Thriller, lu aussi par Bad Chili.
Lu dans le cadre du défi Thriller.
Efficace et nerveux comme on aime. Tel est le climat qui caractérise "La Ville piège", un thriller bien frappé de l'écrivain américain Jason Starr, publié en 2005 par les éditions du Rocher dans une traduction signée Marie Ollivier-Caudray. Le lecteur ne pourra qu'être happé, irrémédiablement, par le récit de la descente aux enfers du personnage principal, le journaliste David Miller. Tout commence lorsqu'il veut récupérer son portefeuille volé...
Qui est David Miller? Au départ, on se dit que c'est un parfait looser, dragueur impénitent mais lourdaud; puis le roman impose une évolution à ce profil - viennent s'y ajouter l'astuce, la dissimulation, le mensonge, dans une grande cohérence comportementale: le bonhomme, un gars ordinaire et sans histoire qui aimerait qu'on lui fiche la paix, s'adapte à un environnement soudain hostile. Quitte à prendre de mauvaises décisions pour renforcer l'intérêt de "La Ville piège" ou à se révéler bagarreur. Tout cela, l'auteur le montre en montrant le personnage en action, à la manière d'un "show, don't tell" systématique et maîtrisé.
Il vit avec une Rebecca complètement foldingue et violente dont il n'arrive pas à se débarrasser - est-il besoin de préciser que c'est vaguement sa copine, mais qu'elle a un comportement de parasite? Les scènes de rupture impossibles deviennent un refrain récurrent et délicieux; le lecteur se délectera en effet des ressources de ce crampon nommé Rebecca, sans parler de la voisine, Carmen, qui a une fâcheuse tendance à se mêler des affaires de ses voisins. De ce côté-là, le ressort psychologique fonctionne à fond, sur la trame du chantage affectif.
Les méchants sont eux aussi du genre tenace et bien cinglés; l'auteur les fait intervenir tour à tour, créant une sorte de tourbillon qui entraîne le lecteur: d'un coup de théâtre à l'autre (souvent amenés par téléphone, l'objet devenant vite terrifiant), celui-ci se demande quelle tuile va encore tomber sur la tête du personnage principal. Comme péripéties, il y a de tout: chantage, combines louches, transport d'un cadavre, vol et arnaques, etc. Enfin, le fantôme de Barbara, soeur de David Miller, revient à la manière d'un contrepoint sentimental doux qui crée un contraste avec les scènes d'action et trouve une résolution en fin de roman. Résolution qui fait écho à la scène de bar du début...
Le titre "La Ville piège" m'interpelle. Il suggère que la ville va aussi jouer un rôle dans ce roman; cette ambition n'est pas totalement réalisée, force est de le constater. Certes, on reconnaît New York, ses taxis qu'on appelle d'un geste de la main; bien sûr, certains quartiers sont décrits ou suggérés non sans précision, ce qui parlera avant tout aux connaisseurs et habitants de la Grosse Pomme; mais l'histoire aurait pu aussi bien se passer ailleurs. En revanche, c'est bien dans un piège que David Miller s'enferre - un peu comme une mouche sur une toile d'araignée. Sauf que là, le personnage principal a contribué à fabriquer le piège en question.
Ces dernières considérations ne devraient empêcher personne de lire ce roman, redoutablement accrocheur, porté par un style nerveux et rapide qui privilégie l'efficacité et sait faire fonctionner les potentialités du rythme narratif pour jouer avec les nerfs du lecteur, dans une manière qui est, à plus d'une reprise, quasi cinématographique.
Jason Starr, La Ville piège, Monaco, Editions du Rocher, 2005, traduction de Marie Ollivier-Caudray.