Roman, lu par Astrid Manfredi, Cassiopée, Céline, Christine, Eden, Liliba, Lucie, Marine, Marque-pages, Oncle Paul, Toujours à la page.
Le site Internet de l'auteur. Merci à Pascal Marmet pour l'envoi!
Onze carnets noirs chez un notaire, quelques personnes viennent les chercher... et c'est pour elles le début des catastrophes et des remises en question. Tel est le point de départ du roman "A la folie" de Pascal Marmet, paru aux éditions France-Empire. Cette lecture a été une excellente surprise: il s'agit d'un texte qui sait prendre les bons virages pour surprendre et révéler peu à peu les éléments essentiels de l'intrigue.
La structure du récit est conçue de manière parallèle, l'auteur invitant le lecteur à se mettre successivement dans la peau de Pascal Langle, assureur reconverti dans la direction de théâtre, et de Joanna Marcus, pigiste aux abois. L'alternance n'est pas rigoureuse; au fil du roman, l'auteur saura se glisser dans la peau d'autres personnages concernés. Du coup, changement dans les exergues aussi: alors que celles qui ouvrent les chapitres consacrés à Joanna et à Pascal sont signés d'une Ludmilla plus ou moins masquée, les autres arborent d'autres auteurs, ou personne - en fonction de la personnalité présentée.
Ludmilla, c'est la femme qu'on voit sur la couverture du livre, et dans le roman, son parcours est peu banal. Son prénom correspond au titre d'un autre roman de l'auteur; est-ce la même personne? Si un tel jeu d'échos existe d'une oeuvre de l'auteur à l'autre, ce dernier sait aussi jouer des résonances à l'intérieur de son roman. Il y a par exemple l'écho de la phrase "Je vais me répéter une dernière fois", tic de langage commun au notaire et à sa réceptionniste. Ou l'incendie du théâtre de Pascal Langle, auquel répond la crémation de certains personnages devenus inutiles. Ou encore la récurrence de la réceptionniste je-m'en-foutiste du notaire - elle apparaît deux fois, mais est-ce bien la même?
Dans la mesure où l'auteur fait peu à peu la lumière sur son récit, le lecteur sait qu'il a affaire à un roman à suspens. Pas évident au début, cependant: on pourrait croire, plutôt, à un texte introspectif sur l'impossible deuil d'un amour ou à une comédie romantique à l'américaine, dont le principe consiste à rapprocher sentimentalement deux personnages que tout éloigne, ou de concrétiser un amour réputé impossible. Cela, l'auteur ne le renie pas... et il sait manier un certain esprit d'astuce à l'occasion. Cela apparaît clairement dans le chapitre consacré à l'entretien d'embauche de Joanna Marcus chez "L", un journal du groupe Lagardère, calque assez transparent de "Elle" (Valérie Trianon, ça sonne presque comme Valérie Toranian - qui est la "vraie" rédactrice en chef de "Elle"). Le comportement de Mme Trianon n'est du reste pas sans rappeler, de loin, celui de la Miranda Priestly de "Le diable s'habille en Prada".
A ce jeu presque folâtre s'opposent quelques scènes d'action bien menées, telle la course-poursuite à travers Paris, qui dénote un talent certain d'observation de la part de l'auteur: celui-ci ne manque pas d'évoquer certains détails connus voire touristiques, à l'instar des animaleries du Quai de la Mégisserie ou des cadenas d'amoureux du Pont des Arts. Le soin du détail se retrouve aussi dans le style, rythmé par des phrases sans verbe, des points d'exclamation et d'interrogation et des moments où, à la manière de syncopes, les personnages s'interpellent eux-mêmes. Du reste, chaque personnage est bien caractérisé, également par le style: plus posé et introspectif pour Pascal Langle, plus pétulant et culotté, avec des dialogues rapides, pour Joanna Marcus.
De Paris à Nice et à Calvi, c'est donc à un voyage dynamique à travers la France que l'auteur invite son lecteur - une France diverse, qui aime certes le glamour (yacht, logement dans le Marais, magazine féminin à la mode) mais n'oublie pas le mal de vivre de ses personnages. Une lecture rapide, une plume vigoureuse qui oscille entre thriller à ambitions scientifiques et histoire amoureuse: "A la folie" est un roman à découvrir.
Pascal Marmet, A la folie, Chaintreaux, France-Empire, 2012.