Conte cinématographique, lu par Francesca, Le Divan Jeunesse,
Place To
Be.
La peur et l'oppression sont omniprésents au mystérieux village de Daggerhorn, régulièrement terrorisé par un loup-garou que les villageois apaisent en lui offrant, à intervalles réguliers, une belle bête à dévorer. Quand il commence à s'intéresser aux humains, ça devient chaud... et tel est le principe du roman "Le Chaperon rouge", de Sarah Blakley-Chartwright et David Leslie Johnson (sur une idée de Leonardo DiCaprio), qui vient de paraître aux éditions Michel Lafon et constitue la novélisation du film du même titre, qui sortira le 20 avril en Suisse et en France.
L'un des principes du conte réside dans l'idée de mettre en scène des temps immémoriaux. Les auteurs du livre l'ont compris et peignent ici une société qu'ils veulent archaïque. Ainsi se retrouve-t-on avec une forte ségrégation entre les sexes, chaque groupe ayant ses tâches bien établies, aux champs ou dans le ménage. Les mariages sont arrangés. Et puis, il y a un petit aspect "on est bien chez nous, et ce qui vient d'ailleurs n'est pas bon" - matérialisé par Peter, électron libre par rapport à la petite société de Daggerhorn, et par Césaire, habitant du cru, qui peine à imaginer ce qu'il peut y avoir en dehors du village.
Là-dessus, viennent se greffer des éléments d'oppression. Il y a certes les rôles des loups et du loup-garou, auxquels les villageois paient un tribut; de fait, ils ont accepté la servitude qu'il impose, sans franchement y gagner davantage qu'un peu de paix. On peut y voir le symbole d'oppressions modernes - finalement, il a un comportement de mafieux!
Les auteurs ajoutent ici une couche de religion, présentée ici comme un élément ambigu. L'élément religieux oppose deux figures de prêtres/pasteurs, celle de Salomon et celle d'Auguste. Salomon promet, mais ses interventions ne font que jeter une ambiance de paranoïa et de suspicion dans le village (début de la troisième partie). Auguste, lui, se veut plus clairvoyant que son bouillant confrère mais, figure faible, il se range à l'avis de Salomon - qui se présente en spécialiste des loups-garous. Ainsi la religion est-elle dépeinte comme au mieux impuissante, au pire pernicieuse en dépit de ses promesses. Cela dit, le fait que les lieux consacrés soient inaccessibles au loup-garou suggère qu'il y a quand même quelque protection à chercher de ce côté.
Le jeu des interdits qu'on brave fait aussi partie du monde du conte, et l'auteur l'a bien compris. Pour Valérie, qui joue ici le rôle du "Chaperon rouge", Peter constitue ainsi l'homme idéal dont elle est amoureuse, mais qui n'est pas accessible puisqu'elle est promise à Henry. Que faire? A partir de là, l'auteur montre aussi la maturation de la jeune fille, et passe par quelques clichés pour dépeindre les corps - on voit pas mal de torses musculeux de beaux jeunes hommes dans cette histoire.
On constate que les thèmes abordés sont classiques, et que ce récit marche parfaitement en tant que conte. Le conte traditionnel est quelque peu subverti, mis au goût du jour afin d'aborder des sujets qui peuvent toucher les adolescents, même si l'on y retrouve les personnages habituels - il y a même une mère-grand. Tout cela fonctionne sur le rythme d'une narration au style standard, jusqu'au dénouement du roman... qui n'en est pas un - d'où déception: pour connaître le fin mot de l'affaire (et savoir, en particulier, qui est le loup-garou), il faut aller consulter un site Internet prévu à cet effet. Dommage, d'autant plus qu'au moment où je l'ai consulté, le site (http://www.michel-lafon.com) était en construction.
Une lecture agréable, donc, volontiers accrocheuse - mais cette "non-fin" en a gâté le bon souvenir...
Sarah Blakley-Cartwright et David Leslie Johnson, Le Chaperon rouge, Paris, Michel Lafon, 2011, traduction de l'anglais par Arnaud Regnauld.
Merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour l'envoi en partenariat!