Polar musclé, lu par Biblio, Black Novel, Christine, Fractale, Noirs Desseins, Yv.
Merci aux Agents Littéraires et aux éditions Jigal pour le partenariat et l'envoi du livre.
Il fallait s’y attendre : un roman qui fait intervenir les forces de la BAC ne peut qu’être généreux en scènes choc, on le sait depuis Mako, roman de Laurent Guillaume. Paru il y a peu aux éditions Jigal, Le Cramé de Jacques-Olivier Bosco ne fait pas exception. Dans ce dernier roman, tout commence par un casse foireux qui met en scène la bande de Gosta Murneau, dit « Le Cramé » – foireux parce que quelqu’un, parmi les casseurs, a averti la police au préalable. Dès lors, Gosta va infiltrer la police pour savoir qui est le traître. Accessoirement, il va se retrouver avec une enquête sur les bras, portant sur la disparition d’un enfant.
Un brigand qui infiltre la police : telle est en effet l’idée de départ de ce roman. Elle rappelle l’intrigue du film Les Infiltrés de Martin Scorsese, expressément citée par l’auteur du Cramé. C’est une idée productive : elle permet à l’auteur de positionner son Cramé en agent double, contraint de faire face à des situations imprévues où il doit ménager la police tout en évitant de nuire à sa bande. Et puis, elle fait naître la possibilité, dûment exploitée, de confronter deux modes d’action, deux cultures : baignant dans une routine plan-plan, l’équipe de police que le Cramé va diriger sous le nom d’Ange Gabriel va soudain se retrouver embarquée dans des activités de terrain risquées, voire volontiers violentes. Ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire.
Je l’ai dit, nous ne sommes pas ici dans une histoire d’enfants de chœur, et la violence est à l’honneur plus souvent qu’à son tour, sous toutes ses formes : tirs croisés, bagarres, homicides particulièrement cruels à l’instar de la torture et de la mise à mort du personnage de Bayonna. Se complaisant volontiers dans le caractère cruel descriptions, l’auteur sait valoriser ces épisodes d’action en les entourant de passages plus calmes. À cet égard, le contraste entre le chapitre 1, particulièrement violent, et le chapitre 2, plus serein en apparence, est exemplaire.
Quarante-deux chapitres se succèdent ainsi, faussement courts : la mise en page serrée s’avère trompeuse, et il convient de prendre son temps pour lire ce roman policier. Ce, d’autant plus que l’auteur, même s’il sait où il va, tend parfois à traîner en route : alors que le lecteur perçoit très bien, à travers ses paroles, quelle sorte d’ordure pédophile en complet cravate est l’avocat Bayonna, l’auteur double cette sensation en disant expressément ce qu’il en est (chapitre 13). Autre bémol : alors que l’action se déroule en région parisienne, il m’a paru étonnant, pour le moins, de découvrir qu’une part non négligeable des personnages portent des patronymes qui fleurent bon le Midi et la Corse. Cela dit, peut-être que cette impression de décalage est due à ma connaissance lacunaire des structures et des hommes de la police française. Enfin, les filles sont un peu trop souvent belles à tomber...
Cela n’altère cependant guère le plaisir de lecture. Les amateurs de plaies et de bosses seront, on l’aura compris, comblés – tout comme le seront aussi ceux qui goûtent aux références littéraires (ambiances à la Roger Borniche) et surtout cinématographiques. L’évasion du Cramé n’évoque-t-elle pas, par exemple, celle d’un certain Albert Spaggiari, relatée dans le film Sans arme, ni haine ni violence de Jean-Paul Rouve ? Cela, sans oublier quelques tableaux saisissants de la banlieue et de la vie terrible qu’on peut y mener – cela, autour d’un Cramé soigneusement détaillé, qui revisite avec intelligence le mythe du bandit au grand cœur, doté d’un sens aigu de l’honneur et de la parole donnée, qui va le mener au bout de lui-même.
Jacques-Olivier Bosco, Le Cramé, Marseille, Jigal, 2011.