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2 octobre 2008 4 02 /10 /octobre /2008 21:26

Les chevaliers des statistiques et autres informations de blog le savent aussi bien que moi: parfois, les mots clés les plus délirants, les plus farfelus conduisent certains internautes égarés à votre blog ou à votre site. A l'époque, le blogueur Ludovic Monnerat, expert en stratégie militaire, relevait également, avec un clin d'oeil, toutes ces perles - autant de phrases qui n'avaient rien à voir avec le grand échiquier mondial.

La blogueuse
Delphine Kilhoffer ne fait pas exception à la règle; elle a donc eu l'idée de créer un blog spécialement consacré à ce sujet, après une rapide consultation.

Et comme il n'est pas bon que le blogueur soit seul dans ce genre de plaisanterie, elle fait appel aux webmestres et tenanciers de blogs pour nourrir son propos. Il y en a d'ores et déjà d'assez jouissives, par exemple "Comment dresser son mari" ou "Pâté de rêves" (bon appétit!) qui renvoie au blog des
Blairaudes, ou "Caresser une femme discrètement", qui conduit au journal extime de La Factrice. Deux blogs qui n'ont rien fait du tout pour mériter qu'on y parvienne par de tels détours, naturellement - et c'est là que ce sport peut devenir cocasse.

Le mode d'emploi et les modalités d'envoi figurent sur le nouveau blog. Ca se passe ici:

Essai_folles_requ_tes5

Et je suppose que les auteurs de ces séries de mots clés nous feront l'hommage des droits d'auteur!

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1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 21:08

Tranche de vie par AnakronikLes mordus des concours de nouvelles ont sans doute entendu parler du concours "Pépins", organisé par le magazine "Géante rouge". Le principe? Ecrire une histoire de science-fiction en moins de 300 signes, tout compris, y compris les espaces et le titre. Une gageure? Je l'avais relevée il y a un an ou deux, en m'efforçant de penser petit. En voici trois exemplaires...

Ils ont lu Camus

- Tu as lu La Peste de Camus ?
- Oui, c'est hilarant ! Quelle ratonnade...
- Tu ne trouves pas que le personnage de Rieux est téléphoné ?
- C'est le seul échec du livre. Pourquoi ne pas l'avoir fait crever ?
- Va savoir.
Et les deux rats oranais repartent à la recherche de fromage.

Revers

Toc : encore un an de passé, dit l'acarien, vautré dans un amas de fils jaunes fluorescents. Toc : un autre, répond son ami.
- Le temps file, avance le premier : 200 km/h, avec des chocs en fin d'année. Tiens, justement...
Toc : Federer renvoie la balle de tennis, de son plus beau revers.

Peur du noir

Dans la profondeur des ténèbres, une voix s'élève :
- Papa ! J'ai peur dans le noir !
Papa ne veut rien entendre. Derechef, on entend :
- Papa ! Au secours !
Alors Papa Jupiter décide d'intervenir. Un rien excédé, il réplique :
- OK P'tite Terre, je vais te rallumer le Soleil.

Photo: Flickr/Anakronik
 

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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 20:52

sorbier.gifComment fonctionne un stagiaire amoureux? Telle est la question à laquelle s'efforce de répondre, avec un talent et un esprit certains, le petit roman "Le Stagiaire amoureux" de Thierry du Sorbier. Rapide rappel des faits: Amory est un stagiaire peu débrouillard, plumitif au sein de la rédaction d'un petit journal régional de province. A ce titre, l'incipit de ce bref roman est magistral: "Mais qui m'a trouvé un tordu pareil? Je dois vous dire une chose, Amory, corriger votre copie, ça donne l'impression de récurer des chiottes." Rien de tel pour vous camper un personnage.

Que faire avec un client comme cela? Impossible de le virer: il est pistonné. Le rédacteur en chef l'envoie donc dans un village où, preuves à l'appui, il ne s'est strictement jamais rien passé. On pourrait voir dans cet exil forcé (mais qu'Amory prend comme une promotion) une forme de voyage initiatique. Soit! Faisons-le. Comment Amory va-t-il réagir dans un tel patelin?

Il trouvera toujours quelque chose à raconter, débitant des articles entiers sur rien du tout, suscitant des avalanches de lettres de lecteurs favorables ou défavorables à sa prose. Mais voilà qu'une équipe de cinéma américaine débarque... des vedettes. C'est là que se noue le drame.

Le lecteur peut s'attendre, en effet, à ce qu'Amory réagisse comme un vrai journaliste, et saute sur le scoop afin de l'analyser sous toutes ses coutures. Il n'en sera rien: Amory préfère s'intéresser aux champignons de M. le Maire. C'est là que le rite initiatique prend un sens: l'aspirant journaliste ne réagit justement pas comme tel, ce qui le rend profondément différent. Le pire, c'est qu'il fait ce qu'on attend de lui: brasser de l'air plutôt que chercher l'information alors qu'elle est là. Autant dire que nous avons affaire au ravi de la crèche, plus proche de la vérité que d'autres parce qu'il regarde le monde avec un regard naïf plutôt que de sauter sur les choses à la mode.

L'ouvrage est par ailleurs traversé par le fromage: tous les villages évoqués portent le nom d'une gomme savoureuse, ce qui devrait donner faim à plus d'un. Mais l'un des détails les plus fondamentaux de ce roman reste le caractère irrémédiablement amoureux du stagiaire: dès qu'il rencontre une fille de son âge, il ne peut s'empêcher d'avoir un coup de foudre. Cela, avec le coup de coeur "à part" qu'il réserve à la standardiste de la réception du journal. Son exil initiatique à Saint-Paulin va le séparer de cette femme, et le jeter dans les bras d'une starlette hollywoodienne - une brève aventure qui lui vaudra les honneurs de la presse à scandale.

Et dès que Hollywood met les pieds quelque part, il faut un happy end conforme à ce que le public sent venir de manière énorme - et Thierry du Sorbier joue le jeu jusqu'au bout, avec une pointe d'humour. En effet, la standardiste tombe dans les bras de "celui qui a sorti une starlette hollywoodienne" au moment du générique de fin, avec les baisers passionnés de rigueur. Et par-delà ce happy end, on peut dire que l'épreuve initiatique est réussie... bien que d'une manière non orthodoxe. Alors, "Le Stagiaire amoureux", ouvrage plein d'une apparente légèreté, serait-il aussi un hymne à la différence? A vous d'en juger.

Thierry du Sorbier, Le Stagiaire amoureux, Paris, Buchet-Chastel, 2007.

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28 septembre 2008 7 28 /09 /septembre /2008 21:27

Avant tout, qu'on soit averti: le roman "Le dernier jour de l'espion Reiss" n'a rien d'un thriller, au contraire. Ecrit dans sa langue maternelle par l'écrivain allemand (mais installé en Suisse) Eberhard Raetz, cet ouvrage relate la dernière journée d'existence d'un espion soviétique juif nommé Ignace Reiss. De la blague? Que nenni: l'écrivain a utilisé pour son récit un fait divers réel, survenu à Lausanne en 1937, et l'a transposé dans la fiction. La version française publiée en avril 2008 par les éditions de L'Aire présente quelques faiblesses (noms de lieux restés en allemand, transcription "à l'allemande" des patronymes, participes passés accordés de manière aléatoire), mais permet de donner une excellente idée du roman d'origine.

Quelles en sont les qualités, en effet? Avant tout, et puisque c'est du sérieux, l'auteur s'appuie sur une documentation qu'on devine soignée - et colmate les trous avec sa propre imagination. Celui qui connaît Lausanne, par exemple, reconnaîtra sans peine les environs de la Place Saint-François, où se passe une bonne part d'une action décrite heure par heure, comme au microscope. On y reconnaît l'Hôtel de la Paix, dont l'auteur recrée l'ambiance "rastaquouère" de l'époque, mais aussi la confiserie "Chez Nyffenegger", qui existe encore aujourd'hui, ou la gare elle-même.

L'auteur écrit par ailleurs également quelques très belles pages sur le Valais. Son personnage s'est réfugié à Finhaut, en effet, et s'intéresse aux montagnes qui l'entourent et aux personnages qu'il côtoie. Il y a là quelques rencontres, quelques coups de main - les personnages de Finhaut sont peints comme des montagnards à l'esprit pratique, chasseurs; quelque part, ils rappellent les héros d'un certain Charles-Ferdinand Ramuz.

Et les âmes, alors? Elles ne sont pas en reste, Ignace Reiss en tête. Le bonhomme finit par devenir familier au lecteur. Il s'agit d'un espion soviétique qui souhaite sortir de ce système, écoeuré, mais finira par se retrouver face à ses vieux démons - plus précisément face à l'informatrice Schildbach, odieuse, collante, dévouée au régime, qui le fera tomber. Au gré des pages, Ignace Reiss repense aux horreurs qu'il a connues dans le cadre de son service au régime stalinien: arrestations arbitraires, climat de suspicion, paranoïa au quotidien, etc. L'homme a en outre une femme et un enfant, auxquels il pensera pour ainsi dire jusqu'à son dernier instant. Autant dire, et c'est la force de ce récit, que l'on a un portrait en trois dimensions d'un personnage d'espion fort intéressant.

Tout cela constitue donc un roman qui n'a rien d'un thriller (si ce n'est un mort), qui privilégie une certaine introspection... le tout, sans oublier la figure tutélaire de Marina Tsvetaeva.

Eberhard Raetz, Le dernier jour de l'espion Reiss, Vevey, L'Aire, 2008. Traduction par Laurent Schlittler, illustrations Gilles Emmanuel Fiaux.

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26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 19:54

Against Banned Books (Please Spread This Pic & The Text) par florian.bJ'ai eu l'occasion d'évoquer, il y a quelque temps, certains ouvrages interdits de diffusion en Suisse, pour des raisons diverses. Je me décide à vous en parler plus amplement. Naturellement, je n'aborderai pas les cas tombant sous le coup de l'art. 261bis du Code Pénal (réprimant le racisme), puisque c'est un peu partout pareil. Mais les circonstances ont fait qu'au moins deux ouvrages ont été touchés par des interdictions, provisoires ou non, pour des raisons intéressantes concernant des personnes.

1. "Ben Laden, la vérité interdite" de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié

Cet ouvrage fait partie de la kyrielle de livres d'actualité parus dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Tout d'un coup, la tête de Ben Laden était partout sur les présentoirs, ravissant la vedette à la rentrée littéraire, au moins jusqu'en janvier, si ce n'est au-delà. L'ouvrage permet de découvrir qu'Oussama Ben Laden a un frère, Yeslam Binladin, et que celui-ci vaque à ses affaires en Suisse - il est citoyen à l'époque des faits. Evoqué à mauvais escient, celui-ci fait bloquer la diffusion du livre en Suisse, en exigeant même l'interdiction pure et simple: bien que de la même famille, il n'a guère de contacts avec son frère et considère qu'il y a atteinte à la personnalité. Une négociation qualifiée d'âpre, assortie de passages par les tribunaux, entre Denoël, Yeslam Binladin, les diffuseurs et les avocats permet cependant à l'ouvrage de rejoindre les présentoirs des librairies suisses par intermittentes, au gré des jugements. L'affaire trouve son épilogue définitif en avril 2005, avec la levée de l'interdiction de vente.

2. "Contre-enquête" de Paul Grossrieder

Paul Grossrieder publie en 2004 un témoignage sur la police fribourgeoise - un ouvrage pas tendre avec cette institution, qui relate certains faits en maquillant des noms. Peu après sa parution, une personne dont le nom est mentionné (sous forme de nom d'emprunt non vérifié) dans l'ouvrage dépose une plainte pénale: elle est citée dans une posture peu flatteuse - et fausse, puisque pour la date en question, elle était en vacances, loin des histoires de police cantonale. Trop tard, hélas: les livres sont déjà en librairie... la décision tombe: dans un premier temps, on fera disparaître physiquement la phrase incriminée... en déchirant la page! Les livres sont alors vendus en l'état, et j'imagine que les exemplaires pré-déchirage doivent être des curiosités pour bibliophiles. Interdiction il y eut, également... Un nouveau tirage a ensuite été effectué, faisant sauter la phrase en question, remplacée par un blanc; enfin, le nom de la personne lésée a été remplacé par un anonyme "Tartempion".

Il semblerait que le livre "Révélation$" de Denis Robert et Ernest Backes ait également fait l'objet d'une interdiction, mais je n'arrive pas à retrouver les détails... si quelqu'un sait quelque chose, merci de m'en faire part! Et merci aussi pour les précisions éventuelles: j'ai travaillé d'après mes souvenirs et quelques sources éparses (dépêches, etc.) sur le Web.

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25 septembre 2008 4 25 /09 /septembre /2008 22:20
Playmobile, en avant les histoires: Alcool le retour. par graeuh"Les écrivains recommencent à boire", affirme sans complexes Frédéric Beigbeder en titre de son éditorial du magazine "Lire" de septembre. Ah, le voilà qui remonte dans les sondages: j'avais détesté son roman "L'amour dure trois ans", et été contraint d'admettre que son "99 francs", à la fois énervant et brillant, était en tout cas pertinent. Et le voilà qui, le temps d'un billet, vante les vertus de l'alcool lorsque celui-ci est associé à l'écriture et annonce rien moins que le retour en force de ce liquide dans le monde littéraire.

L'homme évoque l'éclipse de l'alcool dans les années 1990/2000, soit dans la période comprise entre le décès de Charles Bukowski et l'avènement de Pierre Mérot, auteur de "Mammifères", auquel il impute le retour en grâce de l'agréable breuvage. Là, j'ai envie de dire qu'il n'en est rien, qu'il n'y a pas eu d'éclipse, loi Evin ou pas... et, surtout, qu'on ne l'a pas attendu, tant l'alcool est indissociable du processus de création chez certains auteurs - pour le meilleur et pour le pire. Frédéric Beigbeder évoque la disparition de Charles Bukowski et d'Antoine Blondin pour annoncer l'ouverture d'une ère d'abstinence encouragée par la Loi Evin. Bien, bien, même s'il oublie Serge Gainsbourg, décédé un peu plus tard, et Jacques Dutronc, toujours vivant - qui sont, à leur manière, des poètes. Et les années 1990 ne sont déjà plus les années René Fallet, oscillant entre Beaujolais nouveau et amer whisky.

L'alcool a peut-être quitté la table de travail des écrivains eux-mêmes, soit. Peut-être que certains s'en sont trouvés mieux, l'esprit plus clair, etc. Mais qu'en est-il des livres publiés? L'alcool est l'un des ressorts essentiels du roman "Les Tommyknockers" (1988, mais la traduction française est postérieure) de Stephen King, et c'est là le premier exemple qui me vient à l'esprit - cet auteur avoue du reste, dans "Ecriture", avoir été assez copain avec la bouteille pendant une certaine période, pour le pire hélas. Il joue également son rôle dans les romans de Philippe Jaenada, sans oublier "L'effacement progressif des consignes de sécurité" (2001), pavé de Vincent Ravalec ou "La Commedia des ratés" (1991) de Tonino Benacquista. En 1990, Larry Brown y noie sa nouvelle "92 jours", mettant en scène un écrivain avide de bière et croyant à son talent. Deux points communs avec Sylvain Vasseur, le personnage principal du "Vertige des auteurs" (2007) de Georges Flipo. En 2007 également, Dominique Martin publiait "L'invité en robe rouge", qui aborde l'alcoolisme au féminin. Enfin, que penser d'un titre aussi emblématique que "Plop!" (2005) de Pierre Charras, roman dont la couverture s'orne d'un tire-bouchon en très, très gros plan? Pour une fois, l'emballage n'est pas trompeur.

Quelques dates bien ponctuelles, peu nombreuses en apparence, ratissant large, mais je suis certain que vous, visiteurs, pourrez compléter sans peine cette liste d'auteurs qui ont donné à l'alcool un rôle prépondérant dans l'une ou l'autre de leurs oeuvres, entre la mort de Charles Bukowski (1994) et la publication de "Mammifères" de Pierre Mérot (2003). Tout allongement de la liste donnera un peu plus tort à Frédéric Beigbeder, qui veut croire à une éclipse du sujet durant cette décennie... alors, allez-y, notez vos préférences, idées et souvenirs de lectures avec alcool dans les commentaires! Et qu'on ne s'inquiète pas: dans les livres, on a toujours picolé sec... sans modération.

La chronique de Frédéric Beigbeder est ici.
Photo: Flickr/graeuh



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24 septembre 2008 3 24 /09 /septembre /2008 20:15

On fête aujourd'hui l'anniversaire de Francis Scott Fitzgerald - cela fait cent douze ans que cet écrivain américain a vu le jour. Et, heureuse coïncidence, mes lectures m'ont amené, cette semaine, à le côtoyer un peu plus que de coutume. Après "Alabama Song" de Gilles Leroy, en effet, je me suis plongé dans le petit recueil "Une vie parfaite", publié dans la collection Folio à deux euros (soit quatre francs: l'euro est particulièrement cher dans les librairies suisses romandes).

Et c'est justement de cette nouvelle que j'aimerais vous parler ce soir - l'occasion est trop belle! Rappelons-en brièvement l'intrigue: héros d'un match de football américain, l'adolescent Basil Lee se voit sensibilisé à son rôle d'exemple moral. Il se prive donc de certains plaisirs de la vie (alcool, fumée, flirt) afin de mener une vie parfaite, et incite les autres à en faire autant. Cela n'a pas l'heur de plaire à tout le monde.

La nouvelle a quelques côtés autobiographiques puisque, comme Scott Fitzgerald, Basil Lee est un jeune homme de modeste origine qui étudie à Princeton. A partir de là, l'auteur parvient à donner un sens à une réalité, en écrivant une belle fable sur la difficulté d'être soi. Difficulté pour Basil, certes, qui se constitue un masque de père la pudeur, mais aussi pour le personnage de Jobena qui, dépitée, n'ose pas avouer à Basil Lee, qui ne la laisse pas insensible, qu'elle est déçue par son comportement vertueux. Difficulté également pour George Dorsey, qui l'invite pour Thanksgiving... presque à contrecoeur, sans oser décommander Basil Lee.

Difficulté d'être soi, donc. Mais aussi et surtout difficulté de se fabriquer un personnage et de l'assumer. Pour rendre l'exemple frappant, l'auteur choisit l'option la plus perfectionniste, la plus archétypale; mais la construction d'un soi rêvé est, peu ou prou, l'apanage de beaucoup de monde. Le masque de Basil Lee va toutefois évoluer, voire s'effriter, en trois temps, soit deux plus un. Le premier est naturellement constitué par la période précédant l'invitation de Thanksgiving, où Basil approche tout le monde pour émettre des remarques de comportement, auréolé qu'il se croit de son statut d'exemple. Le deuxième est constitué par la période passée chez les Dorsey, marquée par la rencontre avec Jobena. Il ne fait aucun doute que Basil est attiré par cette fille; mais, tenu par sa volonté d'être parfait, il oppose une fin de non-recevoir à toutes les approches de Jobena, y compris dans les circonstances les plus propices. A ce titre, la discussion entre Basil et Jobena, dans la pénombre d'un cab, est un exemple magistral de dialogue de sourds - de ceux de la pire espèce: ceux qui ne veulent pas entendre.

Ces deux étapes restent caractérisées par des approches verbales privilégiant la raison. Il faut que Basil découvre que Jobena veut partir avec un "débauché" du nom de Skiddy De Vinci pour qu'il se décide à agir - à conclure avec Jobena afin de lui éviter, justement, une fugue aventureuse avec De Vinci. Basil bascule alors du côté obscur, passionné de l'action en n'hésitant pas à faire boire son rival afin de le détourner de ses plans, trinquant même avec lui au besoin et, ce faisant, se distançant des principes qu'il prône. L'action porte ses fruits... C'est alors que Basil tombe le masque, condition essentielle à une relation amoureuse saine, comme celle qui naît entre Jobena et Basil, qui promet à sa bien-aimée de ne plus boire d'alcool... avant l'âge plancher légal de 21 ans.

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 22:10

Encore un bon petit vin dégusté ce soir... le choix a été dicté par la préparation de pâtes bolognaise par mon épouse. Je me suis donc dit: "pourquoi ne pas trouver quelque chose d'italien, mais qui change du traditionnel chianti"? Et j'avoue avoir pioché au hasard en adoptant ce "Cappello di Prete 2004", un Negroamaro produit par Francesco Candido, viticulteur dans les Pouilles. Peut-être aurais-je fait un autre choix si je connaissais...

... non que le produit soit imbuvable, bien au contraire! L'étiquette confère au vin une parenté avec l'"Amarone", ce vin rouge doux, rare et précieux, qu'on produit en Italie et dont je ne suis guère amoureux. Et en effet, la dégustation confirme cette assertion. D'autres trouveront dans le "Chapeau de prêtre" le caractère doux d'une syrah - dont il a par ailleurs toutes les qualités. Certains peuvent trouver cela écoeurant, et je ne suis moi-même pas amoureux des syrahs, mais avec le "Cappello di Prete", Francesco Candido réussit un produit fort agréable à boire. Ceux qui dégustent d'abord avec l'oeil apprécieront par ailleurs sa robe, soutenue sans être noire - un véritable juste milieu.

Et que manger avec cela? Un tel vin a forcément une certaine présence. Je ne l'ai pas trouvé idéal comme compagnon de mes pâtes, et j'ignore ce que cela peut donner avec de l'agneau, de la venaison ou des grillades comme proposé par l'étiquette; mais après tout pourquoi pas un plateau de fromages? Certaines gommes pourraient, à mon avis, se montrer suffisamment discrètes pour donner au breuvage toute sa valeur... ou, a contrario, être mises en valeur par ce vin - peut-être pas le petit Jésus en culottes de velours, mais à coup sûr un joyeux compagnon.  

Un vin dont la douceur pourrait même évoquer de très loin, dans l'esprit de ceux qui servirent la messe dans leur enfance, le goût du "vin santo" qu'on utilise pour la messe...

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22 septembre 2008 1 22 /09 /septembre /2008 19:54

Au terme de la lecture de "Qui comme Ulysse" de Georges Flipo, on ne peut s'empêcher de penser qu'on vient de s'offrir quelques heures de vacances supplémentaires. Non pas, bien sûr, de ces vacances qui vous vident l'esprit au rythme d'un mauvais thriller; mais bien de celles qui vous offrent un trop court moment d'émotion, voire de réflexion. L'auteur fait part, dans ce recueil de 14 nouvelles "en partance", d'un goût sans complexe pour l'Amérique du Sud. Il serait faux de réduire cet ouvrage à des nouvelles de voyage: parfois, on ne s'en va pas très loin, si ce n'est en rêve, et si l'on part, ce n'est pas forcément pour une villégiature juilletiste ou aoûtiste bien méritée après des mois de labeur.

Le tourisme fait cependant l'objet de la nouvelle numéro 1 du recueil, "Nocturne", qui mérite qu'on s'y arrête afin de détecter quelques traits de l'auteur. Que celui-ci me pardonne si j'ose une comparaison avec Marcel Proust, mais son récit a quelques points communs avec "A la recherche du temps perdu", que je n'ai pu m'empêcher de relever.

Les Verdurin en Inde

Ce texte pose d'emblée une question commune et essentielle au tourisme, ce tourisme qui constitue le plus clair des voyages de bon nombre d'entre nous: chacun ou presque, surtout dans les classes cultivées, rechigne à être assimilé aux hordes de touristes qui se trimballent de monument en monument sans rien y comprendre, et contemplent la misère du monde. Une misère d'autant plus rassurante qu'elle est lointaine: Mantes-la-Jolie ou Villeurbane attirent moins de touristes que Bombay... ou Jalsamer, la ville indienne qui sert de décor au récit. L'éloignement est certes géographique, en effet, mais aussi culturel.

Les personnages? D'un côté, nous avons un trio constitué de Comité et de Dupont Monsieur et Madame. Ce sont les Verdurin de l'intrigue, inaptes à observer le pays visité autrement qu'à travers le quadrillage étriqué de leur grille d'analyse. Cette équipe de fins causeurs (hum! hum!) constitue, si l'on souhaite adopter une image platonicienne, ceux qui sont dans la caverne, y contemplent des ombres... et en sont fiers.

De l'autre, les indigènes souffrent pour le plaisir d'une poignée de nantis (numéros de fakir réalisés par une fillette meurtrie dont on exploite la misère). Cela a de quoi énerver le guide le plus placide, lassé quand même de faire face sans cesse aux mêmes inepties.

Et entre deux, se trouve le narrateur, membre malgré lui de la horde de touristes - il le confesse au bon moment de l'histoire. Son malaise naît justement du fait qu'il se trouve entre deux eaux, entre la caverne et la connaissance intrinsèque, intime du pays visité - une manière de Swann, au fond, donné à l'étude mais non encore abouti. Il lui sera donné d'assister à quelques éléments exceptionnels (une danse en plein après-midi). Présent, un membre du personnel de son hôtel consentira à lui donner quelques explications. Mais au moment où la danse se fait la plus sacrée, le guide abandonne le voyageur pour apprécier lui-même le spectacle. Le narrateur n'aura donc jamais ce dernier morceau, celui qui touche au sacré, et restera planté là, sur le seuil du temple.

Le narrateur est-il, du reste, aussi peu soluble qu'on le dit dans la horde de touristes qui l'entoure? On peut en douter. Certes, son approche du monde indien est plus respectueuse, moins tonitruante. Mais lui-même est tenté de rapprocher ce qu'il entend (les quinze notes de la sitar qui accompagnent la danse à laquelle il assiste seul avec le serveur) de ce qu'il connaît (un nocturne de Chopin). Si géniale que soit la référence, et même si celle-ci ne fait pas partie du référentiel de Comité et de Dupont Madame et Monsieur, fonctionne comme un filtre.

Sylvain Vasseur au féminin?

Pour se consoler, notre narrateur dégustera mille thés. Sans madeleine... celle-ci pouvant plutôt illustrer "Les sources froides", nouvelle où une Argentine, Minga, peintre exilée à Paris, vient assister à une exposition organisée par son père, peintre argentin de renommée locale, actif à Corrientes. Minga mettra du temps à retrouver tout le goût de son enfance: "Le macadam avait recouvert son enfance", écrit l'auteur. Un macadam qu'il faut savoir briser... Seul un accident de son père permettra à Minga d'y parvenir, en l'obligeant à gardienner l'exposition, donc à s'intégrer à l'activité locale.

Deux artistes donc. Le père, quasi autodidacte, peintre figuratif, parle de leur pays aux locaux, et utilise leur langage, hors de tout académisme. L'auteur l'oppose à Minga, qui a étudié aux Beaux-Arts à Paris, dont les oeuvres sont sans doute complexes, qui connaît la tristesse des galeries désertes alors que son père fait le plein chaque jour.

Ne pourrait-on y voir, finalement, l'opposition déjà campée par l'auteur dans "Le Vertige des Auteurs", l'humour vachard en moins? Cet ouvrage, un roman, met en scène Sylvain Vasseur, un auteur désireux de devenir écrivain, qui multiplie les efforts malheureux et biscornus pour conquérir la forteresse éditoriale parisienne, ne sera jamais vraiment lu et s'enferrera. On peut y reconnaître Minga, cette peintre quasi anonyme dans le panier de crabes artistique parisien. Face à Vasseur, l'auteur avait placé son épouse, qui trouve le moyen d'entrer dans les livres pratiquement sans le vouloir, simplement en étant elle - n'est-ce pas ce que le père de Minga fait lorsqu'il crée une toile, dans la simplicité d'un art sans afféterie?

L'auteur, on le constate, réfléchit également sur son propre art. Féru d'Amérique latine, l'homme rechigne à offrir à ses nouvelles des chutes à la manière d'une Emmanuelle Urien. Ses textes s'éteignent souvent dans le calme, calme de la mort parfois, et laissent le lecteur rêver dans des conclusions souvent ouvertes. Une bonne nouvelle a-t-elle besoin d'une bonne chute? Avec talent, Georges Flipo démontre que non.

Georges Flipo, Qui comme Ulysse, Paris, Anne Carrière, 2008.   
 

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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 16:46

Philippe Néricault DestouchesIl y a un petit mouvement d'humeur que j'ai envie de commettre depuis un certain temps, au sujet de ce qu'a dit un jour un certain Philippe Néricault-Destouches: "La critique est aisée, mais l'art est difficile." Souvent, je me suis demandé si ce n'était pas, dans une certaine mesure, le contraire qui serait vrai - et quelques expériences réalisées dans le domaine m'ont donné à réfléchir.

On admettra volontiers qu'à l'époque de Destouches, l'artiste était coincé, dans son activité créatrice, par de nombreux impératifs liés à une censure omniprésente. Pour l'artiste, le fin du fin consistait régulièrement à trouver des chemins de traverse pour faire passer le message de manière non frontale, mais de manière à ce que le public comprenne... Cela, sans oublier, bien sûr, l'exercice d'un métier fortement codifié: au dix-huitième siècle, personne n'a encore fait exploser les formes les plus classiques, comme le feront plus tard les romantiques en prônant mélanges des genres et autres spécialités.

Mais aujourd'hui, certains artistes n'hésitent pas à revendiquer une liberté absolue. La poésie libérée (de quoi?) est trop souvent confondue avec un alignement quasi aphasique de mots sans rythme perceptible, ou de phrases avec renvois à la ligne aléatoires pour "figurer des vers". Lors d'un symposium organisé à Berne au sujet des limites du représentable il y a quelques années, une peintre locale se demandait pourquoi ce qui est permis à un médecin ne le serait pas à un artiste, et brandissait haut et fort sa liberté absolue, article 21 de la Constitution à l'appui,... oubliant fort opportunément que les libertés fondamentales peuvent être limitées à certaines conditions (art. 36). Il faut dire que le symposium avait pour origine une "installation" mettant en scène une mouette avec une tête de bébé humain... Jusqu'où peut-on aller? On peut aller partout, diront certains, sans hésiter.

Face à eux, le travail du critique n'est pas forcément évident. Certes, il est facile de torcher une critique assassine d'un film lorsqu'on sait que le réalisateur, surbooké à Hollywood, ne la lira jamais - quoique, vu le travail de fourmi que font les argus et les attachés de presse en épluchant les médias. Mais qu'en est-il du travail de proximité? Une proximité accentuée par le phénomène de l'Internet, qui permet à chacun d'accéder à tout, ou presque. En écrivant que telle ou telle oeuvre relève du génie ou de la bouse, le critique n'a rien dit. Dans le second cas, il blessera inutilement l'auteur de ladite bouse, ainsi que ceux qui ont su l'apprécier mieux que lui. Vue comme cela, la critique est facile... mais ce n'est pas de la critique. Destouches aura peut-être été victime d'un tel torchon assassin; si ce'st le cas, que l'auteur du torchon brûle en enfer!

Celle-ci doit adopter également un travail d'argumentation basé sur des faits que tout un chacun peut constater dans l'oeuvre - de nombreux vers boiteux dans un poème classique, par exemple, dénoteront un travail négligé. L'argumentation sera du reste d'autant plus bétonnée que le critique souhaite émettre des réserves. Rien ne sert, par ailleurs, d'attaquer frontalement une création déplaisante - si ce n'est à s'attirer des lettres de lecteurs haineuses, ce qui ne devrait pas être le but de l'exercice. Le critique n'a pas aimé tel ou tel concert donné par une société locale? Plutôt que d'aborder le caractère affligeant de la musique, il parlera des costumes. Les costumes sont communs? Il changera encore d'angle, parlant du cadre, du public, etc. Ou alors, il donnera un tour positif à ce qui, a priori, peut paraître négatif: plutôt que de parler, au sujet d'un concert, d'une "scie mille fois entendue", pourquoi ne pas évoquer "le choix de valeurs sûres et intemporelles"?

Cela sans compter, enfin, que le critique donne une visibilité, et non des moindres, à l'artiste - qui ajoutera toute critique favorable à son press book, et se mettra même à exiger des "critiques positives". Au rédacteur de faire son travail en conscience, en esquivant les pièges... au fond, la critique, c'est un art!

Illustration: Destouches/source: Wikipedia.
L'affaire dite du "bébé mouette" a été lancée par un blog (très) conservateur suisse, le Bureau audiovisuel francophone, qui a interrompu ses activités. Le symposium a été entièrement transcrit, ici: http://www.freiheitderkunst.ch/files/Ruan_podium_transcript%20.doc (en allemand)
Constitution suisse, pour ceux que cela amuse:
http://www.admin.ch/ch/f/rs/101/index.html

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