Recueil de nouvelles, lu par Du bleu, Hambreelie, Lali, Liratouva, Paris secret, Thé au Jasmin.
Le blog de l'auteur.
Rentrée littéraire: 8/14
L'adjectif "parisophile" existe quelque part dans la blogosphère. Il s'applique à merveille au petit recueil de douze nouvelles, signé de la blogueuse Myriam Thibault, qui a paru en août dernier aux éditions Leo Scheer. Son titre? "Paris, je t'aime". Son sujet? Tout est dans le titre, avec un clin d'oeil à un film d'Olivier Assayas, sorti en 2005.
"On ne sait pas réellement si vous parlez de vous, ou si vous inventez", écrit une lectrice à l'écrivain qui est le narrateur de la nouvelle "Une journée Boulevard Saint-Germain". Eternelle question qui se pose dès qu'un auteur s'exprime! Celle-ci survient à l'esprit du lecteur dès qu'il ouvre ce petit livre: quelle est la part de vécu, quelle est la part de rêve? Une question qu'on peut aussi se poser lorsqu'on pense à un Frédéric Beigbeder, celui de "Windows On The World" par exemple. C'est du reste lui, ou l'un de ses semblables, écrivains à succès, qui paraît constituer le modèle du narrateur de cette nouvelle. L'auteur de ce texte campe ici avec aisance un personnage sûr de lui, un rien m'as-tu-vu, paresseux même dans la mesure où on ne le voit guère écrire alors qu'il se dit auteur. Quelques phrases placées en contrepoint et en italique balisent la philosophie du personnage. La nouvelle étant un genre de convention, l'auteur (celle de la nouvelle donc, pas le personnage) réussit à concentrer sur une seule journée de nombreuses activités aux arômes touristiques ou boutiquières, révélant les plus belles vitrines et adresses de la Ville Lumière.
A cette nouvelle diurne, fait suite un texte intitulé "Minuit" (tiens, comme l'éditeur!), qui constitue un flash sur Paris by night et le romantisme amoureux qui s'en dégage; "La jeune fille au trench rouge" fait suite, dévoilant le côté potentiellement dramatique d'un épisode de vie à Paris - cité impitoyable parfois. Elle fait écho au happy end de "Quelques saisons plus tard", histoire d'amour un peu folle, mise en scène en grand, passionnément, parce que Paris, c'est aussi "l'amour, toujours".
"Paris, je t'aime", c'est aussi une petite musique. Elle s'installe dès le premier texte, "Paris je t'aime" justement, qui énumère une bonne pelletées de marques et de noms qu'on associe volontiers à Paris: Ladurée pour les macarons, Frédéric Beigbeder, Lautréamont, Fabrice Luchini, les chaussures Repetto - seules les glaces Berthillon manquent à l'appel. Plus loin, la mention des noms et lieux associés à Paris se poursuit, de manière régulière quoique discrète. L'auteur a aussi un certain goût de l'anaphore, qui constitue le moteur, la manière du début de la nouvelle "Un jour, peut-être..." - un côté concept qui fait écho au style conceptuel (ah, la cuisine qui vous laisse affamés!) du restaurant fatidique dont il est question ici. La musique du verbe fait écho à la musique des chansons de Serge Gainsbourg, dans une démarche d'écrivain qu'on a certes déjà vue ailleurs: l'auteur fait revenir sur Terre l'ectoplasme du locataire le plus célèbre de la Rue Verneuil pour le faire parler en utilisant les titres et textes de ses chansons. Qu'importe, cependant: Paris, c'est aussi des chansons qu'on fredonne dans le monde entier. La musique est du reste omniprésente dans ce petit livre, qu'elle soit de Paris ou d'ailleurs, ce qui invite à lire avec son lecteur CD à fond, un casque d'écoute sur les oreilles.
Une plume prometteuse, donc, que celle de Myriam Thibault! Ce petit recueil se lit d'une traite, en à peine deux heures; il sait faire rêver, au détour d'une page, aux mille scintillements de Paris - ces scintillements, poussières d'étoiles à la fois superficielles et essentielles qui font rêver plus d'un provincial, plus d'un touriste venu de loin.
Myriam Thibault, Paris, je t'aime, Paris, Leo Scheer, 2010.