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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 20:49

hebergeur imageAvez-vous dit Patrick Süskind? Que nenni. Ce soir, je vous emmène entre Biarritz et Grasse, où l'écrivain niçois Pascal Marmet a campé le propos de son roman "Si tu savais...", publié en 2010 aux éditions France-Empire. Ce roman, c'est deux choses au moins: d'une part une histoire d'amour charmante, d'autre part la légende de la création d'un parfum, justement nommé "Si tu savais..." et précisément créé par le parfumeur Galimard, mis en scène par l'auteur - qui, pour le coup, n'invente (presque) rien. Un parfum de compagnonnage appuyé? Peut-être, mais cela n'enlève rien à la valeur intrinsèque du récit.

 

En fin de roman, le lecteur aura certes l'impression que tout s'achève un peu vite et que quelques incohérences émaillent le récit: est-ce que Sabrina, lsi désireuse de devenir "nez" dans la parfumerie et de travailler dur pour y arriver, peut vraiment oublier un carnet d'étude dans une pièce? Et la personne de Sylvie Magellan, arrivée et qui tient mordicus à son poste, peut-elle être écartée aussi facilement, par un bête licenciement pour faute grave? Elle aurait dû se défendre... Enfin, est-ce que Marc Lettellier, patron d'un restaurant de haut niveau donc forcément connaisseur, est vraiment du genre à acheter son champagne dans une supérette? Ah, si sa clientèle savait! Mais peut-être le subodore-t-elle...

 

C'est pourtant sur cet achat que tout commence, dans un petit magasin, puisqu'une blessure due à du verre brisé suffit à rapprocher deux âmes dont on devine vite qu'elles finiront ensemble - le roman se proposant de se concentrer sur la description des méandres de l'idylle. Et c'est dans la manière de nouer progressivement le lien entre les deux personnages que l'auteur fait montre d'une habileté certaine: à partir d'un serre-tête en vichy  rose, il dessine peu à peu la silhouette, puis les traits de la fameuse Sabrina - une méthode de rétention d'information qui va pousser le lecteur à en savoir plus, donc à tourner les pages... et à lire. C'est avec Sabrina aussi qu'arrive l'élément original du roman: cette jeune femme insignifiante (mais qui le devient de moins en moins au fur et à mesure qu'on la découvre et qu'on la trouve attachante - et que Marc découvre sa beauté... approche classique du roman sentimental) a un odorat nettement supérieur à la moyenne qu'il conviendra de valoriser. Dès lors, la romance va se doubler d'une reproduction moderne du mythe de Pygmalion.

 

Si Sabrina est sans conteste la Galatée de son Pygmalion, on peut y voir aussi deux autres images: celle de Cendrillon bien sûr, dans la mesure où Sabrina exerce une fonction subalterne et peu valorisée (caissière dans une supérette) et est étouffée par une famille dont elle est la cadette et qui, mine de rien et sans avoir forcément de mauvaises intentions, la brime dans ses aspirations. Tel serait le point de départ; l'évolution du personnage, quant à elle rappelle plutôt l'ouverture d'une fleur qui, après avoir été un bouton discret, devient progressivement éclatante au fil de son épanouissement. Et la métaphore florale est pour le moins judicieuse dans un roman qui se passe dans le monde de la parfumerie...

 

Bien amené, un peu comme une odeur se fait discrètement jour avant de devenir entièrement entêtante, l'élément original du roman - c'est-à-dire le parfum et la parfumerie - envahit progressivement le roman. De Galimard, entreprise de parfumerie de tradition, l'auteur donne une vision suffisamment ambivalente pour qu'on ne croie pas à un coup de publicité trop appuyé: certes, il évoque une certaine passion des méthodes traditionnelles à travers le personnage de Victor; mais il évoque aussi certains travers propres à l'entreprise (en particulier les luttes de pouvoir qui s'y trament), ce qui lui permet en outre, du point de vue narratif, de placer quelques épreuves et doutes sur la route de Sabrina, baladée de stage en stage sans qu'une quelconque cohérence soit perceptible dans cette carrière. Qui tire les ficelles? Le lecteur peut le deviner aisément. Quant à la séparation d'avec l'amant et au silence mystérieux de celui-ci, c'est aussi un passage obligé du roman sentimental.

 

Autant dire que l'auteur, malgré quelques imperfections, maîtrise indéniablement les codes et techniques du roman sentimental. Ainsi trousse-t-il une histoire qui fonctionne globalement. Son cadre, le monde de la parfumerie dans son ensemble (de la cueillette à la boutique), est dépeint de manière à la fois simple et crédible, développant au passage une certaine sensualité. Le tout est encore porté par un style simple, fait de phrases souvent courtes qui accrochent le lecteur. Sans chichi, l'auteur développe ainsi une belle histoire d'amour, teintée de drames et de questionnements dans le Sud de la France.

 

Pascal Marmet, Si tu savais..., Chaintreaux, France-Empire, 2010.

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commentaires

S
" A la folie" m'avait vraiment plu, mais je vais peut-être me laisser tenter...
D
<br /> <br /> On y retrouve effectivement les mêmes qualités; vous devriez vous trouver dans votre élément, avec en prime le goût du Midi de la France. En tout cas, je vous souhaite une bonne lecture - et<br /> merci de votre passage par ici!<br /> <br /> <br /> <br />
A
Alors si en plus il y a de la philosophie et du questionnement, voilà qui ne peut que me plaire.
D
<br /> <br /> ... surtout que c'est agréable à lire et que ça se met en place tout en douceur.<br /> <br /> <br /> <br />
S
j'ai adoré ce roman<br /> et pas uniquement parce que je m'appelle sabrina....
D
<br /> <br /> Merci de votre visite! J'ai aussi passé un bon moment avec le petit monde qui gravite autour de Sabrina et de Marc.<br /> <br /> <br /> <br />

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