Lu par Bouquinitude, Ma petite bibliothèque, Paul Maugendre.
Le site de l'auteur: Pascal Marmet. Merci à lui pour l'envoi et la dédicace!
Le rêve et le mystère embaument à la perfection "Le roman du parfum", dernier opus de l'écrivain niçois Pascal Marmet. Ses fidèles y retrouveront avec plaisir le personnage de Sabrina, caissière au nez fin devenue incontournable à Grasse, capitale mondiale de la parfumerie, dans son précédent opus, "Si tu savais...". Ils y retrouveront également un contexte familier autour du parfumeur Galimard. Peut-être regretteront-ils que les correcteurs aient laissé passé quelques coquilles et maladresses de plume; gageons cependant qu'ils se laisseront plutôt accrocher par une prose digne d'un page-turner.
La démarche de l'auteur du "Roman du parfum" est incomparable avec celle de son précédent roman. Alors que "Si tu savais..." privilégiait l'intrigue romanesque sur un fond de vérité, "Le roman du parfum" mêle plusieurs ingrédients: histoire du parfum solidement documentée, biographie (de Tony Curtis), sentiments exacerbés (l'auteur sait faire chanter les violons) et peinture d'un milieu apparemment fermé où l'on ne se fait pas de cadeau. En particulier, un voyage en avion offre à l'auteur l'occasion de faire se rencontrer Sabrina, la fille au nez fin, et Tony Curtis - qui se fait répétiteur. L'astuce est porteuse: l'espace d'un vol en avion, l'auteur retrace la biographie de Tony Curtis (adepte du parfum Jicky, soit dit en passant) et l'histoire du parfum, de l'Egypte antique à nos jours. Cela, sans oublier une apparition "hitchcockienne" de l'auteur dans l'avion - crédible rappel du fait que Pascal Marmet paraît avoir réellement rencontré Tony Curtis.
Cette narration est rehaussée par une pointe d'humour, parfaitement de circonstance dans les scènes de flirt. Et jamais, le propos ne paraît fastidieux, ni ne croule sous des considérations scientifiques pointues: après tout, la relation entre les personnages est au moins aussi importante que le monde de la parfumerie. Le lecteur apprend en souriant, et c'est un grand mérite.
Le rêve émane de l'évocation des différentes fragrances qui constituent les parfums - et celles qui sont dans l'air. Le nez exceptionnellement fin de Sabrina offre à l'auteur un bon prétexte pour détailler tout ce qui se sent, dans un esprit qui rappelle le roman "Le Parfum" de Patrick Süskind. Cela, sans en atteindre l'envergure: "Le roman du parfum" privilégie les odeurs savoureuses alors que "Le Parfum" n'hésite pas à plonger dans les fumets les plus nauséabonds. Tel n'est certes pas l'objectif du "Roman du parfum"... qui cherche essentiellement à faire rêver.
La deuxième partie de ce roman, celle qui commence après l'atterrissage de l'avion où se sont rencontrés Sabrina et Tony Curtis, explore les coulisses pas toujours joyeuses de la production de parfums. On y rencontre des goujats qui se saoulent au champagne sur la dépouille de Michael Jackson et des requins prêts à tout pour conserver une situation chèrement acquise, à l'instar de ce Cercle des parfumeurs disparus qui entend bien tester Sabrina, finalement une nouvelle venue sans diplôme. Il y a cependant aussi les alliés, les coups de chance dont l'auteur use pour faire avancer son personnage (comme ils ont fait avancer la carrière de Tony Curtis - un intéressant parallélisme quand on sait que l'acteur, comme la caissière devenue nez, n'est pas franchement né sous la plus favorable des étoiles).
Enfin, "Le roman du parfum" se termine sur une conclusion ouverte qui appelle une suite: tout n'est pas résolu à la dernière page. Du coup, alors que l'univers du parfum est mondialisé (l'auteur le prouve tout au long de son roman, et le vol Paris-Los Angeles n'en est qu'un exemple), il invite à un nouveau départ vers l'Afrique. Et vers de nouvelles aventures pour Sabrina?
Pascal Marmet, Le Roman du parfum, Monaco, Editions du Rocher, 2012.