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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 21:44

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Roman noir, lu par Jenta3.

Cité par Fiches auteurs, Hiram

 

"Ca se passe surtout au ras du sol." Une phrase qui, après avoir servi d'incipit, revient à la manière d'un leitmotiv tout au long du roman "Au fond de l'oeil du chat" de Serge Quadruppani. Publié aux éditions Métailié en 2006, ce polar fait, comme son titre l'indique, la part belle au regard et à la vue. Cela, sans perdre de vue certains enjeux politiques et policiers - les ombres de Nicolas Sarkozy, ancien ministre de l'Intérieur, et de certains de ses homologues, passés par la Place Beauvau, planent...

 

Evidemment, le titre dit tout: il y aura des chats dans l'histoire, avec leur regard mystérieux et impénétrable qui trouble systématiquement l'un des personnages du récit, ce qui le pousse à les tuer lorsqu'il fait son métier de tueur/barbouze. Et puis, les félins savent trouver la meilleure place près d'un ordinateur, ce qui donne à voir, de manière indirectement suggérée, la manière de travailler du narrateur qui écrit ou fait avancer l'histoire. 
 

Et puis, du visuel, il y en a à tour de bras, au-delà de l'option "yeux de chat", qui constitue l'un des éléments clés du récit (qu'on devine un peu vite). Il y a une attention forte portée à l'oeil en qualité d'organe, avec les paupières des personnes endormies ou mortes qu'on soulève ou qu'on tire, ou les yeux dans lesquels on plante les doigts. L'auteur privilégie par ailleurs les aspects visuels de sa narration. D'où le choix de supports essentiellement visuels pour faire avancer l'intrigue: des photos, des coupures de presse, mais aussi et surtout des vidéos intrigantes et mystérieuses, que l'auteur révèle dès les premières pages du récit. Enfin, il y a aussi un soin du détail visuel, par exemple cette photo de deux gars en short, dont le policier Rottheimer, dont la particularité est de bien montrer que l'un et l'autre sont en érection...

 

Cela ne devrait pas faire oublier le noeud de l'intrigue: "Paul est tué au moment où il devait rencontrer son fils de vingt ans qu'il n'avait jamais connu", dit la quatrième de couverture. Or, Paul est le grand copain de Michel, malgré les différences, et Emile, le barbouze de tout à l'heure, a aussi des liens avec Michel, qu'on découvre au moment de l'épilogue (quand même assez abrupt: attention aux abus d'ellipses!). L'auteur donne la parole tantôt à Michel, tantôt à Emile, révélant ainsi une évolution parallèle - un parallélisme encore une fois tissé de détails que le lecteur découvre avec appétit, en commençant de façon simple par l'information que chacun de ces deux personnages a un chat: l'un s'appelle Jupon, l'autre Manga. Cela mériterait une petite exégèse...  

 

Enfin, l'auteur n'oublie pas l'aspect social des choses, même s'il n'en fait pas son cheval de bataille. Paris sert ainsi de décor, avec ses habitants divers, pauvres et riches. Il fait intervenir les forces occultes qui sous-tendent le gouvernement d'une grande puissance, à l'instar des polices secrètes, mais aussi, suggère-t-il, de certaine loge maçonnique peu recommandable, ayant engendré en son sein une fraternelle qui l'est encore moins, adepte qu'elle est de pratiques sado-masochistes. On voit aussi passer le nom de Cesare Battisti, ainsi que certaines pratiques tordues des milieux industriels et de la sécurité. Qu'en croire? Au lecteur de trancher, tout en sachant que l'auteur rappelle avec insistance, aux Ministres de l'intérieur comme à chacun d'entre nous, qu'il s'agit d'un roman - d'une oeuvre de fiction, donc.

 

Ce roman commence donc dans la simplicité mais convoque, au fur et à mesure des pages, des éléments de plus en plus complexes qui accrochent le lecteur. Son style délibérément et pertinemment visuel en font un récit concret, efficace, loin de toute complication inutile. A découvrir... surtout si vous aimez les chats et si vous êtes en phase avec l'élément visuel, si caractéristique de notre époque.

 

Serge Quadruppani, Au fond de l'oeil du chat, Paris, Métailié, 2006.

 

 

 

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commentaires

A
<br /> J'adore les chats !<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Miaou!<br /> Leur rôle est énigmatique, bien sûr... et ce, jusqu'à la fin du roman. C'est vraiment bien intégré... et sans doute l'une des originalités de ce polar parisien.<br /> <br /> <br /> <br />

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