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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 23:38

Laurain Carnet photo LaurainCarnetrouge_zpsdedbabe6.jpg

Quoi de plus voyant qu'un sac mauve? Et quoi de plus intrigant que d'en trouver un, planté sur une poubelle? Un peu dans la veine de "Carrefour des nostalgies", l'écrivain Antoine Laurain signe avec "La femme au carnet rouge" le roman d'une (en)quête: pour Laurent, il s'agit de retrouver la propriétaire du fameux sac. Et comme dans "Le chapeau de Mitterrand", c'est un objet qui tient la vedette. Astuce, cette fois-ci: le sac recèle quelques indices, ténus mais suffisants pour lancer un jeu de piste.

 

Un lecteur inattentif pourrait voir dans "La femme au carnet rouge" une simple comédie romantique, à la manière d'un Marc Lévy - du reste cité par l'auteur. Mais Antoine Laurain va plus loin, sans que sa maîtrise du genre romanesque ne touche ses limites. Preuve en est la construction du premier chapitre, toute en rétention d'informations. Le lecteur comprend certes qu'il est question d'une femme, mais l'usage systématique, serré, de pronoms personnels empêche d'en savoir plus: nom, qualités, etc. L'auteur dépeint ainsi une silhouette mystérieuse, d'autant plus méconnaissable qu'elle est mise en scène sous une pluie battante.

 

Plus loin, cette maîtrise se révèle dans les nombreux jeux d'échos qui habitent "La femme au carnet rouge": Laurent est attiré par Laure, ce qui est évident; l'auteur s'amuse par ailleurs, pour le plus grand plaisir du lecteur, à faire de Laure ("l'or") une doreuse spécialisée dans les monuments et les meubles anciens. Ce qui vaut quelques scènes réalistes - de quoi faire vivre, l'espace de quelques pages de roman, un monde professionnel méconnu.

 

Un monde professionnel qui s'inscrit dans un ensemble plus vaste, celui des métiers susceptibles d'intéresser un lecteur mais gardant une certaine originalité. Ainsi l'auteur parvient-il à caser ici un photographe spécialisé dans l'alimentaire, et à faire de Laurent un libraire - métier adulé des lectrices et lecteurs, s'il en est. La figure du libraire fait d'ailleurs écho à celle de l'écrivain - et là, l'auteur s'offre le luxe de compter Patrick Modiano au nombre de ses personnages.

 

Enfin, le mot "rouge" du titre est un indicateur qu'on aurait tort de négliger: la couleur rouge constitue, si j'ose dire, un fil rouge de ce rapide roman. Elle constitue l'élément d'écho le plus aisément perceptible: d'un côté, nous avons une femme au carnet rouge et, de l'autre, un homme qui tient une librairie à l'enseigne du "cahier rouge" - il n'en faut pas plus pour que le lecteur se dise que ces deux personnages sont faits pour s'entendre. Des points de rouge essaiment partout dans le roman: un peu de vin rouge (Fixin - l'auteur est précis!), du rouge à lèvres, quelques écrits du carnet rouge ("J'ai peur des fournis rouges", p. 49 puis 53), etc. Ecrit en rouge sur la couverture, le nom de l'auteur lui-même indique au lecteur que rien, et surtout pas les couleurs de ce roman, n'est dû au hasard.

 

De la comédie romantique, enfin, l'auteur retient quelques figures imposées mais cocasses, résultant entre autres de la relation entre un père, personnage principal, et sa fille - suffisamment azimutée pour nommer son chat "Poutine". Une fois de plus, le lecteur suit avec plaisir Antoine Laurain dans le jeu de piste qu'il a créé autour d'un sac à main mauve à la fois sibyllin... et révélateur.

 

Antoine Laurain, La femme au carnet rouge, Paris, Flammarion, 2014.

 

 

 

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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 22:39

hebergeur imageItzamna et Argali sont des piliers du Défi Premier roman version 2014 - merci à elles! Elles reviennent avec deux billets.

 

Chez Argali: Antoine Wauters, Nos mères.

Chez Itzamna: Guillaume Siaudeau, Tartes aux pommes et fin du monde.

 

Il y a de quoi faire - je garde un joli souvenir de ma lecture de "Tartes aux pommes et fin du monde", mais ne connais pas "Nos mères". A découvrir?!

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 21:39

David Marie Vie photo DavidMarieVie_zps975a6343.jpg

Une tasse à thé qui tombe au Ritz, et tout commence. Paru en 2000, "Marie refait sa vie" est le premier roman de la danseuse France David. C'est un roman qui fait tomber son lecteur dans l'introspection. Et le thème de la chute, sous ses formes les plus diverses, traverse ce bref ouvrage qui se plaît à brouiller les pistes, quitte à dérouter le lecteur.

 

Il y a donc Marie D. qui fait tomber sa tasse de thé. Dès lors, elle tombe en psychanalyse, et c'est là toute la teneur de ce roman: une séance chez le psy. Tomber, c'est la musique qui tombe dans les doigts de la pianiste qu'est Marie D. C'est plonger au fond de soi-même, au fil des récits et des questions, afin de mieux se connaître. C'est tomber d'un métier à l'autre: de musicienne à physicienne. C'est laisser tomber son conjoint. C'est tomber, peut-être, en dansant. Quitte à se faire mal, parce que la vie fait mal, parfois.

 

Premier roman 2014 photo Premierroman2014_zps47718708.jpg

Astucieuse, l'auteure brouille d'emblée les pistes en ce qui concerne la réalité de son récit. Que penser d'un incipit comme "Je suis la fille de Marie D., l'héroïne de ce roman."? Il porte en lui-même une contradiction. Un roman peut être intégralement inventé; mais il est permis de supposer qu'en réalité, France David a bel et bien une mère qui se prénomme Marie et lui a laissé un paquet de feuillets destinés à la rédaction d'un roman. Ce paquet est présenté comme authentique. Mais dans un roman, que croire, depuis ces romans du dix-huitième siècle qui, par tous les moyens, cherchaient à arborer les apparences du vrai, du vécu? L'auteure exploite ce filon à son tour.

 

L'écriture a, quant à elle, de quoi dérouter. On se demande rapidement qui parle, et qui est qui. On entend certes parler la mère, Marie; celle-ci donne l'impression de s'adresser tantôt à sa fille, tantôt à une psy, à moins qu'elle ne prenne l'une pour l'autre. L'alternance de répliques rend parfois malaisé le fait de savoir qui parle; le lecteur est donc invité à se plonger dans un roman à plusieurs voix parfois embrouillées. Chacun pourra ainsi se faire une image de ce qui se passe dans ce roman, divergente de ce qu'en pensera son voisin, sa voisine: "Qu'est-ce que la réalité? Elle diffère tant d'un individu à l'autre, quand les fictions influencent le vécu tandis que l'on croit que les oeuvres pourraient naître d'une simple imitation de la vie."

 

Ici, c'est d'une imitation de la vie intérieure qu'il s'agit, lente, intrigante, riche et ordinaire - riche de son ordinaire sans doute, en fait. Et c'est aussi l'imitation d'une chute en soi-même, ce qui est une façon de refaire sa vie en la revoyant, en mettant des mots dessus. Joints en annexe, les feuillets, vrais ou inventés, font figure de guides du lecteur. Qui, en voyant danser les phrases du corps du roman, y trouvera peut-être la confirmation de ses impressions de lecture. Ou pas.

 

France David, Marie refait sa vie, Seyssel, Comp'Act, 2000.

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 20:59

hebergeur image

Lu par Corto, Nicolas.

Le blog de l'auteur.

 

Périlleux exercice que celui auquel s'est livré Didier Goux: publier un recueil contenant ses propres billets de blog. Mais Didier Goux, homme rompu aux disciplines les plus diverses de l'écrit (cet "écrivain en bâtiment" est connu comme journaliste, mais aussi comme auteur des "Brigades mondaines"), a su, avec "En territoire ennemi", éviter les écueils du genre. Et alors que le blogage est souvent une activité de l'instant, sujette à l'obsolescence, son livre revêt le caractère d'un candidat impénitent à l'intemporalité.

 

Cela tient au choix des textes, d'abord. Mis dans un ordre bien choisi, ils s'inscrivent dans quelques lignes de force précises: la société d'aujourd'hui et d'hier, les lectures et les arts, et l'avenir mortel d'un homme qui, vieillissant, apprécie les joies simples de la vie en attendant le grand départ. Le classement en trois parties finit de structurer cette lecture.

 

L'auteur brocarde les travers de l'époque actuelle, quitte à jouer parfois d'une mauvaise foi piquante qui prête à sourire ou invite à croiser le fer. Quelques mots suffisent à mettre en évidence les contradictions d'un modernisme érigé en dogme, ou certaines décisions du gouvernement français actuel - à l'instar de la ponction de 75% des revenus d'une personne, à partir d'un certain seuil ("La cambriole"). La télévision et les experts surfaits qui y sont invités en prennent aussi pour leur grade. Le caractère relativement bref du billet de blog incite à une écriture nerveuse et sans embarras; d'une plume à la fois vive et soigneuse, l'auteur réussit l'exercice avec brio, et parvient à faire rire le lecteur à plus d'une reprise. Rire jaune, rire d'ironie, rire franc, jubilatoire parfois, peu importe! Nostalgique, la lecture des temps actuels est traversée par les idées de Renaud Camus et de Philippe Muray, régulièrement évoqués.

 

Les billets consacrés à la littérature et aux arts sont généralement plus développés. Ils révèlent un lecteur au regard aigu, qui s'intéresse aux gros morceaux de la littérature d'aujourd'hui (Cormac McCarthy), mais aussi d'hier et d'avant-hier. Sa lecture des "Récits de la Kolyma" de Varlam Chalamov et d'autres écrits produits dans le même contexte ne donne qu'une seule envie au lecteur: celle de s'y plonger à son tour. Quant aux pages consacrées à Balzac, elles mêlent enthousiasmes et réserves pour éclairer le génie du romancier d'un jour fort personnel. Cela n'interdit pas l'autodérision, par exemple lorsque l'auteur, pointant un travers d'Emile Zola, suggère: "Ma parole, on se croirait dans un Brigade mondaine!". Et de manière plus individuelle, j'ai découvert grâce à cette lecture que Charles Bertin, c'est autre chose qu'une fort honorable marque distributeur de champagne...

 

Et puis il y a une troisième partie, plus grave, philosophique même. L'auteur s'y interroge toujours sur le monde dans lequel il vit. Il trouve dans l'observation des oiseaux qui colonisent son jardin quelques métaphores de la vie des humains, décrit le bonheur de lire un bon livre au bout de la nuit, lorsque tout le monde dort encore. Cela, sans oublier la vie des chiens de la maisonnée, tous baptisés selon un élément de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust. "L'Absence" est une belle réflexion sur le mariage, présenté comme une "drogue dure". La mort elle-même s'invite - mort d'autrui, pressentiment de la sienne propre.

 

Enfin, l'auteur conclut son ouvrage par quelques chapitres adressés à la jeunesse ("A vous, les mômes") - un envoi, une brève ouverture vers l'avenir, et surtout une manière de lui demander pardon pour ce qu'a fait sa génération. Le lecteur se souvient, au terme de l'ouvrage, du côté parfois décliniste des propos de l'auteur, et souscrira peut-être aux derniers mots de ce recueil, empruntés à un certain François Villon: "et priez Dieu que tous nous veuille absoudre". Ainsi s'achève un recueil d'essais sur le temps qui passe et qui, à l'instar de la rue Rochechouart dans "Marie la Française" d'Edith Piaf, ne reviendra pas.

 

Didier Goux, En territoire ennemi, Paris, Belles-Lettres, 2014.

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 20:34

hebergeur imageSharon revient, Eimelle aussi: je relaie aujourd'hui pas moins de trois participations au Défi Premier roman. Merci pour ces découvertes, et merci de faire vivre le défi! Les billets sont accessibles ici:

 

Sharon:

Didier Fossey, Tr@que sur le Web

Leif GW Persson, La Fête du cochon

 

Eimelle:

Romain Puértolas, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

 

Merci pour ces nouvelles participations!

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4 mars 2014 2 04 /03 /mars /2014 23:29

hebergeur image

"Le Noeud de l'intrigue" est un recueil de nouvelles qui poursuit son petit bonhomme de chemin, au gré des dédicaces. Ainsi, c'est à Romont, dans le canton de Fribourg, que je dédicacerai samedi prochain, le 8 mars. Cela se passera au centre commercial Coop de Romont, route de Belle-Croix 18. J'y serai toute la journée. 

 

Seront également présents les auteurs suivants, tous publiés par les éditions La Plume Noire: Ana Cardinaux (de 14 à 16 heures), Phedrashine (j'en parlais ici) et Christophe Grau (dont j'ai relayé deux poèmes, ici et ). Laurent Coos, l'éditeur, sera absent: il est occupé par les débuts de son fitness "Coos Gym" à Farvagny. Je lui souhaite le meilleur dans cette entreprise! 

 

Je me réjouis de vous saluer à cette occasion. Alors, si vous passez par Romont ces jours, à samedi - et venez nombreux! Et sinon, si vous n'avez pas votre exemplaire du "Noeud de l'intrigue", n'hésitez pas à le commander ici même.

 

Illustration: vitrail d'André Sugnaux, pour le centre commercial Coop de Romont. 

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4 mars 2014 2 04 /03 /mars /2014 23:18

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Itzamna revient! Cette fois, c'est avec un classique de la littérature américaine, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee. Son billet est ici:

 

http://itzamna-librairie.blogspot.fr/2014/03/ne-tirez-pas-sur-loiseau-moqueur-harper_3.html

 

Merci pour cette participation! Je me souviens d'avoir lu cet ouvrage il y a quelque temps... et d'en avoir parlé aussi, ici. C'est sympa de se retrouver en terrain connu!

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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 06:00

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Alex, Amos, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Cagire, Caro[line], Chrestomanci, Chrys, Edelwe, Emma, Esmeraldae, Ferocias, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, Marie, MyrtilleD, Saphoo, Séverine, Tinusia, Violette, Yueyin.

 

Terre

je tomberai vers vous

comme un enfant mort

je tomberai dans le soir

après avoir fait halte parmi les hommes

 

et de paysage en paysage

la route aura été douce qui s'appuyait au ciel

les saisons m'auront tenu compagnie

février sous sa frange de givre

octobre accoudé aux fenêtres

Terre

te rappelles-tu ce que racontait

le brin de sauge à la tendre salive de rosée?

 

j'aurai répété sans comprendre

ces mots d'adieu

qu'on murmure à demi-voix

ô terre

ne partons pas encore

 

Claire Genoux (1971- ), Poésies 1997-2004, Orbe, Campiche/CamPoche, 2010.

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28 février 2014 5 28 /02 /février /2014 21:06

hebergeur image

Lystig et Argali sont à l'honneur: Argali a publié un billet sur le premier roman de Christian Guay-Poliquin intitulé "Le fil des kilomètres". Quant à Lystig, elle offre un article sur "Un homme effacé" d'Alexandre Postel. Voici les liens vers les billets:

 

Christian Guay-Poliquin, Le fil des kilomètres;

Alexandre Postel, Un homme effacé.

 

Merci pour ces participations au Défi premier roman - qui est ouvert à toutes et à tous! Pour tout savoir, cliquer sur le logo. 

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 20:40

hebergeur image

Défi "Vivent nos régions!"

 

Imaginons un instant ce qui peut se passer derrière les lourdes murailles d'un château de province, quelque part du côté de l'Aude, habité par un entrepreneur suroccupé, Xavier, et son épouse oisive, Valérie. Il arrive qu'un soir, la maîtresse de maison lâche, sérieusement: "J'affirme que je vais transformer la nouvelle domestique, la vertueuse et prude Marie, celle-là même qui vient de nous apporter les rafraîchissements, en jeune femme docile, prête à satisfaire tous vous désirs, messieurs." Il n'en faut pas plus pour lancer le roman "Le Vrai Prix de Marie" de Jean-Pierre Grotti. Ce livre est la réédition d'un ouvrage paru sous le titre "Marie, le corps sans le coeur" en 2008; aussi rapide à lire qu'un thriller, il marie le Sade de "La Philosophie dans le boudoir" et le Choderlos de Laclos des "Liaisons dangereuses". Le tout, au goût du vingt et unième siècle.

 

L'ombre de Valmont et de la marquise de Merteuil se baladent en effet dans les pages de ce roman; on les reconnaît à travers les figures de Valérie et de Mario, tandem de riches désaxés, prompts à manigancer afin d'arriver à leurs fins: gagner le pari lancé par Valérie. Quant au processus mis en place pour "initier" Marie, servante de 32 ans, jolie mais en rien préparée à ce qui l'attend, il suggère la démarche d'initiation relatée par D. A. F. de Sade dans "La Philosophie dans le boudoir". A quelques différences près, cependant: le processus dont Marie est le jouet est lent, et ancré dans une vie réelle, et l'auteur se dispense d'un arrière-plan philosophique massif pour se consacrer à son roman. Tout au plus donne-t-il une idée de la mentalité des grands-bourgeois frelatés qui emploient Marie...

 

hebergeur image

... et là, l'auteur ne recule pas devant un portrait-charge plutôt lourd, suggérant un monde qui, s'il sait s'amuser, s'avère, en quelque sorte, "vieille France", vote probablement très à droite et fait preuve d'un cynisme consommé. Quelques éléments font mouche sans qu'il soit besoin de les décoder longuement, à l'instar de la très pétainiste devise "Travail, famille, patrie", placée dans la bouche d'un des représentants de la bourgeoisie de province mise en scène - les lecteurs attentifs repéreront d'ailleurs la devise républicaine "Liberté, égalité, fraternité", ailleurs dans le roman: écho ou besoin de neutraliser? A cela, vient s'ajouter une vision simpliste des moeurs, exposée d'une manière un brin pontifiante au chapitre 1: les pauvres seraient confinés à la vertu par une éducation chrétienne qui les fait accepter leur sort, alors que les riches ont su s'en affranchir. 

 

L'auteur excelle à construire le réseau de forces et de manipulations qui emprisonne Marie. Il y a certes les riches qui l'emploient, et qui la dominent en qualité d'employeurs - la perte d'un emploi est toujours difficile, et l'auteur ne manque jamais une occasion de le rappeler. Il y a aussi la famille - un mari simple, un peu mauvaise tête par moments mais pas mauvais bougre, qui aime boire son coup mais paraît à peu près fidèle. Cela, sans oublier les faux amis... La condition plus que modeste que connaissent Yves et Marie offre à l'auteur d'intégrer, mine de rien, quelques considérations sociales dans son roman. Celles-ci créent un contraste intéressant avec la vie de château, présentée comme outrageusement aisée.

 

L'auteur use beaucoup du dialogue, quitte à ce que cela apparaisse comme un procédé facile. Mais il sait aussi glisser, dans un style globalement efficace, quelques archaïsmes et préciosités qui soulignent, discrètement et finement, le côté "noblesse autoproclamée et indigne" des gens de la "haute". Discret, il est systématiquement elliptique dès lors qu'il s'agit d'évoquer un acte sexuel - le lecteur n'a rien d'un voyeur. Ce que l'auteur veut montrer, plutôt, c'est une situation de harcèlement sexuel poussé, perpétré dans les recoins ombreux d'une belle demeure, et où la complaisance n'a pas sa place. Il la construit avec habileté, en trouvant le ton juste et en ayant le souci de mettre en évidence les éléments qui peuvent empêcher une victime de parler ou de se révolter.

 

Jean-Pierre Grotti, Le Vrai Prix de Marie, Pollestres, TDO, 2013.

 

Merci aux éditions TDO et à Babelio pour l'envoi de ce livre et pour la découverte!

 

tous les livres sur Babelio.com
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