Lu par Aliocha, Clara, Enlivrons-nous, Eternel Retour, Miss Bavarde.
Blog de l'auteur: Second Flore.
La couverture aurait mérité un éclat de couleur... tant il est vrai que "Le métro est un sport collectif", dernier livre de Bertrand Guillot, s'efforce, page après page, de donner des couleurs au monde très parisien, volontiers perçu comme gris et terne, du métro. Monde parisien en ce sens que ceux qui empruntent ce moyen de transport sont souvent des navetteurs ayant un emploi ou une activité dans la capitale française; mais aussi monde touristique, dans la mesure où nombreuses sont les personnes qui ont fait leur baptême du métro à Paris. C'est mon cas... et ça vous marque un homme.
L'auteur présente son ouvrage comme un recueil de chroniques. Le lecteur va donc se retrouver face à de courts chapitres à l'action resserrée, qui sont autant de choses vues, érigées au rang d'anecdotes, relatées et réenchantées selon les critères de la littérature - une littérature qui sait observer, saisir les interactions, capter la beauté qui se cache dans l'ordinaire, dans un remerciement inattendu ou dans un geste de charité inespéré. Et telle est la démarche de l'auteur: débusquer une relation amoureuse naissante, immortaliser un sourire adressé à un mendiant ou à un musicien, rendre attachantes les figures les plus grincheuses de ce moyen de transport.
Si certains événements sont présentés comme réels, l'auteur n'hésite pas à signaler que certaines péripéties sont rêvées. Souvent, il s'agit d'une réplique qui n'est pas partie, d'une phrase que personne n'a eu le courage de prononcer. Ce rêve, c'est aussi le narrateur qui se promet d'attendre telle voyageuse pratiquement inconnue au pied de son immeuble. Le fera-t-il? La chronique qui en parle laisse la porte ouverte à toutes les imaginations.
L'auteur attache d'ailleurs une importance certaine aux voyageurs - perçus comme ses semblables, avec leurs forces et leurs travers, imperturbablement dépeints. Il y a ainsi la modernité de tous ces gens qui voyagent en écoutant leur iPod ou en téléphonant (quitte à assourdir une voiture entière), mais aussi ces voyageurs plus classiques qui lisent un livre dont on aimerait bien connaître le titre, quitte à faire mille contorsions pour en prendre discrètement connaissance.
Et si les âmes humaines sont sondées dans les moindres détails, l'auteur est aussi un observateur attentif de la réappropriation par les voyageurs du fonctionnement du métro parisien. Chacun interprète ces règles à sa façon, ce qui crée parfois des collusions... Là, l'auteur se veut exhaustif: on découvre le voyageur qui tient la porte de la rame ouverte (ou non), les efforts désespérés de tel voyageur qui joue son voyage à la seconde près, l'ambiance des stations où l'on court. Stations? L'auteur semble hanter tout particulièrement celles du nord de Paris, côté Clignancourt.
Enfin, le livre lui-même est calibré pour une lecture dans le métro. Il parle certes de ce moyen de transport, avec une note appuyée de tendresse et d'optimisme; mais aussi et surtout, chacune de ses chroniques est suffisamment courte pour être lue en l'espace du parcours séparant une ou deux stations de métro. Sobre et efficace, ludique par instants (on trouve une phrase biffée, et un jeu classique sur la taille des caractères - des astuces bien connues des blogueurs), chaque chronique dépeint avec acuité un petit univers - que le banlieusard familier du métro n'aura aucune peine à reconnaître. Et que l'usager occasionnel du métro aura plaisir à découvrir à travers le point de vue d'un écrivain.
Bertrand Guillot, Le métro est un sport collectif, Paris, Rue Fromentin, 2012.