Manu ne l'a pas ressenti avec sa nouvelle acquisition. Cécile devrait se méfier. Nicolas n'en parle pas, la Tribune de Genève si... pourtant on l'a identifié: c'est le syndrome du stress informatique - cerné par une étude américaine récente. Sa conclusion? "Les consommateurs d'aujourd'hui accros au numérique sont de plus en plus dépassés et énervés par les problèmes techniques dans leur vie quotidienne". L'idée extrême, c'est que si vous avez une irrépressible envie de bazarder votre ordi par la fenêtre, c'est que vous êtes atteint jusqu'à l'os.
Diagnostic...
Certes, l'étude admet que quand tout va bien, les ordinateurs sont un truc formidable. Mais elle met aussi en évidence le fait que ce qui rend les utilisateurs malades, ce sont les lenteurs au démarrage, les pannes en général et l'exaspération suscitée par les interventions d'informaticiens. Ca sent le vécu, n'est-ce pas? Le syndrome viendrait aussi du caractère compliqué et frustrant des appareils, d'autant plus que, selon l'étude toujours, 94% des personnes interrogées en dépendent pour leur vie quotidienne, qu'il s'agisse de travail ou de loisirs... ou des deux. Et les deux tiers des mêmes personnes interrogées ont souffert de ce syndrome au cours de l'année écoulée, ou ont dû contacter un technicien (aux compétences trop limitées - on connaît ça aussi). L'étude affirme par ailleurs: "nous pensons qu'il est grand temps que ces sociétés du secteur technologique commencent à faire attention à ce qui suscite du stress et des douleurs chez les consommateurs pour y remédier".
... et réactions
Le journal "Le Matin" a également abordé le problème - en publiant la même dépêche d'agence, si je me souviens bien. C'est là qu'un lecteur-commentateur a cru bon de jeter un pavé dans la mare en déclarant qu'avec Mac, cela ne serait pas arrivé... Je suis partial dans cette affaire, puisque j'ai déjà réussi à faire planter des Mac en y insérant des disquettes, ce qui fait de moi un sujet au syndrome. Plus sérieusement, j'ose espérer que les auteurs de l'étude n'ont fait aucune distinction entre appareils PC/Microsoft et Mac. Après tout, la seule chose qu'on puisse concéder, c'est que les sources d'énervement ne sont pas les mêmes sur ces deux types de machines.
Tout cela me fait par ailleurs penser à certains éléments mis en avant dans "La Tyrannie technologique", ouvrage collectif tout bleu publié par les éditions L'Echappée en 2007. Les auteurs mettent en avant certains phénomènes qui peuvent inquiéter. Il y a par exemple l'idée finalement paradoxale qui consiste à faire confiance à une machine qu'on ne maîtrise pas entièrement et "pense" de façon très différente d'un humain. Ils considèrent aussi qu'on est entré dans une société des écrans - télévision et ordinateur - qui se développe au détriment des contacts réels (les auteurs n'ont manifestement jamais connu les DLE, organisés par Internet mais débouchant sur des rencontres réelles, dans de vrais bistrots, dénichés par une vraie personne, avec de vrais bons petits plats et des échanges de vrais livres...). Cela, sans oublier les effets de meute que peuvent créer certains réseaux constitués sur les points communs entre membres, où tout le monde pense pareil et où tout avis divergent, quasi par surréaction, est éjecté manu militari avec l'étiquette infamante de "troll" parce que le seul langage écrit ne suffit pas à rendre toutes les nuances d'une affirmation (en particulier l'humour, que les émoticones seuls ne peuvent représenter). Acteur ou spectateur, vous avez certainement connu cela, amis visiteurs.
Alors, tous malades? A quand le remboursement par la Sécu? Pour ma part, je vais aller finir le dernier Cecily von Ziegesar avec un verre de porto. L'ivresse de la lecture et l'agréable griserie de l'alcool sont quelque chose de bien réel, constatable à merci et que ni les sites Internet des producteurs d'alcool, ni les liseuses, Kindles et autres e-books ne sauront remplacer. Sans compter qu'un livre en papier ne risque pas de tomber brusquement en panne au moment de la scène fatidique...
Collectif, La tyrannie technologique, Paris,
L'Echappée, 2007.
Photo: Ammassi.