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26 juin 2013 3 26 /06 /juin /2013 21:27

hebergeur imageLu par Alain Bagnoud.

 

Tout plaquer. Un rêve que plus d'un caresse. Le banquier mis en scène par l'écrivain neuchâtelois Gilbert Pingeon l'a fait: une lettre de démission à la banque qui l'emploie comme directeur adjoint, une lettre d'adieu à sa famille, et hop! Sortant du bistrot avec deux ou trois verres dans le nez, il va laisser ses pas le guider à la poursuite d'une femme à problèmes au physique envoûtant qui pourrait être sa fille...

 

Difficile de localiser l'histoire; on peut penser qu'elle se trouve dans quelque pays anglo-saxon, mais sans certitude. L'auteur développe cependant une géographie qui fait contraster le centre-ville, lieu d'opulence bancaire (City Bank, publicités, etc.), et une banlieue particulièrement déshéritée, desservie par un bus vétuste. En poursuivant la femme, le banquier offre l'occasion d'une visite guidée, que l'auteur rythme de slogans intercalés en lettres majuscules. Un rythme qui ne fait que souligner un suspens notable: après tout, on ne sait rien de la femme, longtemps. On ignore où ce début de cavale va mener, et aussi ce qui pourrait se passer entre le banquier et elle. Même si l'on peut le subodorer...

 

Ce n'est que progressivement que le lecteur apprend quelque chose de plus sur la mystérieuse femme, et ce, par un artifice: l'auteur fait alterner les points de vue de l'une et de l'autre. Cela, avant, de fusionner les deux points de vue, dès lors que les deux personnages sont mis en présence. C'est là aussi qu'on trouve des dialogues pour le moins piquants: la femme n'a pas la langue dans sa poche (chic!), et l'homme semble désarçonné, du moins au début. L'alcool bon marché (des litrons de vin rouge) joue un rôle de liant. Et si l'on peut regretter le rapprochement un peu convenu du sexe et de la religion à des fins prétendument subversives (p. 63/64), force est de constater que l'auteur réserve à ses deux personnages des répliques paroxystiques, qui peuvent amener un lecteur à s'interroger sur lui-même.

 

La deuxième partie du roman amorce un contrepoint au duo en râles majeurs du banquier et de la femme. Ce contrepoint prend les traits de Kevin Kovacs, jeune délinquant classique des banlieues - de quoi relancer l'intérêt! La force de l'auteur est ici de lui conférer une vraie voix de gamin malin, de façon assez sage, sans forcer le trait. Face à lui, une psy, dont le lecteur découvre les carnets de notes - une autre voix encore. Une alternance s'installe, empêchant le lecteur de s'ennuyer. Quel rapport entre Kovacs et le banquier en goguette? On n'en saura rien avant la fin du roman.

 

"La Cavale du banquier" est donc le récit d'un saut dans le vide - un vide qui sera vite rempli. On relève avec intérêt qu'un auteur suisse approche la personnalité d'un banquier; ce genre de personnage, issu du monde de la finance, paraît cependant revenu à la mode avec les crises qui se succèdent depuis plusieurs années. Le monde de la banque n'est cependant abordé que par la bande dans "La Cavale du banquier", dont l'essentiel de l'intrigue se déroule dans un immeuble de banlieue miteux: il fait plutôt figure de repoussoir.

 

Gilbert Pingeon offre ici un fort joli roman, tout en contrastes bien tranchés. Et pour faire bon poids, même si ce n'est pas un thriller, il y a quand même, dans le placard, un ou deux cadavres morts de manière pas très naturelle...

 

Gilbert Pingeon, La Cavale du banquier, Lausanne, L'Aire, 2011.

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