Lu par Fragments du paradis, Goliath.
Lu dans le cadre des défis Littérature belge et Nouvelles.
Des vies. Et des fractures. Et pour finir, à chaque fois ou presque, une sortie par le haut. Telle est l'impression qui se dégage des dix-sept nouvelles du recueil "Cruise control", premier opus d'Aliénor Debrocq. Native de Mons, lauréate de concours de nouvelles tels que celui organisé par la police de Liège en 2012 (pour "Tambouille Tandem" - j'y avais participé avec succès en 2011, pour ma part), cette écrivain belge relate des destinées humaines, le plus souvent féminines, parfaitement actuelles, dans un style empreint de modernité, tant par la forme que les sujets abordés - entre autres celui du monde de l'entreprise ou, comme dans "Groopy", celui des consommateurs à l'affut des bonnes affaires.
Très vite, le lecteur va être frappé par un procédé constant, utilisé dans la plupart des nouvelles du recueil: la répétition de phrases et de groupes de phrases en vue de constituer un leitmotiv, perceptible pour le lecteur. Plutôt qu'une impression de déjà-lu, il verra ici un procédé du ressassement des idées fortes du texte, à partir desquelles l'auteur énonce des idées diverses.
Le penchant pour la phrase courte est l'autre caractéristique visible de l'auteur de "Cruise Control". En début de nouvelle, ce choix permet d'accrocher le lecteur en collant à son souffle, encore court en début de lecture. Cette brièveté des phrases peut, dans ce recueil, confiner à un style télégraphique ou à une certaine sécheresse, comme dans "Vierge Tagada", structuré en fonction d'un horaire. La sécheresse et la brièveté des phrases se justifient cependant ici par l'idée sous-jacente d'un licenciement signifié dans un délai extrêmement court.
Et puis, il y a cette idée de "s'en sortir par le haut", joliment illustrée par la nouvelle "Décloisonnée", qui relate la destinée d'une employée un peu plus modèle qu'il ne le faudrait. L'auteur parvient à décloisonner son personnage principal en le faisant passer d'un bureau paysager (décloisonné par excellence) à un bureau ordinaire (cloisonné car individuel). Paradoxal, le croisement finit par constituer un joli réseau de situations.
Il y a aussi, dans ce recueil, un goût pour le détail qui, petit à petit, fait avancer les personnages d'un état à l'autre. "Les douze volées", première nouvelle du recueil, fonctionne parfaitement ainsi, démontrant que c'est par de petites choses, parfois inattendues, qu'on peut faire son deuil - même en haut d'un grand immeuble.
On peut regretter quelques personnages convenus (on trouvera un curé paillard dans le recueil) et la relation finalement déjà vue de quelques réflexions misogynes; mais c'est assez peu de chose face à une écriture d'une personnalité certaine, dont on retiendra une certaine amertume, adoucie par des fins de récit qui, toujours, suggèrent une issue praticable et honorable à des situations sans issue a priori. La vie, après tout, ce sont des choix, suggère la nouvelle "Des choix déchus"; mais celle-ci souffle aussi qu'à certaines conditions, ces choix peuvent être remis en question: l'existence offre toujours une deuxième chance ou une échappatoire.
Aliénor Debrocq, Cruise control, Louvain-la-Neuve, Quadrature, 2013.
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