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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 22:51

hebergeur imageLu dans le cadre du défi Premier roman.

 

Ca va vite, très vite. "Emile et les voleurs", le premier roman de l'écrivain Alain Besançon (membre de l'Institut), ne laisse pas de répit à son lecteur, condamné à partir à travers le monde à la poursuite d'Emile Fouzillon, un jeune cadre carriériste mais un poil naïf, donc vulnérable dès qu'il est en présence des boniments des menteurs.

 

La rapidité narrative d'un précurseur

Paru en 2008, ce roman peut être vu comme un précurseur des livres qui, aujourd'hui, dépeignent les côtés sombres du monde de l'entreprise au niveau supérieur de la finance, à l'instar de "La Fumée qui gronde" de Philippe Zaouati. Reste qu'alors que le roman de Zaouati, postérieur à "la crise", montre un trader cynique mais qui a du coeur, "Emile et les menteurs" met en scène un personnage qui, naïf qu'il est au départ, se laisse embobiner par son entreprise. Cela, à une époque où Jacques Chirac était président de la république.

 

L'impression de rapidité du propos tient, pour le lecteur, au fait que l'auteur ne s'embarrasse guère de détails. A l'instar du Yen carry trade ou des rapprochements entre entreprises, les modèles financiers et les situations dépeintes sont exposés rapidement et sans finesse - quitte à tolérer quelques approximations telles que la mention de "qui dort où" dans des lits superposés d'un bateau: qui est en haut, qui est en bas?

 

Cette rapidité émane aussi du grand nombre de péripéties que traverse Emile, qui joue le rôle de narrateur - et en particulier l'amplitude des déplacements exécutés et la nécessité presque permanente de prendre des décisions rapidement.

 

Rapidité aussi, enfin, en ce sens que l'auteur laisse parler son personnage principal, cadre dirigeant d'une coquille vide. Ce héros, également narrateur, affecte un langage efficace et empreint d'oralité - qui, par son caractère direct, concourt aussi à la rapidité de ce roman. Pour faire vrai, il en arrive même à assumer un certain côté réac. L'aventure qu'il est appelé à traverser va lui rappeler ses propres limites et intérêts.

 

Une belle brochette de menteurs

Le titre du roman l'indique d'emblée: le narrateur va se trouver entouré de personnes auxquelles il ne peut guère faire confiance: hiérarchie, inconnus rencontrés au cours de ses pérégrinations, amis prétendus mais ayant un passé louche. Le lecteur découvrira ainsi la figure d'Estimé, qui se positionne comme ami d'Emile un peu malgré lui: c'est un bonhomme au passé trouble, oeuvrant indifféremment pour tel politicien et son adversaire - pourvu qu'ils paient bien. Moins net encore, Muriel, collaboratrice d'Emile et amante occasionnelle, paraît manigancer des choses en coulisses, ce que l'auteur suggère en laissant traîner des documents. Le personnage de Sorensen est une figure trouble au sens le plus classique du terme, une arsouille trouble comme tout un chacun a pu en rencontrer dans son entourage professionnel. L'aimante Juana elle-même, enfin, n'est pas exempte de tout soupçon dès lors qu'il s'agit, pour Emile, de savoir après quel faisceau de circonstances il s'est retrouvé à courir le monde comme un repris de justice. Faut-il trouver dans cette femme au physique repoussant a priori le type de l'ami le plus fidèle?

 

Tout cela devrait générer une ambiance de suspicion généralisée, voire de paranoïa. Or, l'auteur ne va jamais jusque-là. Le lecteur risque, du coup, de trouver Emile bien confiant: même après plusieurs aventures gênantes où il a le dessous, il se montre prêt à faire confiance à l'autre. Une telle naïveté est-elle crédible? Pas sûr. A moins d'admettre que tout le roman ne soit qu'une manière de dire que le métier de cadre financier n'est pas fait pour Emile. 

 

Le lecteur pourra encore voir dans "Emile et les menteurs" un roman de formation picaresque qui n'est pas étranger à des épopées telles que l'Odyssée ou, disons-le, la Genèse. Chassé d'un emploi qui fait figure de paradis terrestre sans véritable socle, en effet, le personnage d'Emile se retrouve à errer de par le monde, éventuellement en bateau (comme Ulysse, tiens tiens!), à rencontrer des femmes qui lui apprendront à vivre, avant de revenir dans un lieu qui lui est cher et d'y exercer un métier qui se rapproche de sa passion - une passion qui, à la manière d'un leitmotiv rythmique, revient çà et là dans ce roman que je conseille sans réserve à tous ceux qui aiment les aventures vagabondes.

 

Alain Besançon, Emile et les menteurs, Paris, Editions de Fallois, 2008.

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commentaires

A
Intéressants, ces clins d'oeil mythologiques !
D
<br /> <br /> Certes - même si c'est plutôt métaphorique. L'idée est de balader un personnage à travers un certain nombre de pays et d'océans, pourchassé par un employeur rapace.<br /> <br /> <br /> <br />

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