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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 19:22

hebergeur imageLu par Antigone, Blablablamia, Bouquinovore, Cathulu, Clara, Cunéipage, Des mots sur des pages, Emmanuel Gedouin, Fanny Bleichner, Jostein, Kathel, Ménagère trentenaire, Rana Toad, Saefiel, Serendipity, Sophie (qui tient le défi de la rentrée littéraire, auquel ce livre s'intègre).

 

Dudek, ça veut dire "vingt" en espéranto. Sachant cela, ça fait un certain temps que j'avais repéré Arnaud Dudek, cet écrivain qui, par son nom de famille, m'a fait penser à ma tentative d'apprendre cette langue universelle, il y a vingt ans de cela. Mieux que de l'innovation linguistique de Ludwig Zamenhof, je me souviens des deux fort bonnes nouvelles qu'Arnaud Dudek a publiées naguère aux éditions du Fil à plomb. Je me souviens aussi, mais c'est plus gênant puisque je ne l'ai pas encore lu, d'un de ses ouvrages, reçu en pdf... Du coup, lorsque Babelio s'est présenté avec "Les Fuyants" pour un nouveau partenariat "Masse critique" (merci à ce site et aux éditions Alma pour l'envoi!), je l'ai choisi. Histoire de découvrir enfin l'Arnaud Dudek romancier, après avoir fait connaissance de l'Arnaud Dudek nouvelliste.

 

"Les Fuyants" est donc un roman sur la fuite. D'emblée, l'auteur évoque la fuite suprême, à travers le suicide de David Hintel: autant frapper fort dès le début. Comme c'est une affaire de famille, ce roman met avant tout en scène quatre personnages, tous masculins, qui donnent l'impression de fuir quelque chose: un jeune homme s'évade dans les jeux vidéo et le hacking, un homme d'âge mûr cherche à échapper à la responsabilité amoureuse. Enfin, le sport n'est-il pas une forme d'évasion? Dès lors, ce personnage de marcheur de fond paraît lui aussi fuir quelque chose, au rythme de foulées conformes au règlement. A croire que les hommes sont lâches, entre autres face à des femmes qui, comme la jeune Marie, ne demandent qu'à s'engager! A force pourtant, on se retrouve - et l'auteur parvient à renouer, en fin de roman, les liens qui rapprochent ces "fuyants". Ses adjuvants? Un carnet de notes retrouvé, par exemple.

 

La fuite? Qui, parmi vous, lectrices et lecteurs, n'y a jamais songé, n'y a jamais succombé? En nommant "Hintel" la famille dont il décrit les vicissitudes, l'auteur se montre habile dans l'art des noms à sens multiples. Associé à des prénoms tels que Jacob ou Esther, ce nom de famille fait penser à la judéité; mais cette piste, jamais exploitée dans le roman, est un leurre. Un sens est mieux exploité, et c'est celui de l'homonymie avec Intel, marque de processeurs. Il est vrai que l'un des personnages fait commerce d'ordinateurs, et que le rapprochement constitue un gag. Enfin et surtout, Hintel, pour de nombreux locuteurs francophones, se lit comme Untel. Une manière comme une autre de mettre l'accent sur le caractère très ordinaire des gens mis en scène, et donc de les rapprocher du lectorat. Cela, jusqu'à un certain point: on peut aller jusqu'à dire que cette "ordinarité" elle-même rend la famille Hintel fuyante aux yeux du lecteur, et confirme le caractère d'anti-héros de ses membres masculins.

 

Et puis il y a aussi, dans toute la première partie de ce court roman, un procédé très séduisant qui signale un talent certain pour les transitions douces: chaque début de chapitre rappelle la fin du chapitre précédent par l'utilisation d'un mot identique ou, à tout le moins, d'un mot d'un champ lexical connexe. Le lecteur a ainsi une impression de fondu enchaîné. Celle-ci disparaît dans la deuxième partie, qui s'avère moins onctueuse: l'auteur y cite des courriers électroniques, les chapitres se succèdent de manière plus abrupte - dans les 27 dernières pages de ce roman, on est ailleurs. C'est paradoxal, d'ailleurs, dans la mesure où ce sont des pages où l'on tend à se rapprocher.

 

Tout cela pour relater un peu des heurs et malheurs d'une famille et de quelques personnes proches. On pourrait réfléchir encore au sens que peut avoir le rappel régulier des lèvres de quelques personnages féminins: sans lèvres comme Marie, sont-elles sans paroles? Pas sûr. Sur une bonne centaine de pages, Arnaud Dudek fait ici la preuve qu'il sait construire un roman fort riche sous les dehors anodins, voire communs, de la relation de vies (infra-)ordinaires - celles d'un agent technique, d'un marchand d'ordinateurs, d'un jeune hacker. Le tout, dans des lieux si ordinaires qu'il ne vaut pas la peine de les nommer. Alors... vingt sur vingt!

 

Arnaud Dudek, Les Fuyants, Paris, Alma, 2013.

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commentaires

L
Merci pour la mention. :)<br /> Oula, il va falloir que je le relise, je ne me suis pas rendue compte des transitions de la première partie. Donc effectivement, ça a bien été mené tout en douceur.
D
Avec plaisir! Merci de votre visite par ici! :-)<br /> J'ai trouvé ce jeu des transitions particulièrement adroit, comme pas mal de choses dans ce roman - qui relate des choses finalement assez ordinaires. <br /> Bon dimanche à vous!

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