Achever des études de mastère en administration publique, cela signifie faire quelques lectures. Je m'étais
lancé dans le Que sais-je? que Gwénaële Calvès, professeur de droit public à l'université de Cergy, a consacré à la discrimination positive, mais ce n'est qu'avant-hier que j'en ai terminé
la lecture. Pour mon travail, il me suffisait de pouvoir justifier que la théorie de la discrimination positive était moins performante que celle de la bureaucratie représentative pour servir de
socle théorique; et si je l'ai terminé, c'est pour me faire un petit bout de culture générale supplémentaire.
Bref et synthétique comme peut l'être un Que sais-je?, celui-ci fait le tour de la question de la discrimination positive. Celle-ci est présentée comme une manière de créer des discriminations "légales", "bienveillantes" afin de favoriser certains groupes de population et de produire davantage d'égalité pour ceux-ci. Prenant l'exemple des Etats-Unis, l'auteur développe l'idée d'une forme de rattrapage profitant aux Afro-Américains, dans l'idée de réparer l'erreur historique de leur immigration forcée afin de soutenir la société esclavagiste. Cela, quitte à s'exposer à l'objection "méritocratique", qui veut que seul le mérite doit autoriser, par exemple, l'accès à telle université de prestige.
La notion de quotas est également abordée, sous plusieurs angles. De manière originale, l'auteur expose la situation en Inde, pays apparemment assez intéressé à cette question, où elle a pu identifier une politique publique réservant à la caste des intouchables (dalit) des postes d'enseignement dans les universités. Problème? Les personnes issues des castes inférieures n'arrivent jamais à mener des études suffisamment loin. Ainsi l'égalité, certes formellement présente, n'est-elle pas réalisée dans les faits.
Il y a aussi, selon l'auteur, à faire pour réaliser l'égalité entre hommes et femmes - et, d'une manière qu'on sent un peu plus engagée, le propos prend l'exemple de la France pour évoquer certaines dispositions, telles celles devant favoriser davantage d'égalité salariale. La question de la parité sur les listes électorales est également abordée. Numériquement, c'est un succès selon l'auteur, qui nuance cependant la qualité de cette avancée dans le domaine: certains domaines et fonctions restent toujours plus difficiles d'accès aux femmes qu'aux hommes.
En France toujours, l'auteur pose la question des mesures de discrimination positive consenties à certaines parties du territoire, quartiers difficiles ou sensibles, zones prioritaires, etc. Cela, en relevant que si ces zones profitent de mesures de discrimination positive, elles ont tout intérêt à faire en sorte de remplir le plus longtemps possible les conditions permettant de profiter du système. Et puis, n'est-ce pas, dans certains cas, une manière détournée de favoriser certains groupes minoritaires de France, difficiles à identifier, d'un point de vue légal, d'une manière autre que par le critère de leur lieu d'habitat, faute, par exemple, de statistiques ethniques?
Gwénaële Calvès signe ici un petit livre très instructif sur un sujet passionnel, qui cristallise quelques légendes et idées préconçues plus ou moins vraies. La réflexion est approfondie, originale parfois, et permet d'entrer de plain pied dans ce sujet afin de pouvoir en parler en connaissance de cause.
Gwénaële Calvès, La discrimination positive, Paris, PUF/Que sais-je?, 3e édition, 2010.