L'ami Calepin l'avait évoqué en son temps, le placo de Férocias l'aurait apprécié pour des questions de poids... et Wrath revient à la charge ce matin en citant Frédéric Beigbeder: faut-il adopter l'e-book? L'auteur controversé de "99 francs" est contre... et rebaptise du beau nom de "livre Gutenberg" la version papier. Son argument principal contre le livre électronique? L'absence de cérémonial qu'implique ce dernier.
C'est un argument original en faveur du livre Gutenberg. On l'ajoutera aux arguments affectifs maintes fois évoqués par de multiples (e-)lecteurs dès que le débat émerge: l'odeur du papier, le contact avec les feuilles, la farfouille en librairie, la gestion de piles à lire manhattanéennes, le creux léger qu'une impression traditionnelle au plomb peut faire dans le papier d'un livre datant d'avant l'invention de la composition informatisée. Tout cela, nous l'adorons, même lorsque notre bibliothèque ou notre PAL nous tombe dessus en traître - Férocias et Charles-Valentin Alkan, compositeur français mort accidentellement sous ses livres alors qu'il empoignait son Talmud, en savent quelque chose.
A ces derniers aspects physiques relatifs à l'encombrement, d'aucuns rétorqueront que les liseuses de livres électroniques permettent de tout avoir dans un seul contenant, plus gros qu'un roman d'Amélie Nothomb - et encore, dans les petites années. Les commerçants suggéreront même que c'est un réel bonheur de pouvoir farfouiller dans sa bibliothèque ou dans sa pile à lire depuis n'importe où, puisqu'on peut les emporter partout avec soi. Votre PAL dans le train: chic, en effet! Et pour ce luxe d'un genre nouveau, l'odeur de l'informatique neuve remplacera aisément celle du vieux papier tout champignonneux...
Mais quelques soucis d'ordre pragmatique devraient donner à réfléchir à ceux qui se tâtent. A-t-on pensé qu'un si petit contenant se perd facilement? Vous me direz qu'un livre, ça se perd aussi; mais une bibliothèque papier entière, là, il faut le faire. Les livres sur papier peuvent prendre feu, souffrir de dégâts des eaux... OK; mais ces problèmes peuvent aussi survenir pour une liseuse. Et là, c'est toute une bibliothèque qui peut se perdre. Sauvegarde de sécurité, me répondrez-vous. Oui, mais avec les livres sur papier, ce n'est pas nécessaire...
Côté technique, on devine sans peine qu'un livre Gutenberg vivra plus longtemps qu'une liseuse (dès lors, faut-il régulièrement transvaser sa bibliothèque d'un appareil ancien à un appareil de la nouvelle génération?), sans parler d'un être humain (le livre ci-dessus date du dix-neuvième siècle, époque des débuts de la littérature luxembourgeoise). Il y a aussi les aspects de confort de la lecture: à mon avis (mais peut-être que je retarde), le lecteur sur liseuse est toujours à la merci d'un plantage, d'un "freeze", voire d'une batterie à plat. Rageant quand ça arrive au moment fatidique où Ambre, qui est belle mais ne le sait pas encore avec ses yeux verts comme le fond d'une piscine, va déclarer sa flamme à Jack, le beau bûcheron musclé au coeur aussi tendre qu'un fondant au chocolat...
... et cet interlude harlequinien me permet de faire une transition douce vers le choix disponible sur liseuse, si possible dans le format de la vôtre. Certes, les classiques célèbres sont largement repris et disponibles à prix doux. Qu'en est-il de la littérature actuelle? Les grands éditeurs s'y sont peut-être mis; la situation doit être plus nuancée chez les moyens et les petits, qui ne sont pas forcément les moins intéressants comme on le sait. Enfin, qu'en est-il des ouvrages anciens tombés dans l'oubli, parfois injustement? Et la poésie?
Ah - et le dernier argument, un argument que Nicolas Sarkozy ne reniera certainement pas: une photo présidentielle avec un e-book en arrière plan, ça en jette quand même moins que si cet arrière-plan est constitué de beaux livres... il paraît même que certaines personnes achètent des livres au mètre, genre Pléiade, rien que pour la décoration d'un cabinet. Cela, sans parler des magasins de meubles, qui exposent parfois de vrais livres dans les rayons des étagères qu'ils exposent. Sans même être un objet de lecture, le livre Gutenberg en tant qu'objet décoratif, symbole de culture, n'est pas près d'être détrôné.
Et vous, plutôt papier ou électronique? Moi, j'ai choisi...
Illustrations: http://www.linternaute.com; http://www.luxembourg.public.lu/fr/culture/litterature/index.html
Tel était le cinq centième billet de ce blog. Pour marquer le coup, ça valait la peine d'être un peu plus technologique que d'habitude...