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21 octobre 2008 2 21 /10 /octobre /2008 19:19

"Ecrivain de la rupture", a-t-on dit de J. M. G. Le Clézio au moment où lui était décerné le Prix Nobel de littérature, il y a de cela quelques jours à peine. Rupture? Je ne l'ai guère perçue en lisant "Ourania", l'un de ses derniers romans, paru en 2006. J'ai plutôt trouvé là un roman de solide facture, qui fonctionne bien et a le courage d'aborder de grands thèmes tels que la Terre et son destin, la protection de l'environnement, les modes de vie alternatifs, le savoir humain le plus ancestral et sa transmission. Un courage revendiqué par peu d'auteurs aujourd'hui, trop souvent concentrés qu'ils sont sur les petites choses du quotidien. Sur ce coup-ci, Le Clézio parvient, par instants, à se montrer exaltant.

L'intrigue est assez simple à résumer: le narrateur, Daniel Sillitoe, est pédologue - donc spécialiste des sols. S'affranchissant de sa mission, il choisit de s'arrêter à Campos, une communauté de vie particulière et alternative dont les règles sont définies dans les dernières pages du livre, en annexe. Il assiste à son déclin.

Pédologue, donc, intéressé par la terre que nous avons sous nos pieds. A travers ses yeux, le lecteur découvre les sols du Mexique, riches, sur lesquels poussent les fraisiers les plus divers. Le nom de la communauté de Campos renvoie également aux champs ou aux plaines, et c'est dans ce coin-là également que Daniel Sillitoe prononcera une conférence sur la terre - un moment d'écologie exaltée qui n'est peut-être pas le plus fort de l'ouvrage, puisque l'auteur se contente ainsi de faire parler son personnage. "Ecologisme de boy-scout", aurait dit un critique; s'il ne s'agissait que de ces pages précises, je ne le contredirais pas.

Mais l'auteur sait se montrer plus profond que le ton de certaines rengaines écologistes en rattachant la Terre au Ciel - comme cela doit être, comme deux êtres indissociables. Evocateur du ciel, le titre du roman, "Ourania", annonce déjà la couleur. Et face à lui, Daniel Sillitoe va trouver Raphaël, jeune homme original et évanescent, qui a scarifié une constellation sur sa peau. Vrai ou faux personnage? Daniel se le demande au terme du chapitre 2, où Raphaël disparaît brusquement à la sortie du car. A ce moment, le narrateur aura d'ores et déjà entendu une part intrigante de l'histoire de Campos; le lecteur va se demander si tout cela existe. Raphaël l'interpelle du reste: "Inventé ou vrai, pour nous à campos, ça veut dire la même chose."

Et le ciel paraît bien pérenne face à Campos, communauté de la Terre, entreprise humaine, qui finit par péricliter, rongé par des querelles intestines. La communauté est en effet dirigée par un encyclopédiste chargé de recueillir le savoir ancestral de la région. Sa manière de travailler, son manque supposé de résultats, sont contestés. La communauté tente de se transplanter ailleurs, sur une île au large du Belize, en un lieu sans menaces. Mais la tentative sera vouée à l'échec, faute de moyens. Reste que Le Clézio introduit ici, de manière marginale, l'élément aquatique... et ressort avec intelligence l'image immémoriale de l'île comme lieu isolé (justement!) où tout semble possible, loin des misères du continent. Là encore, le doute subsiste: "Je ne sais pas si cette île existe", peut-on lire...

Et si c'était au fond de soi qu'elle se trouvait, cette île, ce pays rêvé et pérenne, voire au fond de son enfance? C'est alors que le premier chapitre du roman, mettant en scène le narrateur enfant, prendrait tout son sens: on y voit le petit Daniel Sillitoe se créer un pays à son image. Son nom? Ourania. Et comme par hasard, il s'en souvient au moment d'écrire son témoignage...

J. M. G. Le Clézio, Ourania, Paris, Gallimard, 2006/Folio, 2007.

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14 octobre 2008 2 14 /10 /octobre /2008 22:11

Chers antifascistes autoproclamés,

L'histoire l'a démontré plus souvent qu'à son tour, les meilleures causes revêtent souvent les habits les plus abominables. Vous en avez fait la triste preuve une fois de plus le week-end dernier, en démolissant le bar "Elvis et moi", établissement qui, en organisant régulièrement des concerts, contribue à sa manière à l'animation de Fribourg, petite ville de Suisse romande dont le dynamisme a su en étonner plus d'un.

On dit que vous êtes d'extrême-gauche, et que vous avez voulu, de la sorte, faire taire l'ensemble "Camerata Mediolanense", un groupe de musique gothique qu'on classe volontiers à droite, coaché par l'agent "Soleil Noir", qui utilise des symboles peu orthodoxes (le soleil noir, justement) pour sa promotion. Horreur, malheur? Tout le monde, dans cette affaire, vous dira que si, aux heures sombres, un certain parti a récupéré un symbole ancestral pour sa gloire, l'agent actuel ne saurait en être entièrement responsable. L'organisateur du concert se dit apolitique; pourquoi ne pas l'écouter, plutôt que de le juger a priori? Suite à votre démolition du bar "Elvis et moi", "Soleil noir" a décidé de cesser toute activité, tant est stigmatisante l'étiquette national-socialiste qu'on veut lui coller depuis environ 72 heures. Et quand bien même cela serait, le fait qu'il soit du bord opposé au vôtre vous autorise-t-il à agir de la sorte?

Vous avez donc détruit l'outil de travail d'un jeune agent artistique non conformiste, soit. Mais là n'est pas le plus grave. Vous vous êtes attaqué à un bar que je fréquente peu - je l'avoue - mais qui a tout l'air d'être sympathique et, surtout, profondément original. Qui, de nos jours où règnent la sobriété et la ligne droite et froide, oserait accueillir ses hôtes dans un univers où des Bambi en plastique côtoient un piano déglingué, le tout sous un éclairage aux couleurs vives? "Elvis et moi" avait trouvé sa clientèle, constituée sur les cendres du fameux bar "Le Passage Interdit", qui occupait les lieux avant que n'arrive Valentine Jaquier, la nouvelle tenancière. Une tenancière qui, pour donner un cachet à son nouvel établissement, n'avait pas hésité à exposer ses propres objets de collection.

- Et justement, avez-vous pensé à elle? D'après ce que relate la presse, vous l'avez mise dans le même sac que ceux que vous abominez. Elle vous répond par une question, une seule: "Who Killed Bambi?". Cette question, le groupe punk Sex Pistols la pose depuis plus de vingt ans. Et la tenancière vous répond en ouvrant son bar moins de 72 heures après vos actes. Preuve d'un courage qui vous fait cruellement défaut.

Ces actes, justement, vous les justifiez sans doute au nom d'une "action citoyenne" visant à nettoyer au lance-flammes les fascistes de tout poil. Pas besoin d'être grand clerc pour deviner que sur ce coup-ci, vos méthodes étaient celles mêmes des groupuscules violents que vous dénoncez. Certains vous ont comparé aux SA, forces d'intervention brutales du NSDAP; je crains qu'il ne faille vous classer plus bas encore, puisque vous vous attaquez à une personne qui ne vous a rien demandé, ni rien pris, et dont le seul tort est de s'efforcer de gagner honnêtement leur vie. Et franchement, trente antifascistes menant un assaut rapide contre une propriétaire de bar et moins d'une demi-douzaine de musiciens, est-ce là une preuve de courage? Auriez-vous osé intervenir de la sorte face à un service d'ordre solidement organisé? Qui, parmi vous, aurait fait le déplacement pour manifester contre les opposants aux minarets de Cologne? Peu de gens: là, y'avait les flics...

Votre réaction n'est pas celle de démocrates avisés. Pour faire passer leurs idées, les démocrates s'assurent d'une majorité avant d'intervenir par le biais du vote; vous, vous démolissez un bar - bel effort! Elle n'est même pas le fait d'adultes responsables de leurs actes - peut-être, les circonstances aidant, n'aurez-vous même pas à répondre des vitres cassées et des valeurs sentimentales brisées face à un tribunal. A ce titre, tout ce que vous méritez, c'est une bonne fessée. Malheureusement, le code pénal ne prévoit pas cette peine...

Depuis le week-end dernier, nous sommes tous des Elvis. Tous avec "moi" - c'est-à-dire Valentine Jaquier. A qui nous souhaitons bon vent et bon courage.

Coup de colère et coup de coeur, en réaction à une opération coup-de-poing d'un groupuscule antifasciste organisée dans le bar "Elvis et moi", à Fribourg.

Le site du bar:
http://www.elvis-et-moi.ch
L'article de la Tribune de Genève: http://www.tdg.ch/actu/suisse/2008/10/13/vraix-casseurs-faux-neo-nazis-retour-saccage
Le point de vue d'Indymedia: http://switzerland.indymedia.org/fr/2008/10/63612.shtml
Le site de Soleil noir: http://www.soleilnoir.ch (fermé)
Le site du groupe italien qui aurait dû se produire ce soir-là:
http://web.tiscali.it/cameratamediolanense/

Photo: site du bar.

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13 octobre 2008 1 13 /10 /octobre /2008 20:29

piccolo cinema onirico par confusedvisionJ'ai reçu récemment un "tag" portant sur ma vision de l'Europe en 2020... il s'agit d'une question difficile, lancée par Thaïs - qui n'imaginait sans doute pas jusqu'où irait son idée. Un tag, avez-vous dit? Cela doit permettre de nourrir un papier - et là, comme je l'ai déjà dit çà et là, celui-ci pourrait nourrir un blog entier - d'après ce que j'ai cru comprendre, c'est même le fonds de commerce du blog de Valéry Giscard d'Estaing, pour n'en citer qu'un. Fort de ce constat, je crois que je vais ouvrir une nouvelle rubrique, consacrée à des points de vue sur l'actualité politique. Je n'ai jamais souhaité le faire de manière franche et ouverte jusqu'à présent, étant peu désireux de me créer des inimitiés (je peux être assez carré) ou d'attirer des indésirables. Mais qu'on se rassure: je m'efforcerai d'aborder les choses d'une manière personnelle - à prendre parfois "cum grano salis".

Allez, je commence...

J'ai déjà eu l'occasion de parler, en ces colonnes, du rire et de ses effets bienfaisants. Une bonne tranche de rigolade, ça fait du bien, n'est-ce pas? La science a déjà pu constater que si Bébé rit plus de 400 fois par jour, nous autres adultes devons nous contenter de 17 fois. Autant dire que l'humour au bureau, c'est une arme... pour ne pas dire une médecine! Des ouvrages entiers ont du reste été consacrés à la question, et si des clowns arpentes les hôpitaux sous l'appellation "Théodora", ce n'est pas pour rien. Certains, enfin, diront que c'est aussi bon qu'un orgasme; mais je ne m'étendrai pas là-dessus...

Fort de ce constat, je me pose une question: pourquoi les tickets d'entrée aux comédies de cinéma ne sont-ils pas remboursés par la Sécurité sociale ou par toute institution d'assurance contre les maladies, alors que ça fait du bien avant qu'il ne soit trop tard? Certains diront que les soins préventifs ne sont pas prévus par de telles assurances. On leur répondra que la prévention est le meilleur des remèdes; certaines activités exercées à titre préventif sont du reste couvertes par les assurances, ou bénéficient d'aides diverses.

Imaginons à présent que toute vision du "Corniaud" ou des "Visiteurs" en salle de cinéma soit remboursée par la Sécu. Naturellement, les bienfaits d'une bonne tranche de rigolade ne tarderont pas à se faire sentir sur les spectateurs, qui quitteront les salles, la rate épanouie, après un moment d'oubli des soucis du quotidien. Cela signifie moins de dépressions, moins de maladies bizarres dont on ne sait pas (encore) le nom... donc l'assuré, le client, vous, nous! en trouverons mieux.

Mais l'enjeu dépasse notre simple bien-être - et c'est là que l'égoïsme de chacun profite à l'ensemble du système (qui a parlé de main invisible?). En effet, si l'on rembourse les entrées aux comédies de cinéma, cela profitera également aux exploitants de salles. Un baume sur le coeur d'une profession rudement concurrencée par la télévision. Rembourser la télé? me demanderez-vous au passage. Que nenni: un rire collectif est encore plus libérateur que la petite rigolade convenue qu'on a face à son petit écran et à son petit plateau repas... Plus sérieusement, cela donnerait une bouffée d'oxygène aux exploitants de salles - qui ne seraient plus, du coup, obligés de vendre du pop-corn et du coca-cola à la pause pour subventionner... la projection de films. Et plus on est de fous dans la salle, plus on rit, c'est bien connu.

Bien évidemment, si les comédies font des entrées, cela profite aux artisans et aux industriels du genre. Les héritiers de Louis de Funès trouveront là un succès qui dépasse la simple estime, et pourront même vivre de manière autonome, sans attendre d'autre aide étatique. Quelle aide pour toute une catégorie professionnelle! Et quelle reconnaissance pour cet acte génial et méprisé qui consiste à faire rire.

On me dira que le remboursement des films comiques créerait une inégalité de traitement avec les pièces de théâtre. Que Molière se rassure: on pourra y penser dans le cadre d'une assurance complémentaire; mais qu'il n'oublie pas que souvent, les pièces de théâtre sont d'ores et déjà subventionnées par d'autres canaux - ce qui n'empêche pas, je l'admets, que le théâtre soit un divertissement plus onéreux que le cinéma. Une solution doit donc être trouvée... dans un second temps.

Alors, qu'est-ce qu'on attend? "Les Visiteurs" à la Sécu! Remboursez les comédies! 

Photo: flickr.com/confusedvision 

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12 octobre 2008 7 12 /10 /octobre /2008 20:47

... mais aussi aux gros lecteurs...

J'ai reçu hier l'information suivante: les éditions Xenia, basées à Vevey, s'apprêtent à publier, ce mois encore, les écrits complets de Theodore John Kaczynski, plus connu sous le nom d'Unabomber, bête noire de la CIA de 1979 à 1996 en raison de son combat radical pour l'écologie. Mathématicien brillant, il bascule dans l'action concrète et violente (voire homicide) après avoir dénoncé, dès l'âge de 20 ans, les dérives de la technologie. Sa spécialité serait le colis piégé.

N'ayant pas trouvé d'éditeur pour ses oeuvres en Amérique, il a mandaté un correspondant français de lui trouver un éditeur en Europe. Et c'est sur Xenia que le choix est tombé. Après plusieurs versions françaises non autorisées de certains de ses textes, Xenia ambitionne à présent de proposer au lectorat un texte définitif et approuvé par l'auteur.

D'après la présentation de l'éditeur, les essais, lettres, etc. recueillis au fil des 400 pages de ce volume à paraître sont aujourd'hui encore d'une étrange actualité. Bonne cause, mauvais moyens? Gageons que cette publication fera débat, conformément à l'idée directrice des éditions Xenia: "Osez lire ce que nous osons publier."

Theodore J. Kaczynski, L'effondrement du système technologique, Vevey, Xenia, 2008, 440 p.

Pour connaître tous les détails:
http://www.unabomberbook.com/

Iconographie: portrait-robot d'Unabomber.
Source: 
hacks.mit.edu/by_year/1996/unabomber/.

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10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 20:52

... un regret que je suis en train de réparer. Ce nom me poursuit en effet depuis les années 1988/89. Et cela me permettra de vous parler des débuts de Lecteur Compulsif pas si Anonyme que ça. OK, j'y vais.

Mon aveu majeur est donc que les circonstances ont fait qu'à ce jour, je n'ai rien lu de celui qui a décroché hier un prix Nobel sans doute mérité. Pourtant, son nom occupe, depuis les années mentionnées plus haut, une petite place dans ma mémoire. Rappelons les faits: l'enseignant Jacques Boschung (auquel je rends ici hommage - Marie-Christine Buffat, si tu passes par là, tu le connais également!) a été mon professeur de français au cours des années 1988/89, qui ont été ma dernière saison à l'école obligatoire.

L'homme a mis à la disposition de ses élèves une bibliothèque de pas moins de 427 livres, et instauré un système de prêts où l'un des élèves jouait le rôle de bibliothécaire, gérant cette masse de volumes d'hier et d'aujourd'hui. Avant cela, je lisais peu, et souvent les mêmes choses; cette offre, plus le défi consistant à battre le records de lectures en une année et la lecture, par l'enseignant, de textes choisis (en particulier tirés des Exercices de style de Queneau) m'ont décidé à me lancer, moi aussi, dans la carrière exaltante et exigeante de lecteur en série. Ce qui, au début, a constitué un défi quantitatif a finalement débouché sur un plaisir réel et permanent, voire sur une passion - celle du livre. Celui qu'on lit, celui qu'on écrit.

Or, il se trouve que cet enseignant nous avait fait une dictée tirée de "Mondo" de J. M. G. Le Clézio. L'homme n'avait pas su nous dire avec certitude ce que signifiait le "G" de ses initiales; mais il nous a montré la couverture du livre, rappelant qu'il se trouvait dans les 427 ouvrages de son stock. Sur le moment, j'ai noté la référence, sans pour autant me ruer sur l'ouvrage - ce, d'autant plus que l'expérience m'avait démontré que les livres dont le professeur faisait une publicité appuyée partaient vite dans les mains d'autres lecteurs. Et ensuite, l'eau a coulé, Le Clézio est resté dans ma mémoire, et c'est tout. Pour de tels écrivains, on devrait créer une nouvelle abréviation: MAL (mémoire à lire), consacrant les auteurs "dont on a entendu parler, et qu'on se dit qu'on lira un jour, sans jamais se décider à passer à l'acte".

Et hier, annonce fracassante (mais non, pas tant que ça, les lecteurs du Figaro l'ont senti venir gros comme une maison!): les Suédois du Prix Nobel ont décidé de lui décerner leur prix. L'homme entre donc dans l'histoire de la littérature mondiale... et cela m'a décidé à ouvrir "Ourania", qui se trouvait depuis le début de l'année dans ma PAL (comme quoi je ne l'avais pas totalement oublié, le bonhomme...). Je lis, ça a l'air bien et riche, sous des dehors très naturels; je vous raconterai.

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9 octobre 2008 4 09 /10 /octobre /2008 20:50

Les aventures du vin suisse de Champagne se poursuivent. J'ai eu l'occasion, il y a quelques mois, d'évoquer ce petit vin blanc qui se bat vaillamment, tel Astérix, contre la grande Champagne française, qui produit du vin mousseux et a fait en sorte que le nom du village suisse n'apparaisse plus sur les bouteilles de blanc qui en sortent. Aux dernières informations, les vins produits dans cette localité s'étaient rebaptisés "Libre Champ" en 2004, ce qui leur a coûté cher en termes de ventes: cette nouvelle appellation ne dit rien à personne.

Et ce soir, recherchant quelque bon blanc pour accompagner la fondue au fromage moitié-moitié qui, c'est connu, crée la bonne humeur depuis les années 1930, je tombe sur une étiquette assez curieuse puisqu'elle arbore l'appellation "C-AMPAGNE" - tout cela, dans les vins vaudois. A la première seconde, je me dis: "C'est quoi, ce vin campagnard? Une curiosité?"... et à la seconde, je comprens qu'il s'agit d'un nouvel avatar du "Champagne" suisse, vin blanc sec de Bonvillars, près de Grandson, issu d'un petit village dont le nom de Champagne est attesté depuis bien plus longtemps que la naissance de Dom Pérignon.

A l'arrière de la bouteille (si j'ose ainsi dire), l'étiquette explicative ne se disperse pas en conseils d'accompagnement et de température: on sait qu'un chasselas se boit frais, si possible sous la tonnelle, sinon avec des plats au fromage ou des filets de perche! Les vignerons de Champagne préfèrent y présenter leur combat. Je ne peux que les citer in extenso:

"Depuis plus de 800 ans, ce village existe. Ce Chasselas vaudois de Champagne près de Grand son, dérange la grande et puissante Champagne française qui, au travers des accords bilatéraux, en a fait interdire la commercialisation. Les vignerons de Champagne, en se défendant devant le Justice européenne, dénoncent avec force et courage, la privation de liberté et d'identié qu'on cherche à leur imposer. En achetant cette bouteille, vous les soutenez."

Une telle bouteille a même été remise à Doris Leuthard, ministre suisse de l'économie. Bref, en clair, "buvez engagé!"

Et boire engagé, est-ce que ça en vaut la peine? En l'occurrence, ma réponse sera affirmative. Indépendamment du différend entre Champagne et Champagne, en effet, force est de constater que le chasselas de Bonvillars vaut le détour. On dit que le chasselas, en tant que cépage, n'apporte pas beaucoup de goût au vin; reste que les vignerons de Champagne ont su en tirer tout son caractère - sans doute avec la complicité des sols, comme c'est le cas en Valais. Au final, nous avons affaire ici à un vin fruité, avec de petites notes salées et un goût ferrugineux qui reste longtemps en bouche. Du caractère, quoi, et ce côté franc, un peu rentre-dedans et haut en couleur qu'on peut trouver dans les vins les plus séduisants du canton de Vaud.

Qui a dit que cela avait quelque chose à voir avec les produits des barons d'Epernay?


Post-scriptum: Bonvillars produit également un vin mousseux. Par respect pour l'illustre appellation française, celui-ci est commercialisé sous le nom de ... Bonvillars Brut!

Pour boire engagé, vous aussi: http://www.cavedebonvillars.ch/

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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 20:37

S'il fallait citer un auteur prolifique en 2008, sans doute mentionnerais-je Olivier Mathieu, dit Robert Pioche. Avec « Le Pauvre Cœur », il fait paraître en effet son troisième volume pour l'année 2008, déjà marquée par la sortie des « Pommes Bleues » et du « Passage à niveau ». «Le Pauvre Cœur» a pu être publié grâce à la complicité des éditions des Petits Bonheurs, tenues par le sociologue nantais Jean-Pierre Fleury. Il met en scène Minnie Bibble, personnage si l'on veut secondaire dans l'œuvre de Francis Scott Fitzgerald (si l'on veut, parce que Minnie Bibble fut le premier amour de Fitzgerald), mais qui a ému son auteur. La preuve ? Olivier Mathieu le met en scène, face à son double littéraire, Robert Pioche.

« Le Passage à niveau » et « Le Pauvre Cœur » sont, en apparence, deux œuvres antinomiques de l'auteur. « Le Passage à niveau » constitue en effet l'un des opus du cycle des aventures de Robert Pioche, répondant à une promesse d'enfance. A ce titre, il laisse forcément une certaine part à la narration et au factuel. « Le Pauvre Cœur », bref texte éminemment poétique, semble quant à lui s'en distancer, et se rapprocher de l'ouvrage « Les Pommes Bleues », délibérément en marge du cycle. Mais tout cela est naturellement un peu plus compliqué que cela.

Certes, « Le Pauvre Cœur » est à mille lieues des ouvrages marquants du cycle des aventures de Robert Pioche, au rang desquels on nommera les derniers épisodes : « La Quarantaine » ou « Les drapeaux sont éteints », sans oublier « Une nuit d'été ». Ceux-ci ont certes une part non négligeable de poésie et de jeu de sonorités, qui sont la marque de fabrique de l'auteur ; mais dans les opus « Les Pommes Bleues », et plus encore dans « Le Pauvre Cœur », c'est bien la poésie qui prend le devant de la scène, alors qu'elle cède le terrain au narratif dans les épisodes du Cycle. « Le Pauvre Cœur », c'est cent pour cent de musique, à telle enseigne que l'histoire en devient secondaire, pour ne pas dire inutile : plutôt que de se demander ce qui se passe, le lecteur privilégiera la saveur de la musique des mots, une musique volontiers incantatoire jouant sur les rimes intérieures, les jeux de mots et les rapprochements inédits. Peut-être se surprendra-t-il à lire à haute voix...

Reste cependant la présence du personnage de Robert Pioche, double littéraire d'Olivier Mathieu comme on le sait, que ce dernier présente en quelque sorte à Minnie Bibble, personnage récurrent des nouvelles Francis Scott Fitzgerald. Robert Pioche endosse quant à lui, dans ce récit, le rôle du double d'Errol Flynn. Jusqu'où, donc, le songe peut-il aller ? Certes en marge du cycle proprement dit, « Le Pauvre Cœur » s'y intègre en fait pleinement, du fait de ses personnages - et aussi des thèmes qu'ils représentent.

Errol Flynn, Francis Scott Fitzgerald et Robert Pioche, en effet, ont un point commun du point de vue d'Olivier Mathieu : celui d'être des ratés magnifiques, à l'instar de Lepaige d'Orsenne, ancêtre «mythique» d'Olivier Mathieu, qui a combattu dans le camp du « Dernier Carré » des vaincus à Waterloo, auxquels l'auteur voue une sympathie toute particulière. Le lecteur intéressé se référera avec profit, du reste, à l'essai/préface « Réflexion sur les ratés » qu'Olivier Mathieu a rédigé pour un recueil (à paraître) de poésies d'Emile Boissier. Du fait du jeu entre Olivier Mathieu et Robert Pioche, son alter ego littéraire, l'auteur se hisse au rang des grands ratés de l'histoire ; et du fait de sa simple présence dans «Le Pauvre Cœur», le personnage Robert Pioche rattache cette « féerie littéraire » au cycle de ses aventures, à la manière d'un épisode onirique intercalaire entre deux volumes en prise avec le réel.

 

Olivier Mathieu, Le Pauvre Cœur, Nantes, Les Petits Bonheurs (éditeur: Jean-Pierre Fleury), 2008, 24 p. Photos artistiques de l'auteur.

 

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7 octobre 2008 2 07 /10 /octobre /2008 22:06

i_love_your_blog... une annonce qui fait plaisir, alors qu'Over-Blog vient de changer son système de décompte des visites: compter les robots en plus des visites effectives de personnes en chair et en os (merci à vous, d'ailleurs!), ça gonfle artificiellement les statistiques, mais ça flatte également l'ego...

Alors, qui a déclaré sa flamme à mon blog? Deux fans s'y sont risquées:

Liliba des
Lectures de Liliba

et

Roxane de
DévoreLivre

Avant tout, je les remercie pour ce clin d'oeil qui me va droit au coeur! C'est aussi un encouragement à poursuivre. Et à présent, voici les règles de cet exercice - que je publie à l'attention de ceux qui devront, à leur tour, déclarer leur flamme à une couple de blogs: 

Les règles du jeu sont simples. Il suffit :

- de mettre le logo et les règles sur votre blog.
- de mettre le lien de la personne qui vous a attribué ce prix.
- de désigner 7 de vos blogs préférés.
- de les prévenir que vous leur avez attribué ce prix !


Sur ce, à mon tour d'attribuer mes Oscars... aux blogs suivants: 

1.
Café Book, qui m'a rappelé l'existence d'un homme qui porte complet blanc et écrit bien... nommé Tom Wolfe. 
2. 
Delphine Kilhoffer... traductrice, correctrice, chasseuse de mots clés surréalistes... finalement plein de choses que je pratique aussi! Et ça devrait doper un peu la fréquentation de son blog littéraire.
3.
Le Meilleur des mondes, pour la diversité des sujets approchés.
4.
Quichottine, pour sa passion communicative du livre.
5.
Mary Poppins, pour l'encourager à poursuivre dans son blog, fort divers et agréable.
6.
Valéry Giscard d'Estaing, parce qu'il faut bien un grand homme, et parce que je ne suis pas toujours (oh que non!) d'accord avec lui... C'est, à ma connaissance, le seul Académicien français à bloguer.
7.
Conjuration des livres... parce que le titre parle de lui-même, et promet mille lectures.  

Et une mention toute particulière à un blog supplémentaire, celui de
Thaïs, qui aurait bien aimé me taguer mais est arrivée après Liliba et Roxane... Bonne continuation! Cela vaut une nomination.

Alors... à votre tour de décerner! Bonne chance et félicitations.

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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 20:45

Vous avez dit "okosténie"? Que signifie ce mot aux allures russes, titre d'un roman de Nicole Caligaris, paru aux éditions Verticales l'an dernier? L'auteur laisse à l'auteur Miroslav Popovic le soin d'expliquer: en substance, il s'agit de la rigidification d'un prisonnier face à la torture, l'humain devenant comme un morceau d'os insensible. Et avec "Okosténie", Nicole Caligaris signe un beau roman, long et parfois difficile, sur la condition humaine dans des circonstances exceptionnelles qui la brisent.

Les deux premières parties de ce roman qui s'étend sur environ une saison se déroulent en vase clos, dans une pièce d'une villa où sont enfermés deux prisonniers, sans raison connue - le roman restera muet à ce sujet, du reste, de bout en bout. Les deux personnages n'ont pas de nom, à peine un visage, du moins au départ. Le comparse du narrateur se fait appeler "le 53", un numéro pour celui qui, dès le départ, prend les coups et subit la torture.

Face à eux, les tortionnaires ont encore moins de visage qu'eux. Qui sont-ils? Des franquistes, des nazis, des staliniens? Jusqu'au bout, le lecteur l'ignorera, devra se contenter d'un "ils" fort impersonnel. C'est là l'une des forces principales de ce roman: ne pas donner le moindre visage, la moindre possibilité d'identification à un mal présenté comme absolu, inhumain. Et c'est là qu'on touche à l'universel - un pas de plus que Philippe Claudel qui, dans "Le Rapport de Brodeck", donne encore des allusions suffisamment précises à son lecteur pour qu'il devine qui a inspiré le méchant de son roman - cela, même s'il ne nomme personne non plus.

Le 53 a une histoire, qui commence à émerger dans la troisième partie, permettant au lecteur (et à l'auteur!) de quitter le huis clos de la cellule. Quelle histoire? Le 53 est enseignant, il prend la fuite,... mais le doute est instillé d'entrée par le narrateur: perclus de souffrances, le 53 n'est plus à même de raconter une histoire intelligible, et n'est plus en mesure de jouer son rôle de transmetteur de bribes d'humanité. Vraie ou rêvée, alors, l'histoire? Tout cela pour rien? Le lecteur s'interroge également, et le narrateur ne se prive pas de le faire.

Ce rôle de transmetteur dérisoire d'une quelconque humanité est également endossé, dans l'histoire racontée par le 53, par Savoy, qui emporte dans sa fuite, au péril de sa vie, une caisse pleine d'enregistrements de chansons et de paroles anciennes, disparues même. Savoy est l'un des personnages d'une humanité certes hors de prison, mais elle aussi dérisoire, affublée tout au plus de surnoms ("Tingo", mendiant boiteux, ou l'improbable nom de la femme, "Bwho Min Tan Aruphapoi"), dont la vie ne vaut plus grand-chose. Le nom de "Savoy" renvoie du reste au nom de l'hôtel où les destinées se jouent au poker; c'est un nom d'hôtel des plus communs, qui équivaut à l'anonymat.

Et les instants de lumière, alors? Y en a-t-il dans ce monde de noirceur? Eux aussi sont fugaces et impalpables, mais ils éclairent le propos d'une lumière heureuse qui fait contraste - et ressemble en les transcendant et en leur donnant un sens, à ces plaisirs minuscules qu'on voit beaucoup depuis Philippe Delerm. Il s'agit des rayons de soleil, trop rares, qui pénètrent dans la cellule, et de l'odeur de la cigarette non consumée que le narrateur garde dans sa poche - et qui fait écho à la fumée des cigarettes que les geôliers fument derrière la porte. Quand on n'a plus rien, semble dire le narrateur, il n'en faut pas plus pour que votre coeur batte plus vite.

Le narrateur, du reste, prend volontiers à partie son lecteur, ce qui donne à ce roman l'allure d'un récit de souvenirs. Un récit cependant très soigneusement écrit, où quelques mots populaires ou grossiers viennent jouer le rôle de rugueuses aspérités. Les chapitres sont brefs, comme de courts éclats de conscience dans une vie inhumaine dont la dernière dignité est, en somme, d'écrire (ou de dire) et de le faire superbement.

Nicole Caligaris, Okosténie, Paris, Verticales, 2008.

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4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 21:49

"Sette anni in botti in cui è maturato lo sherry, danno al malto una morbidezza impareggiabile."
Armando Giovinetti.


Sept ans d'âge? Voilà quelque chose d'assez peu habituel pour un whisky. On trouve des whiskies de cinq ans d'âge, ou alors, dans les produits haut de gamme, des breuvages qui ont passé dix, douze ou quinze ans dans des fûts. Alors, pourquoi sept?

Voici toute l'histoire: le négociant italien Armando Giovinetti, spécialiste milanais des breuvages haut de gamme, s'est fixé pour objectif de faire découvrir le single malt whisky aux Italiens, il y a de cela un peu plus de dix ans. Pour ce faire, il a pris langue avec Macallan, un producteur de whiskies réputé, spécialisé dans le single malt. Pour ce faire, naturellement, pas question de transiger, en tout cas de son point de vue: alors que la plupart des produits de cette gamme vieillissent cinq ans dans les fûts, Armando Giovinetti commercialise un whisky qui a fait deux ans de plus en barrique, et fait savoir à son public cible que ce sont les deux ans de plus qui font toute la différence.

Galéjade ou véritable recherche de qualité? Pas question d'enfoncer le Macallan 7 ans d'âge! J'ai plutôt envie de le prendre pour ce qu'il est. Et si on pose l'équation comme cela, on se dit qu'il s'agit là d'un produit réussi, parfaitement apte à donner aux Italiens un aperçu de ce que peut être un très bon single malt.

J'ai en effet terminé ce soir la bouteille que j'avais dans mes placards... avec un certain bonheur, je dois l'avouer. A l'oeil, le Macallan 7 ans d'âge ne se distingue guère de ses confrères: il a une belle couleur orange, ambrée, sans qu'il y ait quoi que ce soit de remarquable de ce côté. Son bouquet, en revanche, révèle ses qualités de douceur: il a un parfum qui brûle agréablement les narines. Cet aspect agréable ne se dément pas au goût. On a là un produit homogène, onctueux, qui se boit avec plaisir, agréable sans déranger.

Qu'on ne croie pas qu'il s'agit là, pourtant, d'un whisky innocent, oublié sitôt bu! Le propre d'un single malt est d'avoir du caractère, et celui-ci n'en manque pas. En véritable abrégé des plaisirs et arômes que peut offrir un whisky single malt, il a son côté tourbeux, sans pour autant déborder de cette âcreté qui pourrait rebuter un débutant. Il est du reste possible que le choix de fûts ayant contenu du sherry avant de servir à la production de whisky fasse beaucoup pour le caractère doux qui est la marque de fabrique du Macallan - une marque qui n'est en aucun cas trahie par ce produit.

Le Macallan 7 ans d'âge est donc un excellent moyen d'entrer dans le monde des single malts, pour ceux qui ne sont pas encore familiers de ce genre de breuvage. Le taux d'alcool de ce breuvage (40°) devrait rassurer les plus inquiets. Dommage que ce produit n'ait été commercialisé qu'en Italie! Sans agresser, sans se vouloir trop typé, il offre toute la gamme de parfums et de goûts que peut offrir une telle boisson. A partir de là, on peut s'orienter, en se sentant averti, vers des whiskies exclusifs, plus tourbeux tels que le Lagavulin, ou plus doux, tels que le Dalwhinnie, surnommé "le whisky des dames". En ce sens, le Macallan 7 ans d'âge atteint son objectif sans trahir sa marque.

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