D'abord un élément que je concède volontiers: se balader virtuellement dans les rues de Paris grâce à Google Street View est un plaisir. Jeter un coup d'oeil à
la devanture de l'hôtel que l'on convoite à Grenoble, pareil. Mais le système pèche sur élément considéré comme important par pas mal de gens: la protection de la sphère privée. On a longtemps
glosé sur les personnes filmées par Google dans des postures incommodes (par exemple en train de vomir leur cuite de la veille... beurk!); mais un ou deux témoignages montrent l'ampleur de la
question. Je vous en fais brièvement part ici.
Première expérience,
parfaitement personnelle: après avoir tourné autour du rond-point de la Place de l'Etoile à Paris, j'ai décidé de tester le système un peu plus avant. Pour ce faire, je l'ai envoyé me chercher la
Rue Primatice, venelle du treizième arrondissement de la Ville-Lumière. Ping: en quelques secondes, j'ai une perspective plongeante, imprenable, sur l'endroit. Je cible mon affaire, en
saisissant l'adresse exacte d'une librairie d'extrême-droite (voilà, c'est dit... j'ai un drôle de fichier parisien), qui a ses locaux au numéro dix. Le premier enseignement, c'est que la
librairie a une jolie devanture, et que Google Street View permettrait presque de lire les titres des livres exposés en vitrine. En plus, c'est juste à côté d'un restaurant asiatique. Joli coin!
Plus étrange cependant: la présence d'un monsieur plutôt bien habillé (complet noir, cravate assortie) droit devant la librairie, le visage assez reconnaissable (de profil tendance trois quarts
dos, mais quand même) pour que je reconnaisse qu'il ne s'agit pas du libraire (qui a sa photo sur le site de la librairie; la calvitie des deux hommes n'a pas la même configuration...). Des
idées, je ne discuterai pas ici, ni dans les commentaires; mais est-ce que cet homme souhaitait vraiment être vu ici? Si ça se trouve, c'est un élu d'extrême-gauche... ou un fin gastronome qui
n'a pas envie qu'on sache qu'il fréquente les restaurants chinois parisiens. Dans tous les cas, je l'invite à râler auprès de Google Street View, s'il passe par ici (après tout, s'il fréquente
les venelles parisiennes, il fréquente peut-être aussi celles du Web, non?)
Dans
le même registre et dans la même ville, je serais curieux de voir la tête des touristes à la Rue de La Harpe... - Test effectué: les visages des clients attablés en terrasse à la Petite
Hostellerie sont bien floutés. Même s'ils ont l'air de bien s'amuser... et qu'on peut distinguer ce qu'ils mangent et boivent.
Seconde expérience, livrée par le journal fribourgeois "La
Liberté". Là, ça se corse, parce que le bonhomme en question est flouté... mais quand même reconnaissable: il s'agit d'Hubert
Audriaz, artiste et animateur de la cité, qui a obtenu, comme récompense pour les services rendus, de pouvoir circuler en vélomoteur sans casque (alors que celui-ci est obligatoire dans toute la
Suisse - c'est la loi!). Malgré le floutage, on reconnaît sa tignasse qui flotte au vent, alors qu'il est intégré au trafic de la ville de Fribourg. Hubert Audriaz serait-il donc la star locale
qui résiste au floutage? Son profil est en tout cas si célèbre qu'il met Google Street View en défaut...
Floutage, respect de la vie privée? Ca dépend où l'on place ses limites, et les deux exemples mentionnés démontrent la diversité des cas qui se présentent. A ce régime, on pourrait même imaginer
un homme (ou une femme) qui découvre par ce biais que son/sa conjoint/e le/la trompe. Big Brother? Pour le moment, c'est potentiellement un peu ça; espérons que les concepteurs trouveront
une solution à ce genre de situation malencontreuse.