Roman, lu par Angelita (qui interviewe en outre l'auteur).
Le blog de l'auteur - que je remercie
cordialement pour l'envoi de ce livre et pour les heures de lecture.
Il arrive, plus souvent qu'on ne le croit, que les vies les plus simples en apparence soient traversées par des drames personnels, soigneusement cachés ou face auxquels la personne qui les vit développe ses propres stratégies d'âme ou d'existence pour les traverser et se reconstruire, encore et encore. En peignant, à la première personne, l'existence de Luce, c'est en quelque sorte ce qu'Alba Kertz a voulu dire dans son roman, justement intitulé "Luce" et publié aux éditions des Presses du Midi en 2009.
Luce, c'est une femme qui aura vécu toute sa vie entourée d'enfants - qui ne seront toutefois jamais les siens: son petit frère, ses neveux, sa petite-fille. Séparée très tôt de l'homme de sa vie, Pierre, par une intrigue adroite que nous ne dévoilerons pas ici, elle ne retrouvera celui-ci que longtemps après, alors qu'il est (presque) trop tard. Luce ambitionne de faire des études... mais finira par y renoncer après avoir reporté son immatriculation pendant une trentaine d'années. En dépit des renoncements, ce roman rappelle que la vie n'est avare ni de bonheurs, ni de cadeaux, même si ceux-ci sont parfois pour le moins inattendus.
Suffisamment complexe pour offrir l'étoffe d'un roman consistant, la vie de Luce est toutefois suffisamment simple pour que tout un chacun puisse, à un instant ou à un autre, s'y reconnaître - cela, d'autant plus que le style, concret, dépourvue de toute afféterie ou complication, est pleinement en phase avec cette volonté. On s'attache vite à Luce, cette femme qui observe et raconte les autres sans (trop) juger mais s'observe beaucoup, s'évalue, dialogue avec sa conscience (sa "Voix"), se pose des questions.
Et les questions qui vont traverser son existence seront nombreuses et, mine de rien, difficiles: sa nièce, future mère adolescente, doit-elle avorter? Luce Doit-elle pousser Pierre à quitter sa fiancée? Y a-t-il un dieu, et comment lui parler? Faut-il qu'elle prenne du champ face à sa mère dépressive et possessive pour vivre, enfin, sa vie? Celle-ci apporte ses réponses, parfois amères. Mais l'auteur sait toujours les teinter d'un optimisme qui, plus d'une fois, fait du bien au coeur.
Ce "bien au coeur" qu'apportent certaines pages de ce récit de vie est encore souligné par la description de certains lieux amènes, en particulier Bandol, sa plage et le petit restaurant de l'épicurienne Brigitte - où l'on parle et pratique joyeusement le vin gai (le bandol) et le vin triste (le gigondas). Il y a cependant aussi Rouen, Strasbourg, ses maisons à colombages et ses patronymes à consonance germanique: il suffit de quelques traits à l'auteur pour planter ses décors de façon à les rendre perceptibles au lecteur.
"On a mal avec Luce, parfois.", dit la quatrième de couverture. Mais le lecteur aimera aussi la voir rebondir sans cesse, à sa manière, magnifiant son humble, discrète et bonne existence. De quoi donner la pêche, peut-être? Sans doute, même!
Alba Kertz, Luce, Toulon, Les Presses du Midi, 2009.