Le miroir comme métaphore de la gémellité, appliquée au genre du thriller : telle est
l’une des idées fortes du roman De l’autre côté du miroir de Dee Dee Membrado, publié cette année encore aux éditions Alpha-Sud. Laura, Carol, c’est un peu pareil – et il faut pourtant tout un
roman aux péripéties trépidantes pour les rapprocher de manière définitive.
Comme souvent dans les romans à suspense, un personnage trouve un bout de fil mystérieux et cherche à en trouver le bout. Ici, le bout de fil s’appelle Carol, et un jeune homme la trouve dans un cimetière, vivante mais totalement égarée. Peu à peu, le mystère s’éclaircit, au cours d’un chassé-croisé qui va osciller entre la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Les ingrédients de base de ce roman sont classiques, sans grande surprise : on y trouve un savant fou et l’hôpital qu’il dirige, des tueurs à gages, des policiers et même des agents doubles, à l’instar de Bad-Luck, dont on peut se demander, tout au long du roman, dans quel camp il va basculer, ce qui en fait un personnage particulièrement intéressant. Dotée de pouvoirs particuliers qui orientent le propos de ce roman vers le fantastique, Carol constitue aussi un personnage doté de profondeur : c’est à travers elle que le lecteur va découvrir les agissements du savant fou et les méandres de la destinée d’une paire de jumelles.
Au fil des pages, l’auteur développe, de manière plus ou moins appuyée, une réflexion sur les dévoiements d’une certaine science, désireuse de créer des êtres humains parfaitement soumis et imbibés de violence. Quelques réflexions sur la transcendance et sur Dieu, liées aux morts et destinées parfois cruelles dont ce récit regorge, émaillent également le propos de l’auteur.
Le lecteur attentif regrettera certaines phrases peu heureusement tournées, voire maladroites, ainsi que les nombreuses coquilles laissées par l’éditeur, qui donnent au livre un côté un peu trop brut de décoffrage. Celui qui préfère s’attacher à l’histoire sa laissera en revanche entraîner par ce récit aux ressorts classiques revisités, rédigé sans longueurs. L’histoire contient son lot de retournements de situation et d’instants de suspens, cela sans compter une résurrection étonnante. De quoi faire plaisir aux amateurs du genre.
Citation :
Bad-Luck raccrocha sèchement. Il avait compris qu’il n’avait pas affaire à un enfant de cœur. Il se frotta le menton en se demandant comment il allait procéder.
Rester calme, il fallait qu’il reste calme, et réfléchir. Malgré la fraîcheur il transpirait. Il se passa un peu d’eau sur le visage. De la paume de sa main, il jaugea sa barde naissant, devant le miroir il pensa quelques secondes aux Everglades.
Un brin de toilette. Puis un petit tour au réfrigérateur que la femme de chambre avait eu la bonne idée de réapprovisionner. Le scotch glissa aisément. « Un seul, je dois rester lucide, pensa-t-il ». Ca se complique, elle n’est plus seule. Faut pas que je la rate cette fois-ci. Je la trouve, je fais le boulot et je quitte ce putain de pays. Aussi simple que ça et bonjour la Floride ! »
Merci à « Les Agents Littéraires », à Dee Dee Membrano et aux éditions Alpha-Sud pour le partenariat et l’envoi.
Dee Dee Membrado, De l'autre côté du miroir, La Farlède, Alpha-Sud, 2011.