L'auteur Frankie Ventana a d'ores et déjà publié deux ouvrages chez l'éditeur Kyklos, l'un recueillant
des notes de blog (justement intitulé "http://"), l'autre, son plus récent opus, "Une vie après l'autre", approchant la thématique de ces vies qu'on refait (peut-être), avec la musique pour fil
rouge. A priori, deux ouvrages successifs fort divers donc; j'ai lu le second, dont il sera question dans le cadre du présent billet.
Structure classique mais intéressante à décrire pour ce bref roman: il se décompose en chapitres rythmés, à leur fin, par une lettre écrite par Lila von Haffen, pianiste fantasque qui
constitue, en creux, le propos du récit. Ce portrait s'ouvre par une définition encyclopédique, très factuelle, de l'artiste. Il suffit cependant de quelques lignes à l'auteur pour ciseler un
portrait plus profond, plus tourmenté également, et surtout plus interrogateur, de cette interprète.
Cette personnalité n'intriguera plus guère les amateurs actuels de musique classique, souvent habitués du crossover et du mélange des genres. Replaçons-la cependant dans le contexte de l'époque
qu'elle traverse: Lila von Haffen se produit avant les années 1980, en un temps où les tenants du classique se mêlaient peu, voire pas du tout, avec les acteurs de la pop music. Tout au plus se
souviendra-t-on de la prestation du John Alldis Choir sur "Atom Heart Mother" des Pink Floyd. Adepte d'un style peu conformiste, à cent lieues de l'aspect compassé qu'on prête volontiers au
classique, Lila von Haffen choque, surprend, cristallise ses auditeurs, par exemple en se "compromettant" avec les Doors ou en jouant pieds nus.
C'est sur les traces de cette personne, qui se serait suicidée en 1983, que se lance Gabrielle, à travers laquelle le lecteur perçoit le récit. Chaque chapitre constitue donc une étape d'un jeu
de piste, signifiée par une rencontre avec un proche de l'interprète: sur la foi d'une série de lettres reçue chez elle (celles évoquées au début du présent billet), Gabrielle est persuadée
que Lila von Haffen n'est pas morte, et qu'elle a refait sa vie ailleurs. Un rien répétitif, le procédé est enrichi par la galerie de personnages découverts: de proches parents, des amis, une
camionneuse amoureuse de musique classique. Les lieux sont fort divers également: Allemagne, France, Autriche, Argentine même. Tout ce monde se retrouve récapitulé au dernier chapitre dans les
coulisses d'un grand théâtre argentin où se produit... Gabrielle, pianiste contrariée, enfin révélée à elle-même après sa quête.
Le tout donne aussi à l'auteur l'occasion de parler d'interprétation musicale, ce qu'elle fait avec une grande sensibilité: toucher d'interprètes, considérations sur la musique de Frédéric
Chopin (qui accompagne le lecteur tout au long du roman) et sur l'univers de la musique classique en général.
Frankie Ventana, Une vie après l'autre, Paris, Kyklos, 2009.
Le blog de Frankie Ventana: http://lestribunationsdefrankie.20minutes-blogs.fr/
Billet réalisé en partenariat avec les éditions Kyklos et le site Livraddict, que je remercie infiniment pour leur confiance.
Il en est question chez Heclea.