Et si la vie de couple rendait
littéralement chèvre? Et si le mariage vous faisait tourner en bourrique? Il peut arriver qu'on ait l'impression que certains défauts du conjoint puissent donner des envies de meurtre. Et s'il
fallait voir cela de manière très littérale? Tel est, en quelques mots, le propos du roman "Le Mari dangereux", publié en 2001 (déjà!) chez Rivages. Et c'est vraiment à un combat de bêtes que
Jane Shapiro invite son lectorat.
Tout commence pourtant comme finissent tous les romans de chick lit: une belle idylle se noue entre deux personnages qui font rêver (lui est rentier, elle est photographe, tous deux évoluent dans
le milieu juif new-yorkais, présenté comme opulent), et tout cela débouche sur un mariage, alors que jusque-là, Madame, 40 ans, n'a jamais trouvé chaussure à son pied. Grâce à Erving
Goffman, il y a même un peu de psychologie pour sous-tendre l'histoire - celle qui veut qu'il est toujours possible de pousser quelqu'un au meurtre. Joli, non? Mais ce n'est qu'un début... car
Dennis, l'homme de l'histoire, a un défaut rédhibitoire: il est d'une maladresse pathologique - d'où le titre du roman. Il est à noter que ledit Dennis écrit un roman... qui aurait pu être
celui-ci, par un effet intéressant de miroir. Mais il en est peu question.
Très vite donc, le sourire un peu rose qui transpire des premières pages se mue en un rire grinçant, noir même. Pas de joyeuse outrance ni d'insouciant deuxième degré dans ce récit qui met
en scène, littéralement, des bêtes. Il y a naturellement la petite ménagerie de Dennis: une grenouille, un chien et un chat. Et Madame, évidemment, traitée bien malgré elle comme une bête: Dennis
lui tombe dessus, la brutalise sans vraiment le vouloir, manque lui tordre le cou - cela, tout en étant adorable par ailleurs, prodigue en petits cadeaux. Et avec l'argument spécieux de le sauver
de lui-même, elle décide de lui faire la peau... c'est là que s'arrête la première partie, qui peint une descente aux enfers avec, parfois, la précision d'un instantané (et le rythme également,
certaines séquences statiques étant présentées comme des descriptions de photos - ce qui, on l'a compris, est fort pertinent).
Naturellement, on ne s'improvise pas meurtrier, ni directement, ni par procuration (elle fait appel à un tueur, mais la tentative avorte). C'est alors que Dennis prend la main... ce qui est
l'objet de la troisième partie, la plus bestiale: le mari dangereux décide de trucider tous ses animaux, l'un après l'autre. Difficile d'établir la part de volonté du bonhomme; reste que Madame
se sent, dès lors, menacée - s'assimilant de facto aux animaux domestiques. Et c'est bien comme une bête que, dans son plan, Dennis doit mourir. Elle se procure donc de la mort-aux-rats et un
couteau de chasse. Autre élément animal: le vétérinaire de la famille devient la seule interface entre les deux personnes du couple, tous leurs amis ayant déserté. Dennis aura-t-il cependant
l'honneur insigne de mourir d'humaine manière? La fin du récit vous le dira!
... comme des bêtes, je vous dis! Les amateurs d'humour très noir apprécieront.
Jane Shapiro, Le mari dangereux, Paris, Rivages,
2001.