Vous aimez ces romans policiers faussement
tranquilles où l'on ne découvre le coupable qu'à la fin, après une intrigue bien solide? Vous appréciez une certaine grisaille londonienne, les quartiers populaires où se croisent les truands
trop aimables pour être au-dessus de tout soupçon? Alors vous aimerez "Le doux murmure du silence", roman signé de l'écrivain irlandais Paul Charles, qui habite justement à Londres. Et c'est dans
le quartier de Camden, autour d'un grand feu de Guy Fawkes, que tout commence...
Pour ce qui est de plonger le lecteur dans le bain, si j'ose dire, l'auteur ne fait pas de quartier. Dès les tout premiers paragraphes, avant même que ne soit tournée la première page, le drame
est noué: un homme brûle vif dans le bûcher. Peu instructif, l'interrogatoire des témoins rappelle au lecteur qu'en ce début d'histoire, la confusion est totale. En ce début de roman, l'auteur
laisse agir ses personnages, et les fait surtout parler: les dialogues sont nombreux, les descriptions rares, l'introspection inexistante. Pas même le temps d'aborder la situation des Irlandais
exilés à Londres. Place à l'enquête, nue, sans fard.
Peu à peu, au fil des entretiens effectués avec l'entourage de la victime, on découvre son portrait, peint en creux, et cela n'a rien de reluisant. Christy Kennedy, dont c'est ici la
huitième enquête (et la première publiée par les éditions Naïve), se retrouve donc à enquêter, avec son équipe, sur un flic ripou, volage, aux méthodes expéditives. L'état d'esprit de
l'inspecteur reste cependant très professionnel, ce qui ajoute à son mérite, surtout lorsqu'il se retrouve face à des hypocrites dont le portrait est réussi (à l'instar d'Anderson).
Naturellement, tout le monde a intérêt à voir mouirir
Une fois le lecteur bien accroché, l'auteur, habile, distille peu à peu des descriptions, et laisse du champ à l'introspection. Même s'il n'est pas un familier du personnage de Christy Kennedy,
le lecteur découvre ainsi à qui il a affaire: un homme d'un certain âge, qui réfléchit (par exemple à une justice parfois trop encline à prendre le parti des coupables contre celui des victimes)
qui n'a guère de passions hors de la police, si ce n'est le thé (un art où il est passé maître; on boit beaucoup de cette boisson dans ce roman, beaucoup plus que de l'alcool) et, dans une
certaine mesure, la musique.
Cette dernière renvoie à un des éléments qu'on associe volontiers à Londres; "Le doux murmure du silence" effectue du reste un passage obligé dans une salle de concerts. L'auteur lâche par
ailleurs quelques noms, quelques titres de chansons, qui pourraient constituer la "bande originale" du livre, et lui donnent en tout cas une certaine ambiance, entre rock et jazz. Ajouté à un
certain sourire qui transparaît à travers les phrases, cela donne un roman de facture solide et classique, jamais glauque, jamais gadgétisé (oui! C'est un roman de notre temps, mais on
n'y voit guère de téléphone portable) mais finalement accrocheur, jusqu'à la résolution finale. Surprenante, comme il se doit.
Paul Charles, Le doux murmure du silence, Paris, Naive, 2009.
Livre reçu des éditions Naïve et du
site Ulike, que je tiens à remercier
ici.