Le sujet de ce billet m'est venu, je vous l'avoue, en lisant, lundi soir, journal à zéro franc zéro centime nommé "Blick am Abend", qui constitue le plus clair de la lecture des pendulaires lambda entre Berne et Fribourg en fin de journée. Reste que question actualité linguistique, j'ai été servi...
... le carnet noir des journaux a été bien nourri ces derniers jours, entre Vaclav Havel et Kim-Jong Il. Force est de constater que c'est ce dernier qui, de son paradis communiste, agite aujourd'hui le monde entier - un monde observateur: on pleure en Corée du Nord, et l'on s'interroge sur ce qui va se passer à court terme. Et dans l'immédiat, c'est un certain Kim Jong-un, fils de Kim Jong-il, qui sera, aux yeux du monde, dictateur de la Corée du Nord. La presse suisse a sauté sur le cas, en relevant, pour reprendre le mot de Roland Magdane, "une particularité bien particulière": le fils de Kim Jong-Il sait skier et parle le dialecte suisse alémanique... plus précisément dans sa variante bernoise. Kim Jong-un est certes un personnage mystérieux; mais la presse révèle qu'il a étudié à la InternationSchool of Berne (à Gümligen) de 1994 à 1998, sous pseudonyme - puis a poursuivi à l'école publique de Liebefeld, de 1998 à 2000. Le "Blick am Abend" et "Le Matin" vont plus loin en révélant que ses collègues considéraient le futur chef d'Etat comme un personnage discret qui jouait volontiers au basket. Voilà plus qu'il n'en faut pour apprendre un dialecte très localisé...
... un autre personnage de l'actualité s'est intéressé aux dialectes de sa région... Moncef Marzouki (photo, source), homme de caractère appelé à diriger la Tunisie en qualité de président, a pour particularité de parler l'alsacien. Est-ce qu'il apprécie la choucroute garnie? L'histoire ne le dit pas. Mais des interviews laissent entendre que ce chef d'Etat, qui s'est construit en France, a trouvé en Alsace de quoi gagner sa vie. Quitte à sillonner des campagnes parfois pas très francophones pour prodiguer son art. Ayant vécu quinze ans en Alsace (de 1964 à 1979), il a trouvé le temps d'apprendre le dialecte local. L'homme se targue même d'être le seul Tunisien à parler alsacien... et si les lecteurs tunisiens de ce blog sont en mesure de contredire cette affirmation, qu'ils se lâchent dans les commentaires!
Les futurs puissants de ce monde s'intéressent donc, par hasard ou par nécessité, à des langues finalement très locales. J'aimerais mettre cela en perspective avec le cas de Jean-François Copé, qui a décroché la semaine dernière le Prix de la Carpette Anglaise 2011 pour avoir proposé que la télévision publique française émette en anglais aux heures de grande écoute, et que l'usage de l'anglais soit promu à tous les niveaux de l'école de France - un pays où, faut-il le rappeler, il est encore autorisé de travailler en français. A ce brave homme, l'on rappellera que "plurilinguisme" ne saurait être synonyme de "tout à l'anglais": dans une saine écologie linguistique (salutations à Eva Joly et à Louis-Jean Calvet...), chaque langue, y compris le français, devrait trouver sa place, propre à exprimer sa richesse spécifique. Dans ce domaine, le sous-anglais promu à l'international s'avère bien pauvre... et il est assez épatant de constater que des chefs d'Etat étrangers se targuent de connaître de toutes petites langues alors qu'en France, des responsables en place promeuvent, par posture plus que par fierté linguistique nationale, un idiome synonyme de soumission à l'impérialisme (linguistique) américain.