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16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 21:00

hebergeur d'imageRoman historique, lu par Livrantesque, Parlons Classique.

Le site de l'auteur.

 

Il y a comme ça des romans qui ne vous lâchent plus, que vous lisez à longs traits tellement ils sont accrocheurs, tellement l'histoire est passionnante. "Tribulations d'un Stradivarius en Amérique", signé Frédéric Chaudière, est de ceux-ci. Décliné en chapitres courts, il relate la destinée peu commune du violon "Gibson", fabriqué en 1713 par Antonio Stradivari, célèbre luthier de Crémone. Un violon qui existe vraiment, et dont l'auteur retrace l'incroyable destinée, de manière à peine romancée...

 

Lui-même luthier à Montpellier, l'auteur excelle évidemment dès qu'il s'agit de parler de violons - et en particulier de l'instrument central du récit, rejeté par l'émissaire d'un roi d'Europe parce que son vernis était trop rouge, "Troppo rosso!" en italien. Il évoque avec brio le bois que l'on cueille, mais aussi l'intransigeance du maître de l'atelier Stradivari, son savoir-faire à peine croyable, le grain du bois, les odeurs de laque et de colle, une aile de mouche restée collée dans le vernis d'un instrument, l'ambiance des lutheries de la fin du dix-septième et du début du dix-huitième siècles.

 

Le talent de l'auteur ne s'arrête pas là. Il sait en effet changer de point de vue ou de focale avant de lasser, évoquant tour à tour la géopolitique tourmentée de certaines époques, mais aussi les humains, célèbres ou obscurs - et ceux qui ont gravité dans l'ombre des générations de stars. On pense à Cozio di Salabue, noble italien et collectionneur fanatique de violons, mais aussi à la figure de Niccoló Paganini, dont l'auteur dresse un portrait pour le moins haut en couleur. Cela, sans oublier l'évocation discrète des agissements parfois limites des commerçants: et propriétaires successifs vol d'étiquettes, restaurations hasardeuses, contrefaçons, exercices de haute voltige pour racheter les meilleurs violons avant de les revendre au prix fort.

 

Mais c'est bien le Gibson qui est le personnage principal du récit. L'auteur, qui a travaillé sur le véritable instrument et, à ce titre, le connaît bien, laisse entendre que ceux qui se trouvent en sa présence et sont intéressés par l'art du violon sont comme envoûtés, voire rendus fous par l'objet. De quoi donner au récit un petit côté fantastique - et lui conférer le goût de la destinée exceptionnelle d'un objet. A telle enseigne que lorsque le Gibson est malmené, le lecteur, soudain empathique, a presque de la peine pour lui...

 

... c'est que ce violon n'est pas qu'un objet de musique classique. Habilement, l'auteur fait démarrer son récit au moment où l'instrument est volé et disparaît mystérieusement de la circulation. Maquillé (comme un camion volé, tiens tiens!), il va servir dans la clandestinité et s'encanailler, ce que traduit le changement de genre musical auquel il est affecté: après son vol, c'est du jazz qu'il va jouer, dans les clubs américains. Telle est la raison d'être du titre. On peut regretter que le versant "américain" de ce roman arrive assez tard, vers sa moitié; mais on se réjouira des détails donnés au sujet de ce pan de la vie du violon - et de celui qui va le jouer et le massacrer à l'envi.Cela, sans parler de l'apparition de l'ombre de personnages tels qu'Albert Einstein ou Jimi Hendrix.

 

Sans doute aurait-on aimé, parfois, un peu plus de couleur ou de dramatisation - ou quelque éclat supplémentaire. Mais ce n'est qu'une manière de demander un bis: le lecteur se retrouve ici face à un récit captivant, instructif à l'occasion, riche en anecdotes savoureuses et (en principe) historiques courant sur presque trois siècles. Car au fond, les anecdotes, tout le monde aime ça... et ce sont elles qui nourrissent la grande Histoire.

 

Frédéric Chaudière, Tribulations d'un Stradivarius en Amérique, Arles, Actes Sud/Babel, 2008.

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commentaires

W
I have not read the novel “Tribulations of a Stradivarius in America”. I am glad to know that this novel is now available in chapters in different books hops in America which tells about the unusual violin “Gibson” which was made in 1713.
M
<br /> Ce livre me tente beaucoup ! Et puis j'adore la couverture...<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Fonce... et bonne lecture!<br /> Par ailleurs, la couverture est si belle qu'on dirait une peinture... ce qu'elle n'est pas.<br /> <br /> <br /> <br />
Z
<br /> J'avais déjà repéré ce récit plutôt intriguant et tu me donnes envie de regarder tout ça de plus près. En passant également, j'organise un mini-challenge Dürrenmatt et comme tu es ma référence<br /> bloguesque en littérature suisse, j'espère que tu joindras à nous ;-)<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Je confirme, cette histoire de Stradivarius est bonne! Et quant à Dürrenmatt, je m'en vais aller voir ça incessamment - merci du tuyau!<br /> Et puis, merci de me suivre pour les auteurs suisses - j'en suis très honoré... :-)<br /> <br /> <br /> <br />

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