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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 18:16

Photobucket... qui lève le masque à la dernière ligne d'un récit aussi inspiré et original que On a volé le Big Bang": telle est la dernière phrase du premier paragraphe de la quatrième de couverture de "Les Culs", roman de Jacques Guyonnet. Cet écrivain genevois prolifique, également chef d'orchestre et compositeur, signe là le tome 2 de sa trilogie "Fréquence Femme", qui s'intègre dans une oeuvre romanesque encore plus étendue. Le lecteur y retrouvera la saveur des ingrédients de "On a volé le Big Bang", tome 1 de la trilogie, qui constituait un cocktail plutôt corsé, pour ne pas dire impossible...

 

... impossible? Par endroits, "Les Culs" fait écho au gimmick des cocktails impossibles, exploité avec humour dans "On a volé le Big Bang". Là, cependant, tout se passe sans souci: Le Coq, alias L'Estripador, réalise ses chers cocktails pour ainsi dire sans y penser. L'épisode récurrent du récit est cette fois constitué par l'histoire du narrateur, totalement envoûté par les deux jambes et les deux fesses d'une passante vue sur un trottoir parisien, qu'il se voit contraint de suivre, pour ainsi dire envoûté. Cela vaut quelques pages au goût affirmé de San-Antonio - par exemple dans le chapitre "Un peu de voc" (p. 101).

 

Certes bien présente et assumée, la référence san-antonienne n'est pas la seule à hanter ce récit traversé par les ombres de Christian Bobin, Carlos Castaneda, René Char et le Jean d'Ormesson du "Rapport Gabriel" - membre fameux de l'Académie française, où le récit s'achève par un discours portant sur le sujet évoqué par le titre du roman... Le héros de ce roman serait-il donc i/Immortel?

 

A cela, vient s'ajouter le thème omniprésent de la musique, d'abord suggérée par la forme du roman: plusieurs préludes/antéludes initiaux auxquels répondent autant de postludes en fin de récit, enchâssant deux mouvements plus longs, subdivisés en chapitres brefs et rythmés. Elle est également évoquée par la présence du mythe orphique, revisité dans le cadre de l'intrigue. Enfin, quelques pages poétiques évoquent les caractères de plusieurs danses - de quoi faire remuer quelques valseurs!

 

Avec la musique, l'auteur touche au sacré, et celui-ci est passablement malaxé, avec de nombreux clins d'oeil aux grands monothéismes. Habitué des coulisses du Vatican, le narrateur va par exemple jusqu'à devenir le père de Dieu... ou plutôt d'un Jésus qui va jouer un rôle particulier, tragiquement christique à sa manière, lors de l'une des péripéties. Avec le judaïsme, l'auteur ancre son récit dans l'actualité de l'époque de publication, puisqu'on trouve dans "Les Culs" quelques réminiscences de l'affaire des fonds juifs en déshérence, qui agita la Suisse il y a une dizaine d'années. Cela, sans parler de la thématique d'Eros et Thanatos, l'amour et la mort, omniprésente dans un récit où les femmes sont toujours belles, comme Oriane Park, souvent intelligentes... et parfois malveillantes, à l'instar de Tsorne. Car il y a aussi de la fureur dans ces pages.

 

Et comme si ces éléments fous ne suffisaient pas, l'auteur signe encore, ici, quelques pages d'un grand réalisme terminologique, très réussies, sur l'expérience de pilotage d'un chasseur de type F 22 Raptor. Terminologie? Cela amène l'aspect du rapport de l'auteur non seulement à la langue française, qu'il manie en bateleur adroit ("J'allais me faire des relations dans la crème des Suisses, pas de quoi en faire un fromage", p. 29 - miam!), mais aux langues: son lexique, créatif, intègre des éléments d'anglais (tout en luttant contre l'anglicisme), d'espagnol (le "franpagnol", déjà expliqué dans "On a volé le Big Bang", avec par exemple un étonnant "masomène" qui signifie "plus ou moins" (mas o menos) et même d'allemand (l'"allçais"), une partie de l'intrigue se déroulant au coeur de Bâle.

 

Enfin, une certaine quantité d'humour, savamment dosée, vient parachever ce roman foisonnant et érudit, long mais rythmé de manière à ce qu'il se dévore, échevelé, oscillant sans cesse entre lyrisme exacerbé et scènes d'action originales au goût de science-fiction mystique.

 

Jacques Guyonnet, Les Culs, Genève, La Margelle, 2001.  

Le site de l'auteur: http://www.margelle.org.

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commentaires

A
<br /> Alors si en + les Immortels s'en mèlent...<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Ah oui, ce roman mobilise les hautes sphères - Académie française, Dieu, Allah, Yahvé, les Etats-Unis...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Ca c'est une sacrée étude ! mdr ! ;-)<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> ... écrite avec humour et esprit, et foisonnante qui plus est!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Avec un tel billet, comment ne pas vouloir lire le livre?!<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Un livre étonnant, original... à voir, en effet!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Décidément, il n'y a que toi sur la blogo pour lire des livres pareils !!! Je note !<br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Hé hé... D'ores et déjà, je t'en souhaite une bonne lecture - c'est un livre étonnant.<br /> Essaie de voir avec ton libraire s'il peut t'avoir ça, simplement.<br /> <br /> <br /> <br />

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