Recueil de nouvelles, aussi lu par Moisson Noire, Racines, Un monde plus coloré.
Une Volkswagen Coccinelle verte, des ombres nettes sur un sol surexposé suggérant une chaleur insoutenable qui enveloppe un monde de secrets étouffants et indicibles: les éditions Phébus ont bien choisi la photo (signée Ismaël Castan) de la couverture de "Mexico Quartier Sud" du cinéaste mexicain Guillermo Arriaga. Il s'agit d'un recueil de nouvelles traduit de l'espagnol par Elena Zayas et rassemblant des textes courts écrits entre 1983 et 1995.
L'incipit de "Lilly", premier texte du recueil, annonce la couleur sans ambages: "Ils l'ont tuée, je le sais, et je suis seul à le savoir." Dans tout le livre, il sera question de mort, de violence, et de secret...
Le secret est, en effet, le fil rouge des quatorze textes recueillis. Cela commence avec "Lilly", relatant l'insoutenable secret du père de famille qui, seul, sait que ses enfants ont tué leur cousine. Ou le mystère de la veuve Díaz - qui aime son mari, contrairement à ce que colporte la rumeur ("La veuve Díaz"). Ou l'avortement, soldé par le décès de la femme qui l'a subi, qu'un médecin peu scrupuleux cherche à cacher... avant de négocier le silence des policiers venus le coffrer pour pratique d'un acte médical illégal ("La nuit bleue"). Personnage récurrent de ces nouvelles, le docteur Del Ríos a du reste une conception très personnelle du secret médical, puisqu'il se fait aussi le complice très actif du maquillage d'un homicide ("Légitime défense")...
Quant à la mort, elle emporte régulièrement l'un ou l'autre personnage. Elle n'est jamais sereine: souvent violente, elle est aussi parfois morbide ("Ultimatum violet" est-elle, à ce titre, le récit d'une bravade ou d'un suicide prolongé?) ou maladive, ce qui réveille un sentiment bouleversant de tendresse, comme dans "Le visage effacé". En filigrane, on devine un rapport particulier à la mort, qui n'exclut pas le non-sens ni l'humour - noir, bien sûr, et à ce titre, la nouvelle "Rogelio", la plus courte du recueil, est phénoménale.
Sur quoi repose la force évocatrice de ces quatorze récits? Dès le début du recueil, "Lilly" met en évidence les qualités littéraires de l'auteur. Celles-ci reposent sur une grande habileté dans les changements de point de vue, sobrement amenés (à ce titre, voir aussi le terrible "195"), et le côté dépouillé des dialogues. Cela, sans oublier une certaine naïveté qui contraste avec la violence cruelle du récit et la mise en scène d'enfants qui malmènent leur cousine - qu'on devine handicapée, sans que cela soit expressément dit - dans un crescendo terrifiant. Un climat d'horreur que la quasi-absence de dramatisation souligne en donnant une certaine impression de détachement de la part de celui qui s'exprime.
Et là-derrière, c'est une misère humaine indicible qu'on lit, celle des quartiers populaires du sud de Mexico et de l'Avenue Retorno. Celle aussi des humains qui, dès leur prime jeunesse, ne connaissent que la violence comme argument - une violence qui s'apprend à la rude école de la loi du préau (voir à ce titre le personnage du Viking dans "Invaincu", ou celui de Peláez dans "Une question d'honneur" qui lui fait écho). Une misère humaine qui fait écho à la sobriété des descriptions des lieux où évoluent ces personnages, lieux où ne passent que quelques voitures, où l'on ne sait guère comment sont les maisons.
Sobre, toujours, Guillermo Arriaga. Et fort, avec ça.
Magnifique...
Guillermo Arriaga, Mexico Quartier Sud, Paris, Phébus, 2009, traduit par Elena Zayas.