2009, annus horribilis pour
la vénérable Helvétie? La Suisse n'a pas été épargnée par la célébrissime crise des subprimes, qui a suscité son lot de livres - on se souvient entre autres de l'excellent ouvrage de Myret Zaki
sur l'UBS, "UBS, les dessous d'un scandale",
qui retrouve une actualité certaine à l'heure où, convalescente, la banque doit s'apprêter à rendre quelques comptes. Mais l'UBS tient l'un des premiers rôles d'un autre ouvrage
récemment publié par les Editions Favre: "La Chute du secret bancaire", du journaliste et politologue suisse Pierre-Yves Frei.
L'action ne manque pas dans cet ouvrage pleinement ancré dans l'actualité. Il est centré sur le fameux "secret bancaire" suisse, comme son titre l'indique, mais relate aussi les tenants et les
aboutissants de la mise de la Suisse sur liste grise, dont je parlais ici. Les temps sont durs, tout le monde cherche à retrouver l'argent là où il pourrait se trouver; dans ce contexte, l'ouvrage de Pierre-Yves Frei est fort
instructif, dans la mesure où il constitue un historique du secret bancaire helvétique et expose sa situation actuelle.
On y apprend entre autres que le mythe du secret bancaire inventé pour protéger les victimes du nazisme est... un mythe, justement! Il a même si bien protégé les avoirs des Juifs
déportés pendant la Seconde guerre mondiale que leurs ayants droit ont eu du mal à récupérer leur bien - l'auteur rappelle donc longuement l'affaire dite des "fonds juifs en
déshérence", qui a secoué le monde des banques suisses dans les années 1990 et a débouché sur les travaux de la Commission Bergier, dans l'optique (réalisée) de faire toute la lumière sur le
comportement de la Suisse pendant la guerre. Naturellement, pas d'affaire des fonds juifs sans Américains...
... et là, l'auteur peint avec finesse les relations houleuses qu'entretiennent la Suisse et les Etats-Unis dès qu'il s'agit de haute finance - avec en prime un rappel des péripéties qui ont
conduit à inscrire la Suisse sur la liste grise du G20, exposant entre autres le rôle de Barack Obama dans cette affaire. Pas vraiment angéliques dans leurs activités aux Etats-Unis, les banques
suisses sont critiquées régulièrement, en particulier l'UBS. Alors que l'ouvrage de Myret Zaki, déjà cité (et utilisé comme source par l'auteur de "La chute du secret bancaire"), se montre souvent fort
technique (tout en restant très accessible!), celui de Pierre-Yves Frei adopte le mode de la vulgarisation pour présenter les acteurs, en particulier la FINMA, récemment épinglée par le Tribunal administratif fédéral suisse, ou un certain Bradley Birkenfeld, ancien employé clé de l'UBS. Hervé Falciani n'est pas loin non
plus...
Pierre-Yves Frei complète son propos par un état des lieux actuel, présentant les atouts et les handicaps des concurrents les plus sérieux de la place bancaire suisse: Singapour
et Dubai bien sûr, mais aussi Hong Kong et le Delaware - ce qui tend à démontrer qu'entre puissances financières, les rapports de force priment la raison. L'auteur présente,
brièvement mais suffisamment pour susciter la curiosité, les astuces (en particulier les mécanismes des trusts) que ces lieux autorisent à ceux qui souhaitent placer leur argent de manière,
disons... discrète. Ancré dans l'actualité, plus actuel que jamais même s'il a paru à la fin de l'an dernier, cet ouvrage s'adresse au grand public; il vaut la peine de s'y plonger pour mieux
comprendre certains tenants et aboutissants de la crise bancaire et financière actuelle.
Pierre-Yves Frei, La chute du secret bancaire, Lausanne, Favre, 2009.