Roman italien, lu par 1001, Amethyst, Journal d'une lectrice, Léo.
Site de l'auteur: http://www.mattiasignorini.it.
... ou passer à côté de plein de choses? Choisir, c'est exclure, et telle est l'une des leçons de "La Symphonie du temps qui passe", deuxième roman de Mattia Signorini, qui vient de paraître aux Presses de la Cité dans une traduction de Françoise Brun.
En s'embarquant dans ce récit d'une vie humaine (celle de Green Talbot, personnage central), le lecteur pourra avoir l'impression que l'auteur s'est proposé de faire mieux, en termes de philosophie de vie, que le Paulo Coelho de "L'Alchimiste". Objectif que l'auteur atteint dans une certaine mesure, force est de le dire. Certes, c'est une manière d'aborder la vie que l'auteur illustre à travers un parcours présenté comme exemplaire - avec en filigrane le souci de développer une philosophie du quotidien à destination du grand public.
L'auteur parvient à enrichir son propos en le nimbant d'un zeste de fantastique naïf qui lui donne des airs de conte initiatique. Il y a d'abord ce village anglais de Tranquillity, que personne ne connaît et dont personne n'est supposé sortir. Il y a aussi l'étrange chien géant qui hante la forêt, Grof, dont on ne voit d'abord que le regard inquiétant. Enfin, il y a le fait que Green Talbot a le talent de converser avec les oiseaux, chardonnerets, goélands, albatros, corbeaux. Saura-t-il voler en fin de récit? L'élément fantastique est particulièrement présent au début du récit, qui relate l'enfance du personnage principal, comme si l'explication merveilleuse pouvait éclairer, mieux que la raison enfantine, certaines situations.
La richesse du récit tient aussi à un certain ancrage dans une époque: le vingtième siècle, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Les événements historiques ne sont toutefois le plus souvent qu'un élément de décor plutôt flou qu'on perçoit de loin. A ce titre, les personnages historiques ne sont guère nommés que par des périphrases, s'ils sont évoqués.
Philosophie du quotidien? Chez Mattia Signorini, elle est constituée par un esprit un peu "Yes We Can" qui permet à Green Talbot de converser avec les oiseaux, de nager avec les poissons dans l'Océan Atlantique, de quitter un village synonyme de cocon familial tranquille qu'il faut bien quitter à un certain âge même s'il en coûte, de s'unir sur le tard à la femme de sa vie, de monter des affaires florissantes. Elle met aussi l'accent sur les rencontres, en les présentant comme particulièrement inattendues: Green Talbot fréquente aussi bien des oiseaux que des humains, et ceux-ci exercent parfois des professions improbables. Enfin, il y a le refus de l'immobilisme, régulièrement illustré par la progression à pied, sur deux jambes qui en paraissent parfois plus.
Pour sa narration, l'auteur privilégie des chapitres courts qui donnent à ce livre une structure aérée et rapide, au risque de paraître superficiel. Riche de ses idées, ce roman l'est assurément; il reste cependant bref, volontiers agréable mais finalement un peu trop gentil, trop aimable, infantilisant par moments, pour donner véritablement l'impression d'une leçon de vie. Après tout, même si tout n'est pas tout joli tout beau dans son existence (il n'a pas de descendance, il fait la guerre), bien des amertumes et revers sont quand même épargnés à Green Talbot...
Bien essayé donc, de la part de l'auteur; mais avec au final une sensation d'inabouti pour cette symphonie.
Mattia Signorini, La symphonie du temps qui passe, Paris, Presses de la Cité, 2010.
Défi du pour-cent littéraire: 6/7.
Roman lu dans le cadre de l'opération Babelio Masse Critique. Merci également aux Presses de la Cité!