Il y a quelques années que les
Editions du Rocher ont publié des extraits des "Facéties" du Pogge et des facéties et bons mots du Curé Arlotto, sans autre prétention que de faire sourire, voire rire des lecteurs curieux... et
il y a quelques années que ce livre traîne sur ma pile à lire, sans que je sache trop comment l'attaquer. Bien m'a pris, cependant, de m'y mettre: cela m'a permis de replonger dans l'univers
cocasse des petites histoires qu'on se racontait un peu partout au Moyen Age et à la Renaissance, voire plus tard - et jusqu'à aujourd'hui même.
Deux volets, donc - commençons par le premier: il s'agit donc d'extraits des "Facéties" du Pogge (Poggio Bracciolini), écrivain florentin du quinzième siècle. La principale caractéristique des
"Facéties" ("Confabulationes", écrites en latin et dûment traduites ici), c'est d'être courtes, voire très courtes - un bon mot ou un bon tour pouvant être amené avec habileté en cinq ou six
lignes. On conçoit que l'efficacité règne ici; le plus souvent, chaque mot compte pour comprendre tout le sel de l'histoire. L'auteur n'est toutefois jamais si sec qu'il n'oublie les effets de
réel, qui sont nombreux. Il fallait en effet accrocher le lecteur en lui faisant accroire que ces anecdotes et petites phrases sont vraies. Les histoires sont donc souvent localisées,
régulièrement dans des villes du nord de l'Italie: Venise, Mantoue, Gênes, voire Rome. Quelques personnes célèbres, des papes entre autres, sont citées - c'est
le namedropping avant l'heure, pratiqué avec
discrétion cependant. Enfin, l'auteur ne manque jamais de rappeler que c'est un témoin digne de foi qui a connu l'histoire. Un réalisme de convention, bien sûr... brisé par l'ultime texte
cité, où l'auteur dévoile son "officine de mensonges" (bugiale) où oeuvrent des personnsages aux noms louches (l'un s'appelle justement Loschi).
L'humour est un autre ressort qui permet d'accrocher le lecteur, humour de petites phrases et de grosses situations mettant en scène des curés paillards, des niais des deux sexes, des escrocs,
des ménages à trois; l'auteur ne recule pas devant la scatologie à l'occasion. Le tout sert souvent une morale, explicite ou non, volontiers souriante.
Et qui est le Curé Arlotto? Il s'agit d'un personnage récurrent d'une bonne quantité d'histoires, prêtre débonnaire, souvent populaire, mais qui n'hésite pas à dire leur fait à ceux qui le
méritent ou le lèsent à l'occasion d'un bon tour dont il sait se tirer avec le sourire; c'est aussi un voyageur qu'on retrouve à bord de galères - comme aumônier, sans doute. Réel ou imaginé? Peu
importe; mais on ne sait pas grand-chose de lui. Ses aventures sont racontées avec brièveté aussi, mais sans atteindre toujours à la jouissance de la pénétration des textes (1) du Pogge.
En particulier, certains récits mettent en scène le curé relatant un apologue pour donner à réfléchir à un personnage qu'il est appelé à côtoyer. Forcément, ça allonge un peu le texte - mais on
reste dans le registre bref, on change de points de vue, et on rit parfois de bon coeur. L'éditeur a choisi d'utiliser ici une traduction ancienne des textes italiens, remise au goût du jour,
conservant cependant quelques délicieux archaïsmes qui donnent à ces facéties et bons mots un petit air rétro.
On en parle chez Pan-OR-amiques
et Eireann.
Le Pogge Florentin, Le Curé
Arlotto, Facéties et bons mots, Monaco, Editions du Rocher, 2003. Edition établie par Etienne Wolff.
(1) Et non d'autre chose, qu'alliez-vous donc croire là?