'une négation", déconstruisent tout d'abord l'ouvrage lui-même, avec méthode et dans un souci constant du détail. Pour avoir lu les "Mythes fondateurs de la politique israélienne", je me suis senti conforté dans le malaise qui a accompagné ma lecture, tant il est vrai que l'on se rejoint sur pas mal de points sujets à critiques. L'ouvrage en question reprend en effet les clichés antisémites/judéophobes du négationnisme et aborde les sources avec une légèreté étonnante pour ce qui devrait être l'oeuvre d'un universitaire (p. ex. exploitation du rapport Leuchter sur les chambres à gaz, écrit par un auteur finalement peu compétent en la matière). Cela, sans oublier une définition toute personnelle du terme de "génocide", qui permet à Roger Garaudy d'affirmer que les Juifs sont (cf. la Bible...) en fait les premiers et seuls génocidaires de l'histoire...

 

Reste que "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" ont connu un succès fou, d'abord en terres francophones, puis essentiellement dans le monde arabe. Les auteurs exposent les réseaux de Roger Garaudy et démontrent que "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" est devenu un livre de référence en terre islamique, lu entre autres par un certain Mahmoud Ahmadinejad, qui conteste depuis toujours la légitimité de l'Etat d'Israël. Relation est faite, par ailleurs, des triomphes qu'ont suscité chacune de ses apparitions publiques en Afrique du nord ou au Moyen-Orient - des régions présentées comme acquises aux thèses de Roger Garaudy et des "Mythes fondateurs de la politique israélienne".

 

Honnêteté de la démarche intellectuelle des auteurs

Les auteurs de "Roger Garaudy, itinéraire d'une négation" font preuve, je l'ai mentionné, d'une honnêteté certaine, pas toujours évidente sur ce genre de sujet, vite considéré comme "nauséabond". Cette honnêteté passe par une grande diversité des sources, dûment citées. Certains plairont, d'autres moins (on tape autant à gauche qu'à droite, et autant en haut qu'en bas, quitte à se salir les mains), mais force est de constater qu'en interrogeant les documents tous azimuts, les auteurs ont réussi à créer un vaste corpus qui reflète, dans ses moindres détails, un contexte idéologique.Ces nombreuses sources sont recensées, et c'est tout à l'honneur des auteurs et des éditeurs de ce livre, dans une bibliographie en bonne et due forme présentée en fin d'ouvrage.

 

Les auteurs ont poussé l'intégrité jusqu'à donner à Roger Garaudy une forme de "droit d'être entendu" qui constitue l'épilogue de leur ouvrage. Celui-ci prend la forme de la transcription journalistique d'un entretien entre les auteurs et Roger Garaudy. Cet entretien permet au lecteur de connaître le dernier Roger Garaudy, un homme affaibli et fatigué par les combats d'idées, qui se répète et radote, devenu incapable de structurer ses propres souvenirs.

 

Par son souci d'équilibre qui n'empêche pas (au contraire!) un esprit critique acéré qui transparaît dans certains choix de vocabulaire, "Roger Garaudy, itinéraire d'une négation" se présente donc comme un ouvrage de référence sur l'intellectuel français récemment décédé - un ouvrage qui, au-delà des aficionados et des détracteurs de Roger Garaudy, devrait intéresser également toutes celles et tous ceux qui se passionnent pour l'histoire des idées et des débats.

 

Michaël Prazan, Adrien Minard, Roger Garaudy, itinéraire d'une négation, Paris, Calmann-Lévy, 2007.

Partager cet article
Repost0
27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 19:56

etagere1Il est possible qu'un de ces quatre matins, je ponde un billet ultra-sérieux sur les avantages et inconvénients comparés d'une bibliothèque ou d'un empilage des livres qui restent à lire chez soi. Pire: j'y gamberge à fond. Pire encore: je songe sérieusement à me fonder sur une analyse SWOT. Tous aux abris! 

 

Dans l'intervalle, je vous présente le gadget ultime pour épater les copains en leur expliquant, l'air pénétré, que votre pile à lire a une tendance à la lévitation - un peu à la manière des lits de l'épatant Seven Hotel. La photo est étrange, mais il y a un truc... en l'espèce, il s'agit d'un support en forme de livre (l'élément rouge, hé hé!) à fixer au mur, et sur lequel le lecteur compulsif anonyme peut poser tranquillement ses dernières acquisitions.

 

L'objet en question est proposé par un designer nommé "C'est mieux qu'un poisson rouge"... et c'est grâce à Topito que je l'ai découvert.

Partager cet article
Repost0
26 juin 2012 2 26 /06 /juin /2012 19:36

... je vois en effet, en ce début d'été, que je ne vais pas arriver à honorer ma lecture commune des "Frères Karamazov" de Dostoïevski à la date proposée (fin août). C'est d'autant plus gênant pour moi que c'est moi qui ai lancé ce projet; toutes mes excuses, donc, à les personnes qui se sont lancées dans cette longue lecture! Mon été sera consacré à des partenariats, mais aussi, je l'espère, aux avant-premières liées à la rituelle rentrée littéraire. Fort de ce constat, c'est donc la mine piteuse (attention, contrepèterie!) que je me vois, la mort dans l'âme (attention, pas de contrepèterie!) obligé de déclarer forfait. Je souhaite cependant bonne lecture à celles et ceux qui se sont lancés sous l'impulsion de ma proposition.

 

Et il va de soi, d'une manière plus générale, que le Défi des Mille continue.

Partager cet article
Repost0
24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 05:00

Idée de Celsmoon et Lolobobo, puisque j'utilise ce billet pour la Radio de l'été des blogueurs! 

 

J'en rappelle les règles:

  • Choisir votre chanson de l'été (ça peut être une chanson que vous écoutez en ce moment, un groupe qui joue du côté de chez vous, ou une chanson qui a accompagné un de vos étés précédents)
  • Rédiger un beau billet sur votre blog avec :
  • Un lien vers votre chanson de l'été (ou une video youtube de la chanson);
  • une copie de la règle du jeu;
  • Un lien sur le billet d'annonce (ça simplifiera la tâche de l'organisateur pour retrouver vos participations)
  • Une liste de deux ou trois blogueurs que vous souhaitez tagger dans cette chaîne pour qu'a leur tour il nous proposent leur chanson de l'été, sur le billet d'annonce susmentionné.

Pour en savoir plus, voir chez l'initiateur! A noter que j'invite toute visiteuse et tout visiteur de bonne volonté, tenant un blog, à participer à la Radio de l'été! 

 

 

Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance,

Jour éternel de la terre et des cieux,

De la paisible nuit nous rompons le silence:

Divin Sauveur, jette sur nous les yeux.

 

Répands sur nous le feu de Ta grâce puissante;

Que tout l'enfer fuie au son de Ta voix;

Dissipe le sommeil d'une âme languissante

Qui la conduit à l'oubli de Tes lois!

 

Ô Christ! sois favorable à ce peuple fidèle,

Pour Te bénir maintenant assemblé;

Reçois les chants qu'il offre à Ta gloire immortelle,

Et de Tes dons qu'il retourne comblé.

 

Jean Racine (1639-1699). Mis en musique par Gabriel Fauré (op. 11).

 

Version:Choir of New College, Oxford.



 

 

Partager cet article
Repost0
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 20:58

hebergeur imageLu par Mémoire.

Merci à Babelio et aux éditions Serge Safran pour l'envoi!

 

Un certain regard sur l'Iran: voilà ce que l'écrivain iranien Hafez Khiyadi propose au lectorat francophone dans "Une cerise pour couper le jeûne", son premier recueil de nouvelles traduit en français. Il y a de quoi dépeindre un petit monde, et l'auteur a disposé ces sept récits de manière à construire une certaine gradation dans l'ambiance.

 

C'est que si la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil, recèle un ton presque badin, les textes qui suivent arborent peu à peu un style plus sérieux, plus grave. "Une cerise pour couper le jeûne" est une nouvelle à chute qui, sous une structure assez classique, donne au lecteur l'occasion de découvrir l'univers de l'auteur: un certain islam bien présent dans l'existence de ses personnages, et des défis entre ces derniers sur fond de ramadan: tiendra, tiendra pas? Mettant en scène des enfants, l'auteur a l'adresse de les faire parler de manière naturelle, au gré de constructions segmentées qui soulignent, à traits fins, le caractère oral du récit.

 

Ce discours naturel fait écho à la place naturelle que l'islam prend dans le récit. Force est de constater que la religion est omniprésente dans ce recueil, même si cette présence n'a pas la lourdeur qu'un Jouhandeau donne au christianisme dans Prudence Hautechaume. Le jeûne, les habitudes vestimentaires, le djihad, le fanatisme même, sont présentées comme allant de soi; cela va jusqu'aux moments où le récit côtoie la mort, formant la constellation d'un islam heureux ou, à défaut, consensuellement accepté. Quitte à utiliser l'humour pour conjurer ce qui ne convient pas.

 

Au fil des nouvelles, le recueil bascule dans la gravité, résolument, après quelques textes non dépourvus d'une certaine légèreté qui sont les marches d'une gradation. "Comment ils font, eux, pour pleurer?" constitue un tableau de la vie iranienne hésitant entre la lourdeur du devoir religieux et les bons mots échangés par ceux qui l'accomplissent. Plus loin, on s'en va à la guerre, sans que le lecteur (ni le narrateur) n'en sache les tenants et les aboutissants; la mort concerne directement les narrateurs des nouvelles "Une longue colonne de fourmis" et "L'homme dont la tombe était perdue". Une mort accompagnée du caractère dérisoire de certains ultimes ressentis.

 

L'unité du recueil est assurée par une gestion de l'incertitude de la part de l'auteur: celui-ci met en scène des personnages qui portent tous des noms similaires voire identiques d'une nouvelle à l'autre, sans affirmer catégoriquement qu'il s'agit toujours du même univers. Les narrateurs eux-mêmes paraissent à la fois divers et identiques. Astucieux, ce procédé donne au lecteur l'impression d'explorer un univers restreint, toujours identique donc familier - une impression renforcée par le retour de certains arguments, liés par exemple à la scolarisation, et de prénoms, toujours les mêmes: faut-il leur donner le même visage d'une nouvelle à l'autre? 

 

Gradation et récurrence sont donc les éléments qui façonnent la cohésion de "Une cerise pour couper le jeûne". Partant d'un sujet pour arriver parfois à tout autre chose, pratiquement à la manière d'un coq-à-l'âne, chacune des nouvelles est un tableau du monde islamique iranien. Le recueil laisse au lecteur une impression où domine la gravité, mais d'où un certain sourire n'est pas absent - cela, dans un univers littéraire peu exploré.

 

Hafez Khiayvi, Une cerise pour couper le jeûne, Paris, Serge Safran, 2012, traduction par Stéphane A. Dudoignon.

 

 

Partager cet article
Repost0
17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 05:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Armande, Azilis, BénédicteBookwormCagire, Caro[line], Celsmoon, Chrestomanci, Chrys, ClaudiaEdelwe, Emma, Emmyne, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Hambre, Herisson08, Hilde, Julien, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, Mariel, MyrtilleD, Naolou, Restling, Roseau, Saphoo, Schlabaya, Séverine, Soie, Sophie57, Tinusia, Violette, Yueyin, Zik

 

CL

 

Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil

Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,

Sinon en leur marcher les princes contrefaire,

Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil.

 

Si leur maître se moque, ils feront le pareil,

S'il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire,

Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,

La lune en plein midi, à minuit le soleil.

 

Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage,

Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage:

S'il le reçoit mauvais, ils le montrent du doigt.

 

Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite, 

C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,

Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.

 

Joachim du Bellay (1522-1560), Les Regrets, Paris, Poésie/Gallimard, 1975/1990.

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 21:06

hebergeur imageLu par A demi-mot, Antonine, Au gré du vent, Bouquinovore, Clara, Cynthia, Dreams Of Books, Emeraude, Formally Informal, Irrégulière, Jostein, Marie, Melo, Mes imaginaires, Regard enfant, Stephie, Tamaculture.

Lu dans le cadre du défi Premier roman.

 

Soyons francs et directs: en lisant "Tout ce que nous aurions pu être toi et moi si nous n'étions pas toi et moi", je me suis demandé ce que le critique littéraire du journal "El País" a bien pu vouloir dire lorsqu'il a parlé, au sujet de l'auteur Albert Espinosa, d'un "Stephen King qui ne ferait pas peur". D'abord parce qu'un Stephen King qui ne ferait pas peur serait aussi foireux qu'une soupe sans sel; ensuite parce que ce roman, le premier de l'auteur, n'a finalement pas grand-chose à voir avec Stephen King. Le point de départ lui-même est très, très différent...

 

... Onirisme et introspection: plus que l'intrigue, qui est finalement minimale même si elle emprunte à la science-fiction et à l'anticipation, tels sont les principes initiaux du pacte que l'auteur passe avec son lecteur, dont il s'assure la connivence en parlant à la première personne. Dès le départ, on entre dans quelque chose de concret: le sommeil du narrateur. Cela permet d'indiquer deux choses au lecteur: d'une part, dans l'univers dépeint par l'auteur, on peut se passer de sommeil pour la vie sur simple piqûre, et d'autre part, le narrateur tient à son coussin. C'est tout bête, mais mine de rien, cela lui permet aussi de se présenter comme une figure assez naïve, au sens wagnérien de "reiner Tor" - osant, de ce fait, exprimer des ressentis que d'autres auto-censureraient, quitte à adopter par moments une posture à la Forrest Gump. Résultat: le lecteur se retrouve face à une prose où le "Je" est omniprésent et où l'on s'exprime volontiers par images faussement naïves. Quitte à l'amener à s'interroger sur sa propre relation au sommeil...

 

Introspection, ai-je dit... l'omniprésence du "Je" laisse au lecteur l'impression que le narrateur ramène tout à lui. Impression imposée avec force au chapitre 1, qui recèle une réflexion sur le sommeil, activité éminemment personnelle. Cette impression d'avoir un narrateur qui attire tout à lui est renforcée par la description qu'il fait de la relation complexe qu'il a avec sa feue mère - qui vaut une plongée approfondie dans tout un univers de souvenirs et de petites phrases qui ont valeur d'adages ou de règles de vie, et dont une certaine valise pleine d'objets constitue le symbole le plus concret. Le lecteur sera à chaque fois amené à réfléchir à celles-ci, sans contrainte, rien que par la force d'un certain sens de la formule de la part de l'auteur, qui trouve ainsi un très bon moyen d'intéresser son lectorat à un personnage finalement assez ordinaire - à un détail près.

 

Et c'est sur ce détail qu'on bascule dans quelque chose qui transcende la vie quotidienne que nous connaissons et confère à ce roman son aura merveilleuse. Le narrateur a en effet un don, celui de lire dans les souvenirs des autres. Et l'histoire va l'amener à rencontrer quelqu'un - un extraterrestre? - qui, ayant un don similaire, en sait plus que lui. Et ce don est présenté comme singulier mais finalement naturel, ou en tout cas évident pour le narrateur, qui vit avec depuis sa plus tendre enfance. Comme l'auteur suggère que son récit se passe dans un futur à moyen terme, on se retrouve dans une configuration de merveilleux scientifique ou naturel - en un mot, dans un univers de conte (post-)moderne. Un univers où l'on marche en permanence en lévitation, à dix centimètres du sol... Cela va loin - quitte, en fin de roman, à paraître un peu "too much" avec l'histoire des six planètes que chaque être humain serait appelé à habiter lors de réincarnations et de transmigrations successives...

 

... et qui posent la question du point de vue que l'auteur de ce roman adopte sur la réincarnation. Alors que les traditions hindoues la présentent comme quelque chose de peu agréable (l'hindou préférerait sortir de la "samsara"), le système des six planètes sur lesquelles l'on vit tour à tour, la mort étant le passage de l'une à l'autre, constitue une tentative finalement assez simpliste de présenter la réincarnation sous un jour positif et désirable: à force de se courir après d'une planète à l'autre, les gens qui s'aiment finiront par se retrouver. Retournement paradoxal d'un mythe immémorial!

 

Il n'empêche que c'est grâce à tous ces ingrédients que l'auteur arrive à construire un roman tout doux - doux comme un coussin. Cette douceur naît d'un climat où dominent les sentiments aimables d'amour, en particulier filial, maternel, paternel même. Cette impression est renforcée par une narration faite par phrases d'une longueur moyenne, simples de construction, pauvres en ponctuations complexes, segmentantes ou expressives dans le début du roman. L'onirisime naît des images fréquemment utilisées par l'auteur; enfin, l'introspection ouvre la porte d'un vaste imaginaire: celui du narrateur. Et à plus d'une reprise, face à ce roman empreint d'une fausse simplicité, le lecteur va s'interroger: a-t-il affaire à un veilleur endormi ou à un dormeur éveillé?

 

Albert Espinosa, Tout ce que nous aurions pu être toi et moi si nous n'étions pas toi et moi, Paris, Grasset, 2012, traduction de Christilla Vasserot.

Partager cet article
Repost0
12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 22:18

hebergeur imageVous aimez les people? Vous aimez la presse people et les ragots de boulevard? Le côté voyeur qu'il peut y avoir à épier les stars hollywoodiennes lorsqu'elles ne sont pas à leur avantage? Alors "Presse People", le dernier roman de Carl Hiaasen, est pour vous. Traduit dans une tonalité canaille par Yves Sarda, il explore un petit monde qui a tout du panier de crabes, pour ne pas dire du presse-purée où chacun se débat pour ne pas être moulu le premier.

 

Le côté voyeur est imposé d'emblée par l'auteur, qui choisit de placer au centre de son récit un paparazzi sans scrupule (mais non sans mérite) nommé Bang Abbott et de lui offrir tout un premier chapitre pour lui laisser l'occasion de déraper en photographiant une inconnue. Là aussi, élément clé du récit: Abbott va passer tout le roman à chercher à photographier Cherry Pye, une chanteuse à deux balles comme il s'en fait trop (belle gueule, voix atroce...) - quitte à tomber parfois sur sa doublure.

 

Le personnage de Cherry Pye concentre à lui seul les clichés qu'on accole aux starlettes. L'auteur a bien fait les choses: le lecteur se retrouve ainsi à penser tour à tour, en découvrant la figure de Cherry Pye, à des personnalités comme Paris Hilton ou Amy Winehouse - le tout, en version lourdement caricaturée, largement décérébrée et parfaitement imprévisible. C'est autour de cet élément instable que se positionne toute une série de personnages particulièrement hauts en couleur, tous désireux (mais alors vachement!) de tirer leur épingle d'un jeu qui, immanquablement, va finir dans le mur.

 

Les personnages principaux sont hauts en couleur, on l'a compris, et l'auteur réalise un premier tour de force en les faisant fonctionner ensemble d'une manière complexe - quitte à réaliser l'impossible alliance du paparazzi et de la personne qu'il entend photographier. Deuxième tour de force: créer à ces deux personnages un entourage à la hauteur. Là, le lecteur est servi - et pourtant, l'auteur se contente de prendre ce qui se présente autour de lui, le plus naturellement du monde: les parents de la jeune starlette, son agent artistique, les deux attachées de presse (une paire de jumelles, il faut quand même un peu d'esthétisme), la fameuse doublure, et le garde du corps - un certain Chimio, déjà vu dans "Cousu main". Et plus loin, parce qu'il faut un contexte, l'auteur rappelle la crise des subprimes - qui causera la perte d'un promoteur immobilier et servira de prétexte, pour l'auteur, à suggérer qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de l'oncle Sam. Tour de force conclusif: chacun des personnages est fortement caractérisé (il y a même un ex-gouverneur retourné à l'état sauvage), et pourtant, tout fonctionne - comme dans la vraie vie, où des êtres humains parfois fort divers interagissent le plus naturellement du monde. Bref, nous avons affaire à un panier de crabes de première catégorie.

 

Le contexte de la hype hollywoodienne impose ses codes au romancier. Celui-ci manie donc, avec un sens consommé de l'outrance, le namedropping (on ne compte plus les stars réelles ou imaginaires qui traversent ce roman), la mention de bars à la mode et la description de comportements parfaitement immatures. Enervant? Mieux vaudra en rire, tant l'auteur goûte l'art de la caricature d'un monde dont le lecteur lambda, loin des feux de la rampe, ne soupçonne guère la perversion.

 

Tout cela est mené à un rythme d'enfer, c'est le moins qu'on puisse dire! Le délire se niche à chaque coin de page, le gag le plus absurde guette partout. L'outrance (certains diront: "c'est hénaurme!") s'exprime aussi dans un certain sens de l'image choc, par exemple lorsqu'il s'agit de décrire les testicules d'un personnage, infectés par les mille piquants d'un oursin. Comme quoi l'auteur n'hésite pas à taper en dessous de la ceinture pour séduire son lectorat. Et ça marche... hé hé!

 

Carl Hiaasen, Presse People, Paris, Editions des Deux Terres, 2012, traduction d'Yves Sarda.

Partager cet article
Repost0
10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 20:31

hebergeur imageUn roman policier suisse est à l'honneur chez Kalistina, pour le défi Littérature suisse. Il s'agit de "Kroch & Co" de Friedrich Glauser - et c'est ici que ça se passe:

 

http://kalistina.over-blog.com/article-kroch-co-de-friedrich-glauser-106709441.html 

 

Merci pour cette participation polardesque! Le défi est toujours ouvert... et la rentrée littéraire charriera son lot de romans d'écrivains suisses. Ouvrez l'oeil!

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Daniel Fattore
  • : Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
  • Contact

Les lectures maison

Pour commander mon recueil de nouvelles "Le Noeud de l'intrigue", cliquer sur la couverture ci-dessous:

partage photo gratuit

Pour commander mon mémoire de mastère en administration publique "Minorités linguistiques, où êtes-vous?", cliquer ici.

 

Recherche

 

 

"Parler avec exigence, c'est offrir à l'autre le meilleur de ce que peut un esprit."
Marc BONNANT.

 

 

"Nous devons être des indignés linguistiques!"
Abdou DIOUF.