Nouvelles, lu par Angel-A, Bouquinbourg (via
Index), Fabula
Bovarya, Fantasio, Littexpress, 1001
pages, Seth,
Lu dans le cadre du challenge "deux euros" de Cynthia.
Club? "Le Club du Suicide", bien sûr! N'allez pas croire que j'ai l'intention de me faire sauter le caisson. Mais je sors ici d'une lecture fort roborative de trois nouvelles de Robert Louis Stevenson qui, regroupées sous le titre de "Le Club du Suicide", constituent pour ainsi dire un petit roman vendu deux euros dans toutes les bonnes librairies. C'est un classique... mais c'est aussi du tout bon!
Du tout bon dans l'idée de départ, avant tout: le prince Florizel et son acolyte, le colonel Geraldine, sont accostés par un original qui leur propose d'être membres du Club du Suicide. S'ensuivent des péripéties mortelles, bien sûr... mais pas pour ceux que l'on croit. Cela, sur la base d'un jeu de pur hasard organisé au club.
On l'a compris: il s'agit ici d'un ensemble de récits à suspens. Et même si cela a été écrit il y a plus d'un siècle, ça fonctionne à merveille, même si certains éléments n'atteignent pas la précision de certains auteurs de thrillers actuels. En contrepartie, le lecteur se retrouve dans un milieu sans Internet, sans téléphone portable, sans automobile même... bref, dans un milieu fort artisanal, que l'inspiration romantique fait vivre.
Romantique? Pour commencer, il y a évidemment le jeu du doute et du suspens, générateur d'inquiétude. Assez vite, le lecteur est amené à se demander si les personnages qui mènent le récit vont se retrouver directement mis en jeu par le processus du club... tout en sachant, évidemment, que si cela ne les concerne pas, il n'y a pas d'histoire. Reste à savoir comment, donc, et certains lieux dépeints ne sont pas sans rappeler les descriptions des maîtres français du genre. Notons cependant que les descriptions sont rares dans ce petit lvire.
Là autour, l'auteur avance des thèmes chers aux romantiques. Il y a la maladie - celle d'un handicapé qui paiera de sa vie sa participation au Club du Suicide - mais aussi la tentation vertigineuse de la mort - tentation qui frappe même de jeunes gens exaltés, comme le dit l'auteur. A noter qu'à l'époque où régnait le romantisme, il arrivait que les artistes mourussent jeunes... Et puis, les activités du club sont vespérales, ce qui ramène au thème romantique récurrent de la nuit, présentée comme le monde du mystère: les activités du club doivent rester secrètes. Et puis, il y a le voyage, puisque tout se passe entre Londres et Paris; mais l'auteur ne creuse guère les spécificités des lieux. Pas de tourisme donc...
Les lecteurs trouveront les personnages de ce petit livre attachants; ce sont de grands classiques du genre, en particulier des militaires de sexe masculin. La subordination du colonel face au prince est soulignée à chaque occasion. Les femmes? On trouve certes une ou deux allumeuses dans la deuxième nouvelle du livre ("Histoire du docteur et de la malle de Saratoga"), mais elles ne sont guère valorisées et font figure de personnages fallacieux. Scuddamore, dans la même nouvelle, n'est peut-être pas le héros le plus cohérent du monde littéraire: présenté comme un homme sans histoire, il souffre cependant d'un défaut rédhibitoire: sa curiosité confine au voyeurisme.
On considérera aussi le côté moral de la chose: les instigateurs du club sont assez vite perçus comme les méchants de l'histoire. Face à eux, le prince a beau jeu de se profiler en redresseur de torts, d'autant plus sans doute que le pouvoir qu'il est appelé à exercer en tant que roi est de droit divin. Manichéisme? Pas faux.
Voici donc un petit livre mitonné par un éditeur sensé, qui offre ainsi un avant-goût des "Nouvelles mille et une nuits" - suffisant pour avoir envie d'en lire plus. Bien sûr, pour ça, il faut acheter le livre complet - dans la Pléiade.
Robert Louis Stevenson, Le Club du Suicide, Folio n°3934, 2003.