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3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 20:26

hebergeur imageRecueil de nouvelles, également lu par Francis Richard.

 

Une pleine brassée, même: pas moins de dix-sept textes de son cru sont réunis dans le joli petit recueil "Full sentimental" que Sabine Dormond vient de publier aux éditions Mon Village. Présidente de l'Association vaudoise des écrivains, l'auteure offre ici un aperçu d'un talent empreint de fraîcheur, au fil de nouvelles diverses, volontiers brèves, que le lecteur pourrait par exemple goûter à l'occasion d'un voyage à bord des transports publics urbains. Quitte à réfléchir un peu, parfois: si le style de l'auteur se caractérise par une décontraction assumée, le propos recèle parfois quelques vérités sociales qu'on ne veut plus trop voir.

 

Les deux premières nouvelles plongent dans le domaine des dépendances vécues à deux; elles sont observées de manière diverse. "Full sentimental" est la première nouvelle du récit; elle donne un regard particulier sur le Yatzy, un jeu de dés particulièrement addictif apparemment... et où il y a effectivement des "full", comme au poker. Sur quelques pages, l'auteur dépeint, avec les mots et situations d'aujourd'hui, l'évolution de la dépendance: on joue au bistrot, puis on s'achète le jeu mine de rien, et dès lors, la vie de couple est marquée par l'addiction au jeu. Et la nouvelle s'achève sur la négation de la maladie par la narratrice, pourtant internée... Il y a aussi l'addiction subie avec "Embouteillage", qui développe, du point de vue de l'épouse qui a quitté son conjoint bien que toujours aimante, le thème classique de l'homme qui s'enferre dans l'alcoolisme. Quelques éléments concrets suffisent à donner de l'épaisseur à cette nouvelle: aller chercher l'homme au poste de police, négocier des arrangements avec les débiteurs, conduire l'homme au pub pour éviter qu'il ne prenne le volant...

 

L'auteure tâte aussi de l'anticipation, dans des démarches originales et inattendues - à la manière d'un Philip K. Dick, l'auteure invite à réfléchir à ce que pourrait être l'avenir de nos travers actuels, mais à la différence de l'écrivain américain, elle se passe aisément de tout futurisme agressif. "L'heure de gloire" imagine par exemple ce que pourrait être le métier d'écrivain lorsqu'il sera possible de créer des histoires à partir des rêves de chacun, de manière industrielle; en filigrane de cette nouvelle, transparaît aussi la critique d'une télévision où tout va trop vite pour celui qui y passe et n'a pas l'habitude. Et alors que "Les ravisseurs de butin" pouvait laisser croire, par son titre, à une histoire de voleurs, cette nouvelle imagine quel serait le métier d'humains chargés de remplacer les abeilles, en voie de disparition. Quant à "Y'a pas de lézard", par sa manière toute personnelle d'expliquer un fait dinosaurien lu dans la presse, elle a tout de la légende urbaine en puissance...

 

Et puis il y a des choses peut-être vues, des scènes embarrassantes peintes avec une certaine cruauté comme dans "Une attention si délicate", un titre dont tout le côté ironique et "galère" n'apparaîtra qu'en fin de nouvelle au lecteur, ou dans "Ecologiste du troisième type", qui relate l'histoire d'un automobiliste cynique doté d'une conception très personnelle de la sauvegarde de la nature. Et en parlant de nature, c'est une enfant qui, dans la dernière nouvelle du recueil, "Fraises des sous-bois", rappelle à un personnage adulte sa responsabilité de consommatrice. Puis disparaît - laissant le lecteur, à la dernière page, sur la phrase "Ce parc est interdit aux enfants.", un rien étonnante, par sa connotation négative et restrictive, pour boucler un recueil de nouvelles.

 

Le style est décontracté, ai-je dit; quelques tours de langage typiquement suisses romands y affleurent sans complexe. L'auteure ose des traits d'oralité pour créer une proximité avec le lecteur, qui aura rapidement l'impression qu'on lui raconte des histoires courtes, simplement structurées, issues de la vie de (presque) tous les jours, au fil des pages. Du point de vue stylistique, la nouvelle "Pris en flagrant délire" va surprendre par sa musique particulière, qui n'est pas sans faire penser au rap ou au slam - une bonne manière de délirer en mots, ce que suggère déjà le titre du recueil, qui rappelle de manière assumée un tube signé Alain Souchon. 

 

Sabine Dormond, Full sentimental, Sainte-Croix, Editions Mon Village, 2012. Couverture de Monsieur O.

Lu dans le cadre du défi Littérature suisse et du défi de la Rentrée Littéraire.

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