Gauche, droite? Je ne tiens guère à ce que ce blog soit en quelque manière politisé, même si celles et ceux
qui me lisent ont sans doute subodoré de quel côté mon bulletin de vote balance (quoique...). Ce préambule pour annoncer l'ouvrage que j'ai terminé hier soir, "La face cachée de Reporters sans
frontières", signé Maxime Vivas.
Reporters sans frontières? C'est cette organisation non gouvernementale qui épingle un peu partout des affiches où l'on voit des anneaux olympiques en forme de menottes. Joli coup, me diront
certains - mais l'ouvrage de M. Vivas donne à réfléchir au sujet de l'organisation de Robert Ménard. C'est sans doute son principal mérite.
Quelle est, en effet, la thèse de l'auteur? Reporters sans frontières (RSF) lutte pour la liberté de la presse un peu partout dans le monde... mais dans certains pays plus que d'autres.
L'auteur dévoile par exemple que RSF n'agit pas du tout en France, par crainte de se mettre à dos les grands groupes (on pense à Dassault pour Le Figaro, mais aussi à Rothschild pour
Libération) propriétaires des non moins grands journaux français... de peur de faire fuir des sponsors potentiels. L'autre grand pan de la démonstration de Maxime Vivas est que
l'organisation, financée par la CIA sans oser l'avouer, se montre particulièrement clémente lorsque les intérêts des Etats-Unis sont en jeu. L'auteur a du reste établi que la CIA finançait RSF
par sociétés interposées.
La démonstration s'appuie sur les exemples du Venezuela de Hugo Chavez, de Cuba (où règne encore Fidel Castro, au moment où l'ouvrage est écrit), et de la Serbie (qu'on a, c'est vrai, trop
vilipendée dans le sillage des guerres de Yougoslavie). L'auteur use de chapitres de longueurs variables, allant de la simple (et pauvre) juxtaposition de deux articles contradictoires (chapitre
IX) à l'analyse plus fouillée, s'étendant sur un chapitre bien développé, voire sur plusieurs d'entre eux (cas de Nestor Baguer). En homme complet, Maxime Vivas conclut son exposé par une
critique pointue du classement que RSF établit chaque année des pays les plus (et les moins) respectueux des droits de la presse.
Reste que du début à la fin, on sent que l'auteur n'est pas d'une neutralité au-dessus de tout soupçon, alors qu'on est en droit d'attendre cela (et que Maxime Vivas l'attend effectivement de
RSF!) de la part de toute personne faisant oeuvre de journalisme d'information. On le sent en particulier très en froid avec le gouvernement Bush et avec les Etats-Unis (qu'il qualifie volontiers
d'Empire, avec un E majuscule), et désireux d'excuser à sa manière les régimes de Fidel Castro et de Hugo Chavez - certes respectueux de la liberté d'expression selon l'auteur... mais de quoi
d'autre? Il n'en est pas question - et c'est normal, car cela sortirait du propos. Enfin, le livre ne dit rien de ce que RSF fait ailleurs, avec peut-être des résultats moins discutables.
Que retirer, donc, de cette lecture? "La Face cachée de Reporters sans frontières" ne doit en aucun cas être jeté aux orties, en dépit des faiblesses et partis pris exposés. L'ouvrage de Maxime
Vivas a, à mon avis, le mérite d'exister, un mérite essentiel en matière de journalisme: en génral, en effet, qui s'amuse à aller mener l'enquête auprès de ceux qui, par métier, mènent l'enquête?
Un ouvrage utile et actuel, donc; reste à produire LE livre "neutre" sur RSF.
Et dans le même genre, je renvoie les amateurs d'histoires de journalistes croustillantes à "La Face cachée du Monde" de Pierre Péan et Philippe Cohen. A part que là, il faudra faire les
bouquinistes parce qu'à la suite d'un jugement, ce pavé ne sera pas réédité.
Maxime Vivas, La Face cachée de Reporters sans frontières, Bruxelles, Aden, 2007.
Le site de RSF: http://www.rsf.org