Science-fiction possible, lu par Livrogne.
La comète inspire les blogueurs; elle ne laisse pas les écrivains de marbre, on l'a vu récemment avec Claude Gonthier. Ce coup-ci, ce sont les éditions Transit, basées à Montréal, qui m'ont fait parvenir (merci à elles et à Sarah!) "Les amants de la dernière heure", roman qui met en scène une période presque actuelle, marquée par l'irruption d'une comète qui menace d'anéantir la Terre. "Un roman à lire avant la fin du monde", annonce la première page de couverture. Vraiment? Je vous invite à découvrir ce qu'il y a dans ce livre, écrit à quatre mains par Pauline Michel et Mario Pelletier.
C'est que le menu de ses 298 pages est copieux: le lecteur sera invité à passer tour à tour par une vision pittoresque d'un Parlement qui a sa poétesse officielle, Viviane, par des histoires d'amour émouvantes, par une plongée dans les abysses de l'histoire des nazis et, naturellement, par des allusions aux astres qui donnent à l'ensemble un petit parfum de science-fiction, entre autres à travers le personnage de Célestin, le bien nommé moine astronome.
C'est que mine de rien, les auteurs attachent beaucoup d'importance aux mots. Dans un registre sérieux, cela passe par le choix d'explorer à fond le champ lexical du ciel et de l'astronomie. De manière plus ludique, certaines pages sont un véritable festival de calembours tartignols, potaches ou franchement cotons, art dans lequel le personnage d'Arnaud d'Anjou est passé maître. Filant le parfait amour avec Viviane, il développe un jeu de rôle chevaleresque qui lui permet de ressortir tout un attirail lexical archaïsant. Même le vin des amants a un nom prédestiné: "Fusion"...
Arnaud, et surtout Viviane, constituent le moteur du récit. Autour de ces deux allègres sexagénaires, gravite une série de personnages non moins pittoresques, secoués par l'existence, tous artistes à leur manière, que le lecteur finira par trouver attachants de par leur côté doucement improbable, en particulier une actrice et un troglodyte venus d'Allemagne après la guerre dans des circonstances que le récit se chargera d'élucider: des soupçons pèsent sur l'un d'entre eux... ce qui permet de faire apparaître le personnage de Goldberg, grand chasseur de nazis et député. De même qu'il n'arrivera pas à conquérir le coeur de Viviane, il restera toujours légèrement extérieur au petit univers de solitudes créatives réunies.
Et puis il y a le Destin, présenté par les auteurs comme un personnage à part entière. Un petit artifice littéraire qui offre aux auteurs l'occasion de dévoiler les coulisses d'un récit - celles où l'on joue à jeter mille embûches sur le chemin des personnages, en tirant celles-ci au sort sur un jeu de tarot. Une manière de faire apparaître les auteurs dans le récit...
Et cette comète, alors? La question va curieusement rester en arrière-plan pendant tout le récit, les auteurs renonçant à décrire avec force drames mille scènes de panique. Leur choix consiste plutôt à montrer, à travers ses personnages, qu'on peut s'aimer comme si c'était la toute dernière fois, comme si la Terre devait disparaître demain. Et puis, la Terre est-elle vraiment dans la ligne de mire de la comète ou y a-t-il une marge d'erreur? Autour de l'astre, les auteurs entretiennent le suspens en sourdine.
C'est ainsi que se tisse un roman délicieusement brindezingue, un peu fantaisiste, tantôt drôle tantôt grave voire inquiétant, qu'on lit rapidement et avec le bonheur certain de goûter à mille thèmes et histoires tout au long de 35 brefs chapitres où l'optimisme domine.
Pauline Michel et Mario Pelletier, Les amants de la dernière heure, Montréal, Transit, 2011.