
Après avoir publié de nombreux ouvrages pratiques, l'écrivain Patricia Rappeneau se lance
dans le roman policier et, pour une première tentative, c'est réussi. "Requiem" est un roman qui fonctionne, plutôt long certes, qui prend le temps de s'installer et d'imposer un rythme régulier.
La musique? Les phrases de l'auteur sonnent décontracté, vivant même, en particulier dans de nombreux dialogues.
L'histoire? L'auteur choisit de mêler deux affaires qui finiront par n'en faire qu'une: une intrigue policière qui se noue à la mort d'un des personnages dans un hôtel de passe de Dijon un soir
de Fête de la Musique et, plusieurs années plus tard, la disparition de deux notables de cette ville - on les retrouvera morts en forêt, une scène classique qui permet cependant à
l'auteur de mettre en place, dans des dialogues bien sentis, les tensions qui constitueront la trame du récit.
Car tensions il y aura... et plus largement, l'auteur privilégie, par rapport aux effets de décor pittoresques (pourtant, la Bourgogne, c'est chouette), les relations entre ses personnages -
selon des schémas finalement universels qui éloignent ce récit d'une approche purement régionaliste. Le narrateur, Nathan Malocène, est un handicapé des sentiments qui n'est pas fichu de se
déclarer à Aurore qui n'attend que ça. Il y a aussi une belle galerie d'originaux, par exemple cette dame qui vit en Isère, son fils, leurs désaccords et le bonhomme bizarre qui montre son
chemin à Nathan. Cela, sans oublier l'optimisme à tout crin d'un certain Dempsey, improbable Québécois qui parle... comme on s'attend à ce qu'un Québécois parle, Christ! Et certains
lecteurs, enfin, s'attendriront peut-être au son des ronflements de Fidelson, le chat de Nathan.
Il y a aussi les tensions entre deux équipes finalement rivales lâchées sur l'enquête: certes, la police a seule le pouvoir d'enquêter à fond sans se contenter d'observer; mais dans ce camp,
Stoltz fait figure de parfait incapable. Face à lui, se trouve Nathan, épaulé par Eve, son ex-épouse. Problème: de même que son coéquipier Grégoire aux lunettes noires, Nathan est un détective,
non un policier... ce qui le bloque, même s'il est plus malin que les autres - "le meilleur détective du monde", suggèrent certains personnages, non sans ironie même si Malocène est habile.
Cela débouche sur l'autre versant du roman, celui des relations familiales entre les personnages. On découvre peu à peu que tout est lié et que rien n'est comme on le croit: désaccords majeurs
entre mère et fils, liens de parenté inattendus qui se font jour au gré des investigations, etc. Je conviens que sur ce plan-là, il faut s'accrocher un peu... Dans un registre approchant,
l'auteur place quelques allusions à Semur, sa ville natale.
Ce roman reste un joli succès d'écriture, entouré d'une couverture au design intéressant où Patricia Rappeneau, de son écriture manuscrite, présente son programme: "Derrière Requiem, la Vie.
L'action, les valeurs et les défauts de certains sentiments éprouvés par ses personnages. Le tout rendant à cette enquête un texte espéré à dimension HUMAINE. Ce roman c'est vous, nous,
simplement Requiem."
Pari gagné!
Patricia Rappeneau, Requiem, Roubaix, Editions Saint Martin, 2009.
Quelques mots sur l'auteur: http://www.aventure-litteraire.fr/auteur/Rappeneau.html
Le site de l'éditeur: http://www.aventure-litteraire.fr/