Lu par Emilie.
Lu dans le cadre du défi Premier roman.
Au début, il y a le feu. C'est ainsi que s'ouvre "Rater mieux", le premier roman de Géraldine Barbe dite Barberine, paru en 2008 dans le cadre de la collection "M@nuscrits" lancée par Leo Scheer - c'était du reste le premier de cette collection, et la blogosphère avait salué la démarche, originale, consistant à éditer sur papier des auteurs présélectionnés en ligne sur la base d'avis de lecteurs. Depuis, le temps a passé; revenons donc au feu...
... un feu, un incendie même, qui fait figure de symbole purificateur en début de roman. Ainsi l'auteur suggère le début d'une nouvelle vie, l'ancienne ayant été dévorée par les flammes, permettant le deuil. Face à cela, la naissance de l'enfant de la narratrice symbolise un renouveau; durant tout le roman, il fait figure de boussole, de seul élément stable. Ce que soulignent d'amples passages en italiques, où s'exprime un amour passionné, inconditionnel.
Reste qu'à part cette boussole, la narratrice se retrouve confrontée au vide de son existence. Une existence en partie vécue par procuration sur MySpace et sur Google (des fois que la narratrice serait à l'affiche et qu'elle ne le saurait pas - intéressant jeu de miroir autorisé par l'internet), qui ressemble aussi, parfois, à une manière de perdre son temps en subissant son existence: projet théâtral qui n'avance pas, volonté labile de se reprendre en main, errements, attentisme - le titre fait du reste référence à "En attendant Godot" de Samuel Beckett: "Essayer. Rater. Essayer encore. Rater mieux." Peu d'aide à espérer de Pôle Emploi, enfin, d'autant plus que la narratrice refuse tout expédient. Cet attentisme, la narratrice le justifie par sa vocation d'actrice de théâtre habituée à faire ce que lui ordonne un metteur en scène.
Dès lors, le lecteur a envie de lui mettre quelques claques, à cette narratrice qui aimerait bien exister mais ne sait pas trop comment faire... La rédemption pourrait venir de l'écriture; du coup, il est possible de concevoir ce roman comme le fruit de cette démarche personnelle de la narratrice. Cela, d'autant plus que le texte donne la priorité à l'introspection. Une introspection qui s'exprime en pages aussi peu chargées que l'existence de la narratrice, où se recrée un univers parisien où des Espagnols servent au restaurant dans lequel elle prend des notes. De là à aller dire que l'auteur est la narratrice, il y a un pas que je ne fais pas, malgré les ressemblances entre les deux personnes: je préfère considérer que je est un autre, comme qui dirait, et que l'auteur crée une fiction, un roman avec un personnage distinct d'elle, à partir de sa propre matière. Qu'elle se crée son propre personnage de théâtre.
En définitive, on se perd un peu dans cette tranche d'existence qui avance petit à petit et foisonne de mille petits riens qui, dans le néant, revêtent une importance notable et suscitent une impression de dispersion ou de brouillon. Une impression tout à fait en phase avec le personnage de la narratrice, mais peu évidente à réceptionner pour un lecteur qui aime parfois qu'on le prenne par la main. Pas tout à fait convaincu par ce premier opus donc; mais j'ai bien envie de revenir à cet auteur à une prochaine occasion.
Géraldine Barbe/Barberine, Rater mieux, Paris, Leo Scheer, 2008.