Vous souvenez-vous de la dictée de Romont? J'avais participé à sa première édition l'an dernier, inscrit en dernière minute, et y avais décroché la deuxième place après avoir fait face à un texte d'Erik Orsenna. Face à l'enthousiasme des candidats au terme de cette première édition, les organisateurs (Estelle Perritaz, libraire à l'enseigne de "La Rumeur" à Romont, et son équipe) ont décidé de remettre ça cette année. Et moi, j'étais décidé à faire mieux.
Cette fois, les organisateurs ont vu plus grand, et avec raison! C'est ainsi que la Tour du Sauvage, où les candidats étaient très serrés, a été délaissée au profit de la salle Saint-Charles, qui dispose d'une infrastructure plus adaptée - en particulier des tables offrant un confort d'écriture supplémentaire aux quelque 70 candidats présents. A nouveau, c'est un public local qui est venu se confronter à un texte signé Bernard Pivot, "Chambre-bibliothèque", tiré de "Les Mots de ma vie", son dernier opus.
L'exercice a, comme l'an dernier, ses forces et ses limites. L'avantage essentiel est de faire découvrir au public un texte bien écrit, signé d'un homme à la plume reconnue - pour un peu, on aurait dit qu'il y avait de vrais morceaux d'apostrophes dedans. Qui plus est, Jean-Luc, le "dicteur", s'est montré adroit, dictant juste assez vite pour maintenir la concentration dans la salle. La limite du choix d'un texte littéraire (plutôt que d'un texte spécialement écrit pour l'occasion) est que le candidat est tenu de rendre une copie orthographiée telle que l'auteur l'a publiée - quitte à devoir jouer à pile ou face, ou presque, des orthographes également correctes et justifiables. Par exemple, vos livres s'entassent-ils en pile ou en piles? Sur ma copie, les piles furent au pluriel (et ma pile à lire est plurielle, aussi, c'est carrément Manhattan... la preuve!); chez Bernard Pivot, au singulier... L'essentiel était cependant le plaisir du jeu et de la rencontre avec les mots et avec les personnes.
Quatre fautes plus tard, j'ai décroché la première place... ex aequo avec un autre passionné des mots. Il nous a fallu interrompre quelques minutes la verrée, offerte par la librairie, pour refaire une petite dictée, fort pédagogique, sur les mots qui se prononcent [ER] - hères, aires, R, et autres. J'avoue avoir eu une illumination de dernière minute sur "ers", ces lentilles chères aux cruciverbistes et verbicrucistes - au moins, je ne noircis pas tous les matins les grilles du "20 minutes" pour rien! Un sans-faute sur ces quelques lignes m'a permis de décrocher la première place de ces joutes.
Et c'est avec les oeuvres de Kundera en Pléiade sous le bras que je suis rentré chez moi, non sans avoir abondamment discuté avec de nombreux passionnés de langues et d'orthographe - que je salue ici, et félicite d'avoir eu le courage d'affronter l'épreuve. Et aussi, bravo et merci à l'équipe de l'organisation!
Photo: Framo.